Du Théatre au Cinéma

Interview de Valérie Piola Caselli, fondatrice de Com’Media Conseil, Form’actrice chez Violette et Garance, Consultante en scénarios, scénariste et réalisatrice.

By Pascale Caron

Il est difficile de mettre Valérie dans une case. J’ai eu l’opportunité de la croiser dans plusieurs événements dans son rôle de Violette, vêtue de sa robe à pois. Son assurance et son énergie débordante m’ont beaucoup inspirée. C’est naturellement que j’ai voulu en savoir plus et je n’ai pas été déçue !

Peux-tu nous expliquer ta trajectoire et ce qui t’a amenée à créer ton entreprise ?

C’est un parcours de slasheuse. Atypique, multiple, avec comme dénominateur commun la compréhension de l’humain dans sa diversité et sa singularité et le plaisir d’écrire et de créer.

Je me suis toujours intéressée à la Psychologie. Mais à 18 ans, j’avais l’impression fausse qu’étudier cette discipline me conduirait forcément vers des face-à-face avec des patients aux histoires douloureuses. Trop difficile pour une hypersensible comme moi. J’ai donc choisi de faire une maîtrise en gestion d’entreprise et ensuite un DESS de marketing pour creuser véritablement l’aspect plus psychologique du consommateur. Il y avait 24 places pour 500 postulants. Pour me démarquer, j’ai décidé de faire un stage. Le hasard de la vie (si tant est qu’il existe !) m’a amenée au Figaro Méditerranée. C’est là que j’ai découvert le journalisme et à travers lui, le bonheur de rencontrer des gens intéressants et inspirants sans leur demander de chèque à la fin de l’entretien !

Je suis tombée sur une rédactrice en chef incroyable, Marie-Clémente Barbé-Conti, ma marraine de plume. C’était magique parce que mes petits articles devenaient de plus en plus grands. J’interviewais des gens connus, ou pas. Cette expérience m’a permis de relativiser la notion de célébrité, de m’enlever toute inhibition pour échanger avec quiconque sans gêne et avec authenticité.

Au bout de trois mois de stage, Marie-Clémence m’a même proposé de créer une rubrique, Campus, dans laquelle j’avais toute liberté. Je me suis essayée à tous les sports extrêmes. J’ai sauté en parachute, fait de la voltige aérienne… Et surtout, j’étais déjà très attirée par la culture et le théâtre et ne manquais jamais une occasion de relayer ce type d’infos ou de faire des portraits d’artistes. Au bout d’un an, j’ai eu mon DESS de marketing et ma carte de presse 15 jours après.

Je me suis rendu-compte que mon projet était de découvrir et d’apprendre des choses et que le journalisme allait me le permettre davantage. Après 5 ans au Figaro, j’ai rejoint Europe 2, ou je faisais des billets d’humeur et des chroniques. J’ai travaillé ensuite 9 ans à Télé Monte-Carlo pour le magazine Sud en réalisant des sujets de 9-10 minutes (dont certains étaient revendus à Arte). Là aussi, j’ai eu la chance d’avoir un rédacteur en chef, inspirant et bienveillant, Jean-Robert Cherfils.

Mes plus beaux souvenirs ? Un reportage au milieu des baleines sur un petit bateau du Musée océanographique au large de la Corse. Je pense aussi à 3 rencontres émotionnellement fortes avec Henri Salvador, des portraits d’artistes comme le sculpteur Nicolas Lavarenne, ces gens qui œuvrent à rendre le monde plus beau. Je pense à Michèle Ramin fondatrice de l’arboretum de Roure ou encore ce moment particulier où des SDF m’ont proposé de m’assoir avec eux par terre et d’observer le non-regard des passants…

Côtoyer toutes ces personnes a été un vrai enrichissement et aussi une source de questionnement. En situation d’interview, je croisais des gens merveilleux qui parfois ne savaient pas parler d’eux et d’autres, peut-être plus aguerris aux techniques de com’ qui communiquaient très bien, mais avaient-ils quelque chose à dire ? Une sorte de grande injustice relationnelle. Cela m’a interrogée et j’ai voulu creuser le sujet. J’ai repris six ans d’études à l’Université pour devenir Psychologue. Tout en continuant à être journaliste, j’ai travaillé sur l’impact de la caméra sur le comportement humain, les bouleversements pulsionnels quand on passe dans la lumière. J’ai étudié surtout ce que le stress peut amener de négatif dans la communication et comment le contrer.

Télé-Monte-Carlo a été mon laboratoire, parce que j’y menais mes « expériences » avec l’aval de mon rédacteur en chef qui me disait « La Piole, c’est quoi encore vos conneries ? Bon OK, allez-y. » C’était vraiment un très joli moment de vie.

Et puis toute histoire a une fin. Télé-Monte-Carlo a été racheté par TFI et AB production. Il n’était plus possible d’y faire du magazine. J’avais 15 ans de journalisme, un titre de Psy, 2 enfants, un mari, de fortes racines azuréennes… et avec tout ça, qu’est-ce qu’on fait ?

Aucune envie d’intégrer une entreprise et d’avoir un manager. Je tiens farouchement à ma liberté ! J’ai alors décidé de créer ma boite et fondé « Com’Media Conseil » autour du coaching, de la formation professionnelle (prise de parole en public et média training) et de cours à l’Université Côte d’Azur. J’ai affiné ma pratique en devenant Synergologue (experte en communication non verbale). Depuis 18 ans, j’accompagne des CODIR, des managers, des femmes et hommes politiques, des artistes aussi… Si les objectifs sont différents, la quête est toujours la même : aider la personne à être la meilleure version d’elle-même. C’est même la clé du charisme d’ailleurs.

Comment es-tu devenue Violette ?

L’aventure « Violette et Garance » est née il y a 10 ans d’une rencontre avec Muriel Cauvin, qui est également coach, intervenante, à l’EDHEC Business School. Elle est comédienne comme moi (je fais du théâtre depuis l’âge de 12 ans).

Nous sommes parties du constat que la formation ne suffisait pas à ancrer véritablement de nouveaux comportements. Il nous paraissait fondamental de créer des mises en situation, de les jouer, les faire ressentir en travaillant sur l’intelligence émotionnelle. On a un background similaire, et surtout les mêmes valeurs humaines, l’envie de faire bouger les lignes. Au départ on se nommait « AlterAction ». Notre but, c’était d’éviter les altercations. On s’est aperçu rapidement que nos personnages étaient devenus plus forts que nous et que tout le monde nous appelait « Violette et Garance ».

En temps normal, le Théâtre Forum est plutôt sociétal. Il vient du Brésil et a été créé par Augusto Boal sous le nom de Théâtre de l’Opprimé. Nous l’avons aménagé pour les entreprises, et déposé cette variante à l’INPI. Nos champs d’action sont entre autres le harcèlement, le sexisme, la diversité, le vivre ensemble, le handicap. Nous couvrons des thèmes très vastes comme le management, le recrutement, l’insertion professionnelle. Nous travaillons également dans le domaine médical sur l’empathie et l’annonce des mauvaises nouvelles aux patients. Nos clients, vont de la PME à la grosse entreprise, secteur public comme privé (Thales, la SNCF, le CNRS pour en citer quelques-unes) partout en France et même parfois au-delà (Belgique, Portugal).

Nous écrivons des saynètes sur mesure qui collent au quotidien des participants pour que les gens qui sont en face aient vraiment l’impression que l’on fait partie de leur univers. On joue une mauvaise pratique et ensuite nous invitons des personnes du public à prendre la place de la form’actrice en difficulté. Le but est de montrer qu’en changeant sa posture, on peut modifier sa relation à l’autre.

Nous sommes toujours habillées en noir à pois blanc, c’est notre dress code pour dire qu’on est des personnages. Même si nous réalisons un théâtre de la réalité.

Avec le Covid, l’histoire aurait pu s’arrêter là, mais cette contrainte nous a au contraire permis de nous démultiplier. Nous avons appris par la force des choses à faire du théâtre forum en visio. Aujourd’hui, nos clients nous demandent du présentiel et du distanciel. Nous faisons également du théâtre forum en vidéo.

Bref, je suis une « slasheuse », et heureuse de l’être ! Loin de m’éparpiller, je cumule les activités que j’aime et dans lesquelles j’ai une plus-value à apporter. L’objectif reste le même. En psycho existentielle, on demande aux gens leur « verbe de vie ». J’en ai deux. Le premier, c’est « contribuer » et le deuxième c’est « créer ». Avec le coaching, je « contribue » en accompagnant les personnes dans leur développement (développement du charisme, de l’affirmation de soi…). Idem avec le Théâtre Forum où nous déclenchons aussi parfois des déclics salutaires.

Et en innovant sans cesse sans jamais faire 2 fois la même chose, je crée.

Quels sont tes prochains challenges ?

Justement, me rapprocher plus encore du verbe « créer ». J’ai repris la plume par passion. Depuis deux ans, j’écris des scénarios de documentaires et des courts métrages. Seule, en groupe et de temps en temps en famille. Nous avons monté avec mes deux enfants « Bleu Cactus », un groupement d’indépendants qui réalise des vidéos de fiction, mais également qui offre ses services de média training, scénarios, de réalisation et de montage aux entreprises, formateurs, influenceurs. J’ai la chance d’avoir une fille Nina Calori, réalisatrice, scénariste et monteuse et un fils Noé Caselli, comédien et monteur.

Cerise sur le gâteau, notre dernière production « Roman », un court métrage contre les violences sexuelles totalise déjà 5 sélections en festival en France, Italie et Espagne. Il a même été dans le trio gagnant du prix « droits humains » et remporté le prix du public devant 1800 films au Femifilms de Stiges (festival espagnol sur le droit des femmes). Moi qui ai eu la chance de ne jamais avoir vécu ce type de drame, je me suis mise à la place des femmes victimes. Le but est de déclencher des prises de conscience sur le déni et sur la honte (qui devrait concerner uniquement celui qui perpétue l’acte). Toujours cette double envie de contribuer et de créer.

Ce petit film qui était là comme un don à ceux qui en avaient besoin me prodigue beaucoup de bonheur en retour. Ça a été un vrai kif pour moi d’interpréter la mère de « Roman ». De partager cette expérience en famille et surtout de recevoir autant d’avis positifs.

La machine est lancée. À tous les sens du terme. Bien sûr j’utilise un ordinateur, mais j’ai une vieille Remington qui me surveille à côté de mon bureau !

Enfin, je me suis lancée dans un tout nouveau défi. Forte de mes compétences de psychologie, de synergologie et d’écriture de scénarios, je propose dorénavant aux boites de production mes services de consulting. L’idée est de les aider sur leurs projets à développer les caractéristiques psychologiques des personnages, à mieux qualifier leur gestuelle et leur vocabulaire pour trouver une congruence, les rendre plus authentiques et toucher le public. On ne pose pas ses lunettes de la même manière si on a une tendance maniaque ou histrionique !

Mon idéal serait de travailler à 50 % comme scénariste ou consultante en scénario, et le reste sur Violette et Garance et le coaching.

Au total, déclencher l’intelligence émotionnelle du public ou des interlocuteurs qu’il s’agisse de fiction ou de réalité, c’est la même « histoire ».

 

Est-ce que tu aurais un livre, ou un podcast à nous suggérer ?

Je conseillerai « Novecento » d’Alessandro Baricco. C’est le récit d’un pianiste qui est né dans un bateau sur la mer. J’adore l’écriture de Baricco. Pour moi, elle se rapproche de la musique. Et surtout, le personnage rassemble tout ce que j’aime : l’authenticité, la poésie et un regard décalé sur la vie.

 

Aurais-tu une citation ou un mantra ?

« Un oiseau sur un arbre n’a pas peur que la branche casse, parce qu’il n’a pas mis sa confiance dans la branche, mais dans ses propres ailes ».

 

A propos de l’auteur : Pascale Caron est membre du comité de MWF Institute et spécialiste de la technologie dans le domaine de la santé. Elle est CEO de la société Yunova Pharma, implantée depuis 2020 à Monaco et commercialise des compléments alimentaires dans la Neurologie.

Pascale est également directrice de rédaction de Sowl-initiative.