TECH impact sociétal

Interview de Sophie Comte, Cofondatrice et Directrice de la rédaction de Chut ! un magazine qui interroge l’impact du numérique sur notre société.

By Pascale Caron

Lancé en 2019, le trimestriel Chut ! créé par Sophie Comte et Aurore Bisicchia, explore les conséquences des technologies dans nos vies. Elles sont convaincues que ce sont des enjeux de sociétés majeurs de notre époque qui nous concernent tous.

Elles l’abordent au travers de grandes thématiques : comme la place des femmes dans le monde, la ville de demain, l’écologie, la santé, l’apprentissage, l’amour, la démocratie ou encore le travail.

Chut ! est également un média féministe et inclusif. C’est un magazine engagé, qui questionne et valorise une tech empreinte de mixité, de responsabilité et d’éthique.

Ce magazine existe en ligne, sur chut.media et au format papier de 100 pages illustrées qui parait tous les trimestres. Elles ont reçu le prix du jury et du public « Médias en Seine », ainsi que « Femmes et Numérique » du Groupe La Poste.

 

Qu’est-ce qui t’a amenée à devenir entrepreneure ?

Je n’en avais pas forcément l’ambition, je voulais juste mon indépendance. Tout s’est fait très vite au hasard des rencontres. C’est la naissance de ma fille qui a été le déclencheur : j’ai décidé alors d’être rédactrice Web. J’avais une amie avec qui on avait fait notre prépa, qui exerçait déjà ce métier. En travaillant côte à côte dans un centre de coworking, on a choisi comme une évidence de s’associer, pour créer notre agence, « les chuchoteuses ». Nous avons commencé par chuchoter sur le web, pour des entreprises concernées par la transformation digitale. Nous gérions leur blog, ce qui nous a amenées à faire de nombreuses d’interviews et qui nous a permis de monter en compétence.

Tout le monde parle de Tech et de Digital chacun dans sa bulle de communauté. Que ce soient les startups centrées sur la Tech et l’économie ou les geeks plus focalisés sur la technique. À notre sens les enjeux de société n’étaient pas ou peu traités.

Les technologies sont présentes à toutes les étapes de notre vie. Il ne se passe pas un jour sans qu’on l’aborde : cyberharcèlement, cyberattaques, militantisme en ligne, amour virtuel et connecté, télétravail, médecine à distance, addictions aux écrans… Chut ! observe comment toutes ces transformations anodines en apparence se convertissent en grandes métamorphoses de notre époque. La pédagogie et l’inspiration sont notre mantra : nous voulons rendre ces sujets accessibles à toutes et tous, être inclusifs au travers de nos rubriques.

On a commencé en 2019 avec un thème fort : « La femme est l’avenir de la Tech ». C’est « Digital Ladies and Allies » qui nous ont sensibilisées à ce sujet. On l’a décortiqué sous tous les angles. Le cliché du geek donne un problème de représentation et d’image mentale pour les enfants, mais surtout chez les parents. Les jeunes filles ne s’engagent pas dans cette voie. L’enjeu est économique pour les femmes : le numérique sera de plus en plus au sein de la conception des produits de tous les jours. Ce sujet est devenu une rubrique de notre ligne éditoriale et nous l’avons intégré dans chacun de nos numéros.

Chut ! est un trimestriel de 100 pages diffusées en kiosques et librairies. Nous accordons une grande place à l’expérience de lecture, avec de nombreuses illustrations pop et colorées, et des versions sonores pour plus d’accessibilité. Nous développons également des podcasts avec la chaîne Chut ! Radio. Nous interviewons des rôles modèles, avec des profils accessibles pour que les personnes puissent se projeter. Au travers de nos différents numéros, nous souhaitons montrer que le secteur de la Tech, à enjeu économique et politique fort et essentiel, doit se construire dans la mixité, la diversité et l’inclusion.

Avec plus de 15 000 exemplaires distribués par trimestre, Chut ! Magazine est reconnu pour sa ligne éditoriale unique, qui crée de l’engagement, de l’enthousiasme et de l’inspiration autour de sujets parfois difficiles à appréhender. Nous sommes présents dans des endroits stratégiques, comme les gares, dans la plupart des grandes villes et sur les réseaux sociaux.

Nous avons franchi les frontières en nous exportant au Canada, Belgique et Suisse.

Nous avons développé également des activités de partenariat, d’événementiel et nous continuons notre service d’agence. C’est comme cela que le modèle peut être à l’équilibre, car il ne faut pas se cacher que les couts, notamment papier, ont doublé depuis la COVID.

On est 5 collaborateurs fixes, et nous travaillons avec des pigistes, des photographes, et des dessinateurs. Pendant la production d’un trimestriel, nous sommes 30 !

Quels sont vos challenges à venir ?

Nous lançons Chut ! explore, un magazine pour les ados. Nous avons constaté que les jeunes piquaient Chut ! mag à leurs parents et que les profs avaient besoin de support pédagogique.

Notre campagne de crowdfunding a démarré le 28 février. Nous l’avons imaginé plus graphique et plus visuel, sous forme de dépliant avec un poster. Les ados sont les 1res personnes connectées. En 6e dès que l’enfant va rentrer tout seul du collège, il va avoir accès à un smart phone. Nous ciblons les parents et les professeurs pour commencer. Il pourra servir de sujet de discussion en classe ou à la maison. Nous aurons bien sûr une amplification digitale sur Tik Tok.

Nos premiers articles ont des titres évocateurs pour les ados : « en mode selfie », « body positive », « fake news et théories du complot ». Il y aura des fiches métiers pour expliquer que tous les parcours dans la tech ne sont pas tous longs et compliqués. Nous animerons des ateliers d’éducation au numérique, dans les classes et les bibliothèques. Nous sommes convaincus qu’il faudrait créer des cours d’eCivisme à l’école.

 

Quelles sont les personnes qui t’ont inspirées dans ta carrière ?

Je citerais les Digital Ladies and Allies: ce sont toutes des femmes bienveillantes qui nous apportent chacune beaucoup, par leur écoute et leur aide. Elles rassemblent et fédèrent et nous permettent de se sentir moins seules dans l’entrepreneuriat. Elles contribuent dans chaque numéro de Chut ! avec une chronique dédiée aux femmes dans la Tech.

 

Aurais-tu un livre à nous conseiller ?

J’en ai 2. Tout d’abord « Les oubliées du numérique » d’Isabelle Collet. C’est un ouvrage essentiel pour comprendre pourquoi le numérique est massivement dominé par les hommes et quelles sont les solutions à mettre en place pour l’inclusion des femmes, qui est un enjeu crucial aujourd’hui.

Elle livre avec clarté le fruit de quinze ans de recherche sur le sujet, et propose des réponses pour relever les défis et les obstacles posés par l’IA en lien avec le genre.

Et puis, « Les grandes oubliées — pourquoi l’histoire a effacé les femmes ? » de Titiou Lecoq. De tout temps, elles ont agi, régné, écrit, milité, créé, combattu, crié parfois. Et pourtant elles sont pour la plupart absentes des manuels d’histoire. Pourquoi cet oubli ? De l’âge des cavernes jusqu’à nos jours, Titiou Lecoq s’appuie sur les découvertes les plus récentes pour analyser les mécanismes de cette vision biaisée de l’Histoire. Elle redonne vie à des visages effacés, raconte ces invisibles, si nombreuses, qui ont modifié la société.

 

Aurais-tu une devise ou un mantra ?

« L’éducation est l’arme la plus puissante pour changer le monde. » – Nelson Mandela.

 

A propos de l’auteur : Pascale Caron, membre du comité MWF Institute est CEO de la société Yunova Pharma, implantée depuis 2020 à Monaco et commercialise des compléments alimentaires dans la Neurologie. Pascale est également directrice de rédaction de Sowl-initiative.

 


[Tech], Innovation

Interview de Intissar Belhassen, fondatrice et Managing Director de InfinIT services,

By Pascale Caron

Diplômée d’un Master grande École à l’ISG Paris, Intissar a passé 7 ans dans le Conseil IT et le recrutement. Après une expérience en tant que Managing Director d’Ametix Group, elle a créé depuis septembre 2021, InfinIT une toute jeune entreprise de services du numérique à Sophia Antipolis (ESN).

Peux-tu nous retracer ton parcours et comment es-tu devenue Managing Director d’Ametix à 25 ans ?

Ametix était un cabinet de recrutement et ESN (NDLR. Entreprise de Services du numérique, appelée avant 2013 SSII) à taille humaine de 100 salariés lorsque je les ai rejoints. Pendant de mes études à l’ISG Paris, je me suis découvert une fibre 100 % commerciale, mais je ne connaissais rien à l’IT. L’une de mes amies était en apprentissage chez eux ; elle était tellement motivée et impliquée que cela m’a donné envie de les rejoindre. Les valeurs et la culture de cette entreprise me correspondaient parfaitement. C’était une entreprise avec une organisation horizontale, participative, qui faisait confiance à ses salariés.

J’ai rejoint Ametix en 2015 et c’est là que j’ai eu la chance de rencontrer mes mentors. Vincent Klingbeil et Patrick Bunan m’ont beaucoup appris. Au bout de six mois, ils m’ont proposé une évolution de carrière et j’ai pris le poste de Business manager. Ils nous mettaient tous les outils entre les mains afin d’exploser nos objectifs dès la première année. C’était une société à l’époque qui me faisait vibrer, car nous sortions amplement du cadre de l’ESN classique. Nous étions pionniers dans le numérique à Paris en organisant le concours du meilleur développeur de France, le MDF (plus gros concours d’Europe). Au fil des années, il était même devenu stratégique pour les personnages politiques d’y être vu. Ametix travaillait avec tout type de clients, du Lab d’innovation aux grands comptes du CAC40 et tous ces projets dans lesquels nous nous engagions. Au bout d’un an et demi, j’avais fait le tour de la question et je ne pensais plus qu’à une seule chose, la création de valeur. Je savais que nos fondateurs nous faisaient confiance, mais de là à m’accorder la possibilité d’ouvrir une succursale dans le sud de la France à 25 ans, qui plus est, enceinte de 6 mois… Ils l’ont fait.

Nous avions été rachetés par Docaposte qui avait une antenne à Sophia Antipolis : cela faisait du sens. Ils ont cru en mon idée et ont dit oui ! Je suis consciente que c’était une chance énorme : j’avais des patrons fous, de vrais mentors qui m’ont poussée à me dépasser ! Mon mari, chirurgien esthétique, trouve un cabinet également dans le Sud et me suit. Les planètes étaient alignées. Go ! Nous quittons Paris…

Je crée donc « from scratch », une nouvelle structure à Sophia Antipolis et au bout de 10 personnes je commence à avoir du budget pour embaucher en interne. J’ai alors expérimenté le métier de leader, et je me suis passionnée pour cela : guider l’humain, le faire monter en compétences tout en transmettant les outils sans imposer de modèle. J’ai mis en place un management participatif, de confiance, et un climat social reposant sur la bienveillance. En 3 ans, nous atteignons 65 collaborateurs. Ce fut une forme d’entraînement à l’entrepreneuriat. Comment gérer des budgets, fixer des objectifs, recruter des talents, les fidéliser, qu’ils soient productifs et épanouis ? Et surtout s’assurer que l’humain reste au cœur des préoccupations lorsqu’un intérêt financier entrait en jeu ? Notre métier est répandu, mais n’est pas exercé de façon identique chez tous nos concurrents. Je ne voulais pas de « requins » dans mon équipe.

La quatrième année, l’histoire a voulu que nous ayons fusionné avec une ESN qui faisait 4 fois notre taille. Et là, s’est opéré le choc des cultures. Nous n’avions deux ADN aux antipodes. Ils ont eu un effet bulldozer sur tout ce que nous avions pu construire et entreprendre jusqu’alors.

Docaposte avait compris qu’un regroupement pur et dur aurait brisé l’ADN d’Ametix et nous avait préservés. Nous avions d’extraordinaires synergies entre nous et avons vécu une merveilleuse aventure ensemble. Cette fois, ce n’était malheureusement pas l’esprit de cette nouvelle fusion. Une page se tournait et je commençais à en écrire une autre.

 

Qu’est-ce qui t’amène à te lancer dans l’entrepreneuriat ? D’où t’est venue l’idée d’InfinIT ?

Cette situation a précipité les choses. Je suis partie d’Ametix fin août 2021 et j’ai créé InfinIT en septembre, c’est tout frais. J’exprime une immense gratitude envers tous ceux qui ont contribué à cette expérience. Notamment, mon équipe, qui m’a suivie, car nous avions tissé des liens et vécu une aventure si précieuse que nous n’avons pas pu nous quitter. Un groupe atypique avec des personnes de toute séniorité et de tous horizons, c’était notre force. Je ne souhaitais pas perdre cela : nous avons transformé ce départ en phénomène positif avec l’avènement d’InfinIT. Nous sommes sur un marché très « pénurique », et le manque de profils IT se fait de plus en plus ressentir. Notre existence est plus que jamais nécessaire et nous apportons à nos clients l’accompagnement dont ils ont besoin.

 

Quels sont les challenges dans cette nouvelle entreprise ?

Nous avons pour ambition de créer de la valeur dans cette communauté IT, grâce à notre cœur de métier qui est le conseil et le recrutement. Nous voulons organiser également des événements tels que des hackathons, des « meetups » sur des thèmes comme le Big data, l’IA, ou l’user Expérience. L’idée est de fructifier le savoir-faire que nous avons accumulé chez Ametix à Paris.

 

Quel est l’ADN de cette nouvelle entreprise ?

Notre objectif dès réception d’un besoin, est de faire un match avoisinant les 100 % entre les compétences demandées et le « mindset » du candidat avec l’entreprise. Cela passe tout d’abord par une connaissance approfondie de l’aspiration du client, de son environnement et de son climat social. En parallèle, nous établissons une proximité avec les postulants. Nous avons un processus de recrutement très précis qui nous permet d’élaborer une relation de confiance avec chacun d’entre eux. Même si la marge d’erreur existe toujours, nous la minimisons.

 

Quelle est la proportion de femmes parmi les équipes ?

Comme tu le sais, le ratio dans le métier de la Tech est extrêmement bas, et je n’ai pu en mobiliser que 15 % de notre effectif. Elles sont plus présentes sur la rédaction fonctionnelle ou l’user expérience. J’ai eu l’opportunité de recruter en Tunisie et au Maroc et là la représentation était beaucoup plus élevée.

 

Quelles sont les personnes qui t’inspirent ?

Je pense tout d’abord à une femme d’affaire accomplie qui a géré plusieurs sociétés tout en faisant très bien son job de mère, la mienne.

Mon mari, qui exerce l’un des plus beaux et difficile métier du monde, chirurgien.

Et je citerai mes mentors, Vincent Klingbeil & Patrick Bunan, les co-fondateurs d’AMETIX, qu’ils ont revendus au bout de 6 ans au groupe la Poste et qui continuent aujourd’hui de surfer sur la vague du succès. Ils sont encore là pour moi, nous échangeons régulièrement. Tout conseil venant d’eux est bon à prendre. Par exemple, « Toujours faire deux heures de veille technologique par jour », par Vincent et « Rester humble en toute circonstance », par Patrick.

 

Aurais-tu un livre à nous conseiller ?

Oui, « Le Secret » de Rhonda Byrne. Elle explique la loi de l’attraction et prouve, par de nombreux témoignages, que c’est une philosophie efficace. Penser positif et être bienveillant envers son environnement. C’est une conception de la vie qui s’applique à tout le monde et qui nous engage à être de belles personnes. Je la mets en pratique quotidiennement dans le travail, le management, et ma vie de tous les jours. Cela me permet de prendre les meilleures décisions, lorsque parfois certains intérêts pourraient nous pousser à basculer du mauvais côté, et surtout dans notre métier !

 

Pour terminer quelle est ta devise ou ton mantra ?

La persévérance est mon mot d’ordre. Il faut toujours tenir bon et avancer, car notre plus gros frein n’est que notre esprit.

 

À méditer.