Émilie & The Cool Kids : Comment cette franchise s’est imposée comme une success story française ?

Comment une petite boutique de 37 m², lancée avec seulement 7 000 euros d’économies chacun, a-t-elle pu devenir un réseau national de coffee shops artisanaux ? C’est l’histoire fascinante d’Émilie & The Cool Kids, une enseigne qui s’est développée grâce à l’audace de ses fondatrices, Céline Molière et Émilie Zmaher, et à un modèle de franchise bien pensé. Revenons sur les origines de cette aventure, son expansion et ses innovations qui continuent d’inspirer les entrepreneurs.

Lors de Monaco Inspire, j’ai eu le plaisir d’interviewer Céline Molière la fondatrice. Nous l’avions déjà interviewée en 2021 et la franchise a maintenant fait un bon spectaculaire !

Quelles étaient les ambitions initiales ?

En 2007, Céline Molière revient de Californie, marquée par la culture des coffee shops indépendants et l’atmosphère conviviale qui y règne. Elle rêve de recréer cette ambiance en France, mais avec une touche unique : des produits faits maison et un univers chaleureux. Avec Émilie Zmaher, elle conçoit un concept autour des cookies, du café et des moments de partage. L’ouverture du premier magasin à Nice est modeste, mais les retours clients sont immédiatement positifs.

« À l’époque, nous avions très peu de moyens, » raconte Céline. « Mais nous avions une idée claire et une passion immense. Nous avons tout imaginé, de la carte au design des lieux, pour créer une expérience mémorable. » Cette détermination paie : dès les premiers mois, le café attire une clientèle fidèle, séduite par les produits artisanaux et l’atmosphère cosy.

Pourquoi choisir la franchise comme levier de développement ?

Après plusieurs années d’exploitation en propre, l’enseigne décide de se lancer dans la franchise pour accélérer sa croissance. « La franchise permet de partager notre savoir-faire tout en donnant à d’autres entrepreneurs l’opportunité de réussir avec un concept éprouvé, » explique Céline. La première franchise voit le jour en 2017, marquant une étape clé dans l’histoire de l’enseigne.

Aujourd’hui, Émilie & The Cool Kids compte plus de 30 points de vente, dont une majorité en franchise. Le flagship du Forum des Halles à Paris est devenu la vitrine de la marque, renforçant sa visibilité auprès d’une clientèle urbaine et cosmopolite.

La franchise offre un cadre structuré et minimise les risques pour les nouveaux entrepreneurs. L’enseigne met à disposition de ses franchisés des outils performants, comme des logiciels d’analyse de flux piétons et de données consommateurs, qui permettent de choisir les meilleurs emplacements. En moyenne, un point de vente atteint la rentabilité en 9 à 18 mois, un délai remarquable dans le secteur.

Quels défis rencontre-t-on dans la création d’un réseau ?

Comme tout modèle entrepreneurial, la franchise n’est pas sans enjeux. Céline confie que le recrutement des franchisés est une étape critique. « Au départ, il était difficile de dire non à un candidat, surtout lorsqu’il semblait très motivé, » explique-t-elle. Cependant, des erreurs de casting peuvent coûter cher à la marque, c’est pourquoi un processus rigoureux de sélection a été mis en place.

Les candidats passent par plusieurs étapes, incluant une immersion dans les cafés existants pour s’imprégner de l’univers de la marque. « Le test ultime ? Je me demande toujours si j’aurais envie d’aller boire un verre avec cette personne. Si la réponse est non, je sais que la collaboration sur le long terme sera compliquée. »

En quoi le Sugar Mummies Club (SMC) est-il une révolution ?

Un des freins majeurs à la franchise reste l’apport financier initial. Céline a donc imaginé le Sugar Mummies Club (SMC), un programme innovant qui agit comme une pépinière de franchisés. « Nous avons créé le SMC pour aider des candidats talentueux, mais limités financièrement, à concrétiser leur projet, » explique-t-elle. Ce dispositif, conçu en collaboration avec des experts comme Valérie Ammirati (cabinet Skynet) et Julien Siouffi, permet de lever ces freins grâce à un soutien financier et un accompagnement personnalisé.

Les franchisés du SMC commencent comme gestionnaires de points de vente semi-intégrés, avec un objectif clair : devenir indépendants au bout de trois ans. Ce modèle hybride combine la sécurité d’un emploi salarié et les avantages de l’entrepreneuriat. « Nous voulons leur donner les moyens de réussir à la force de leur travail, » ajoute Céline. Actuellement, plusieurs magasins, comme ceux de Marseille et Grenoble, fonctionnent sous ce modèle émergent.

Quelle est la place des valeurs dans ce succès ?

Émilie & The Cool Kids ne se contente pas d’être une franchise performante ; c’est aussi une entreprise profondément ancrée dans des valeurs humaines. Tous les produits sont faits maison, et les franchisés bénéficient d’une formation approfondie pour maîtriser les recettes. « Nous voulons que chaque café ait sa propre âme, tout en respectant les marqueurs visuels de la marque, » précise Céline.

Cette attention au détail s’étend également à la gestion des ressources. L’enseigne a mis en place une centrale d’achat qui permet à chaque franchisé de bénéficier de tarifs avantageux sur les matières premières. « Grâce à cette organisation, nos franchisés atteignent en moyenne une marge brute de 77 %, » souligne Céline.

Comment l’international a-t-il enrichi l’expérience de la marque ?

L’expérience d’un magasin en Islande, ouvert en 2017 et revendu récemment, a offert des enseignements précieux à l’enseigne. « C’était une aventure incroyable, mais nous avons réalisé que franchiser à l’international nécessite une structure différente, » confie Céline. Cette expérience réussie a renforcé la conviction que le marché français reste la priorité pour l’instant.

Quelles sont les ambitions pour les années à venir ?

Avec une croissance annuelle de 25 %, un chiffre d’affaires prévu à 12 millions d’euros en 2024, et l’objectif d’atteindre 50 points de vente d’ici 2026, Émilie & The Cool Kids ne manque pas d’ambition. Céline souhaite également investir davantage dans la communication pour renforcer la notoriété de la marque au niveau national. « Nous aimerions toucher une audience plus large et mieux faire connaître notre concept unique, » explique-t-elle.

Pourquoi cette success story inspire-t-elle autant ?

Au-delà des chiffres, Émilie & The Cool Kids incarne une vision de l’entrepreneuriat fondée sur l’innovation, le partage et la passion. L’histoire de Céline et Émilie montre que même avec des ressources limitées, il est possible de construire quelque chose de grand si l’on y met tout son cœur.

Pour les aspirants franchisés, cette enseigne représente un modèle à suivre, combinant un concept solide, un accompagnement de qualité et des valeurs humaines. « Nous ne cherchons pas seulement des partenaires commerciaux ; nous voulons bâtir une famille, » conclut Céline.

Avec cette philosophie, il n’est pas étonnant qu’Émilie & The Cool Kids continue de séduire autant les consommateurs que les entrepreneurs. Une success story à savourer, un cookie à la main.

 

A propos de l’auteur : Pascale Caron est membre du comité de MWF Institute et spécialiste de la technologie dans le domaine de la santé. Elle est CEO de la société Yunova Pharma, implantée depuis 2020 à Monaco et commercialise des compléments alimentaires dans la Neurologie.

Pascale est également directrice de rédaction de Sowl-initiative.


Success-story, Franchise

Interview de Céline Molière co-fondatrice de Emilie and the cool kids, et présidente de Bads Girls good Cakes.

By Pascale Caron

J’ai découvert Céline lors d’un événement « Elle active » à Nice. Elle témoignait de son expérience de créatrice, et elle m’a bluffée et inspirée par son côté « Rock-en-Roll » et sa success-story.

Céline est diplômée du Skema (alors Ceram) de Sophia Antipolis. Elle a fondé avec Emilie, Emilie’s Cookies & Coffee Shop en 2007 à Nice. Décoré comme l’intérieur d’un appartement, c’est un lieu de vie convivial et fonctionnel qui ravit les amateurs de pâtisserie. Mais l’histoire ne s’arrête pas là. En 15 ans, ce coffee shop de centre-ville est devenu une entreprise florissante avec 13 franchises, 5 boutiques en propre et 45 employés.

 

 

Comment as-tu créé Emilie and the cool kids?

Tu vas penser que c’est un storytelling tout droit sorti d’un bouquin de marketing, mais c’est véridique. C’est l’histoire d’une amitié entre voisines, qui remonte à l’époque où Emilie Zmaher venait déposer ses cookies et muffins sur mon palier. Mon meilleur ami l’avait rapatriée de Paris et c’est comme cela que l’on s’est connues. Moi je rentrais des états unis avec une forte envie d’entreprendre et nous avons alors décidé de créer ensemble le premier coffee shop d’inspiration américaine à Nice en 2007, sur 30 m2, rue Alberti. Depuis mon premier séjour aux usa, cette idée germait en moi. J’avais travaillé au sein des hôtels Méridien et c’est la rencontre avec Emilie, si différente et si complémentaire qui a cristallisé le projet.

Nous avions réussi à rassembler 15 000 euros avec une idée très précise de ce que nous voulions faire : du business plan, les playlists, et même jusqu’à la déco des toilettes… Les banques ne nous ont pas suivis, mais une rencontre avec l’association Initiative Nice Côte d’Azur (Fier entreprendre à l’époque) nous a permis de faire de notre rêve une réalité. Ils nous ont doublé notre apport et nous ont accompagnés. C’est là que j’ai connu Valérie Ammirati, qui est encore aujourd’hui mon comptable, mais aussi mon mentor. Je m’investis toujours au sein d’Initiative, je fais partie du conseil d’administration, pour leur rendre un peu ce qu’ils m’ont donné.

Au départ on a privilégié l’emplacement plutôt que la superficie, une déco comme à la maison, du bon café, car on est proche de l’Italie, et une biscuiterie adaptée aux goûts français. Emilie, spécialiste des gâteaux et pâtisseries, a créé presque l’intégralité des recettes, j’ai imaginé les mets salés. Nous avons ouvert notre 2e lieu en 2009, rue de la Préfecture dans le Vieux Nice, après la grossesse d’Emilie. On aurait pu s’arrêter là et je serais surement passée à autre chose, car je suis quelqu’un qui s’ennuie rapidement. Mais en 2011, un jeune Monégasque, Anthony, nous propose de lancer une franchise à Monaco, et l’aventure commence. Notre savoir-faire unique était transférable et nous avons pivoté vers le métier de franchiseur tout en misant sur l’artisanat, le fait sur place et le lieu de vie imaginé comme un Concept store.

Au départ notre ADN, c’était plutôt le coffee shop de quartier, mais cela ne nous a pas empêché d’investir Polygone Riviera à Cagnes-sur-Mer et de devenir une marque plus crédible et « bankable ».

Parle-moi du leadership, comment as-tu appris ton rôle de Leader ? Et qu’est-ce qui t’a amenée à ouvrir d’autres lieux ?

Je me suis entourée, je suis très organisée. Je ne m’épanouis pas vraiment dans le management pur, c’est pour cela que j’ai une équipe RH et que je ne veux pas dépasser 50 employés. J’ai le luxe de travailler avec des gens que j’ai choisis. Je prends plaisir à travailler avec eux.

Le leadership m’a empêchée de m’ennuyer, je suis passée de gérante de boutique à manager, puis chef d’entreprise multisite et ensuite franchiseur. Ce nouveau métier m’a apporté beaucoup : le fait d’accompagner des entrepreneurs dont le rêve d’une vie est de créer leur propre entreprise me passionne, à fortiori autour d’un concept que l’on a imaginé ! Pour moi l’image de la réussite c’est de conjuguer la quête de sens et la croissance. Bien sûr tout cela n’est pas facile et les employés du début ne comprenaient pas cette fuite en avant « on ne veut pas devenir Starbucks ! » me rétorquaient-ils. Clairement, ça n’a jamais été le but. Au départ, je suis allée à reculons vers la franchise : pour moi elle avait une mauvaise image. Mais nous l’avons fait à notre manière, avec notre modélisation, nos concepts et nos process. On a gardé le « fait maison » et à chaque ouverture nous repensons entièrement à la déco : nous nous sommes positionnés à contre sens de nos concurrents (Starbucks ou Columbus).

Nous avons créé également une filiale, « Bad Girls, good Cakes », à Cap 3000 : c’est une marque premium avec un positionnement plus haut de gamme, orienté sur le Cake Design.

 Quel a été l’impact de la crise du COVID pour tes activités ?

Cette crise a suscité une vocation de reconversion et une envie de création chez pas mal de monde : nous avons beaucoup de demandes de franchises dans les tuyaux.

De notre côté ça a été, 24 à 48 h de grand choc : depuis le début nous n’avions jamais éteint nos machines à café. Puis la boite à idées s’est mise en place : on a offert des cookies aux soignants, puis nous avons lancé les kits de cookies à faire chez soi, la vente à emporter, le site e-commerce. On a pu constater que notre modèle était résilient. Nous avons essuyé une perte de 25 % de chiffre d’affaires, nous qui avions généralement une croissance de 25 % par an. Cela nous a obligés à recalibrer les emplacements sur des tailles plus réduites, 60 m2 avec un modèle plus rentable.

Au départ j’avais beaucoup réfléchi à monter mon entreprise aux USA plutôt qu’en France. Je m’étais souvent fait la réflexion que j’aurais surement mis beaucoup moins de temps à réussir qu’ici : mais cette crise a rebattu les cartes. Je n’ai pas eu à me séparer de collaborateurs, à mettre la clef sur la porte. Je suis reconnaissante de ce que l’état français a mis en place pour sauver l’emploi.

Quels sont tes prochains challenges ?

Notre ambition est de devenir le 1er réseau de coffee shop artisanal de France. Nous voulons nous servir de cette petite avance que nous avons prise sans perdre notre âme et notre identité : notre croissance doit être vertueuse.

 Et qu’en pense Emilie ?

Emilie, je pense que ça lui aurait très bien allé de rester rue Alberti pendant 15 ans ! Elle m’a proposé d’ouvrir un Emilie’s Cookies en Islande. Elle y a retrouvé le bonheur de ce qu’elle aime faire : créer des recettes. Nos avis ont divergé en termes de développement et j’ai racheté une partie de ses parts, je suis majoritaire dans la structure. Mais elle est toujours là en cas de coup dur et ça lui est arrivé de débarquer de Reykjavik avec son sac à dos pour donner un coup de main !

 Est-ce que tu t’es toujours imaginée entrepreneure ?

Je viens du milieu de la musique underground, avec des grands-parents aux convictions politiques plutôt rouges. À l’époque, c’était la mode d’avoir un groupe de rock dans le garage de ses parents, mais c’étaient généralement des garçons. À 15 ans j’ai fondé un groupe de filles au nom tout en finesse « Dickless ». Ça a été ma 1re expérience entrepreneuriale : j’ai dû démarcher les bars, organiser les concerts, imprimer les affiches… J’ai eu plusieurs formations et je n’ai jamais été une bonne musicienne (les enregistrements l’attestent). Cette expérience m’a appris à lancer mon produit, à faire du marketing et à apporter une pincée de punks dans la bonbonnière !

Quelles sont les personnes qui t’inspirent ?

Valérie Ammirati, est pour moi une source d’inspiration incroyable. Généralement, les femmes, fortes, indépendantes qui n’ont écrasé personne sur la route du succès m’inspirent. Les femmes pensent souvent quand elles ont du succès « j’ai eu de la chance, j’étais là au bon moment », mais elles réussissent grâce à elle-même, il n’y a pas de hasard.

Les filles qui se sont imposées dans le milieu du Rock si masculin m’inspirent également : Janis Joplin, Patty Smith, mais aussi Courtney Love, Les Riots grrrls qui imposaient « all girls to the front » dans leurs concerts. On prend notre place devant !

 Quels livres nous conseilles-tu ?

J’admire énormément Virginie Despente et je conseille « King Kong Theory », un essai féministe qui analyse le rôle et la place des femmes dans notre société.

Je conseille bien sûr « À nos sœurs de combats » de mon amie Julie Meunier la fondatrice des Franjynes, une personnalité tellement authentique, dans sa colère ou sa joie !

 En conclusion aurais-tu une devise ou un mantra ?

« Le risque, ce n’est pas de risque ». Le seul risque que je peux prendre c’est de ne pas le prendre au bon moment. Bien sûr, je l’évalue avant de m’engager et j’étudie surtout le risque de ne rien faire. En ne te lançant pas, tu peux passer à côté d’un truc, de ta vie… Mon dernier mantra est : « Non, n’est pas une réponse acceptable » !

À méditer.