L’influence et son impact sur l’économie

L’influence et son impact sur l’économie : Une Conférence Organisée par MWFI en collaboration avec MonacoTech

Modéré par Pascale Caron directrice de rédaction de Sowl Initiative by MWF Institute

Le 12 septembre 2024, le Monaco Women in Finance Institute (MWFI) en collaboration avec Monacotech a organisé une conférence fascinante sur « L’influence et son impact sur l’économie ». Cet événement a réuni plusieurs experts pour discuter de la façon dont l’influence, qu’elle soit médiatique, sociale, numérique ou économique, façonne notre société moderne. L’idée était de permettre aux participants de réfléchir sur les nouveaux moteurs de l’économie dans un monde de plus en plus digitalisé, où les influenceurs jouent un rôle central dans la formation des comportements et des décisions économiques.

MWFI. Ce think tank, créé en 2021 par Patricia Cressot et Joanna Damar Flores, se concentre sur le renforcement de la place des femmes dans la finance et les prises de décisions économiques​. Le MWFI composé d’une équipe mixte et dynamique de 8 personnes, est un acteur clé du networking à Monaco. Il organise des événements réguliers, abordant des sujets cruciaux, notamment le rôle des femmes dans les marchés financiers, l’économie, et les enjeux de société.

 

La conférence a été enrichie par des interventions d’experts qui ont apporté des perspectives variées sur l’influence et son impact économique.

  • Véronique Jeannot, auteur du roman Les Hivernants, a captivé le public en traçant une ligne historique entre les figures influentes de la Belle Époque et l’ère actuelle. Elle a exploré l’évolution de l’influence, depuis les pionniers du tourisme jusqu’aux stars de cinéma, aux sportifs et aux influenceurs digitaux d’aujourd’hui​. Elle a notamment expliqué comment les personnalités publiques ont, au fil du temps, modelé des comportements sociaux et économiques à travers les arts, la mode et le tourisme, créant des mouvements globaux qui ont perduré pendant des décennies.
  • Dr Marie-Nathalie Jauffret, chercheuse associée à l’Université Côte d’Azur, a abordé le sujet fascinant de la biodigitalisation. Cette nouvelle frontière de l’influence, où les entités numériques et l’intelligence artificielle jouent un rôle croissant dans la publicité et la communication, interroge sur l’avenir de l’influence invisible. Elle a mis en lumière l’impact des biodigitaux, ces entités numériques qui, bien que non humaines, ont la capacité de simuler des comportements humains, créant ainsi des liens émotionnels avec les consommateurs. L’intervention du Dr Jauffret a ouvert un débat éthique sur la place de l’humain dans un monde où l’intelligence artificielle et les algorithmes déterminent de plus en plus les comportements de consommation.
  • Romain Fourel, créateur de The Secret Society, a partagé son expérience dans le marketing d’influence. Ayant créé la plus grande plateforme d’influenceurs au Moyen-Orient, il a offert un regard concret sur l’impact économique direct des influenceurs sur des secteurs tels que la restauration et le luxe. Il a souligné l’importance des influenceurs dans l’économie moderne: ces figures peuvent non seulement orienter les comportements des consommateurs, mais aussi générer une croissance exponentielle pour les entreprises qui adoptent des stratégies d’influence bien pensées.

L’histoire de l’influence

Véronique Jeannot a tracé un parcours captivant des figures d’influence à travers les époques, illustrant comment des personnalités comme Henri Negresco et Auguste Escoffier ont redéfini l’industrie touristique et gastronomique en Europe. Ces figures historiques ont été les premiers à utiliser leur notoriété pour influencer des comportements économiques, un phénomène qui a pris une ampleur mondiale avec l’avènement d’Internet et des réseaux sociaux​.

Les Pionniers de l’Influence : La Belle Époque et les Années Folles

Véronique Jeannot a ouvert son intervention en revenant sur une période charnière, la Belle Époque (fin du XIXe siècle — début du XXe siècle). Cette période est souvent considérée comme l’une des plus influentes en matière de changements sociaux, culturels et économiques. Durant cette époque, des figures emblématiques ont émergé dans différents secteurs comme le tourisme, la gastronomie, et les arts, et ont su modeler les comportements économiques et sociaux de l’époque.

Elle a mis en lumière le rôle d’entrepreneurs visionnaires comme Cézar Ritz,  Henri Negresco et Auguste Escoffier, qui ont influencé l’industrie du tourisme et de la restauration de luxe. Ces personnalités ont contribué à la création de nouveaux standards de confort et d’élégance, en mettant en place des services exceptionnels, que ce soit dans les hôtels ou dans les cuisines. Henri Negresco, par exemple, a fondé l’emblématique hôtel Negresco à Nice, qui est devenu un symbole du luxe et de la haute société, attirant une clientèle prestigieuse. De son côté, Auguste Escoffier, chef renommé, a révolutionné la cuisine en créant des plats devenus des classiques, et en réorganisant les brigades de cuisine.

Les Années 50-70 : L’âge d’or du Cinéma et des Acteurs

La présentation a ensuite exploré l’influence croissante du cinéma dans les années 50 à 70, où les acteurs sont devenus de véritables icônes culturelles et économiques. Véronique Jeannot a évoqué des figures marquantes comme Marilyn Monroe, Audrey Hepburn, ou encore James Dean, qui ont influencé non seulement la mode, mais aussi les tendances de consommation.

Elle a expliqué comment ces stars, grâce à leur notoriété et leur charisme, ont commencé à collaborer avec de grandes marques, devenant les premières égéries modernes. Ces partenariats ont marqué le début d’une relation entre célébrité et consommation, où le cinéma ne se limitait plus à un simple divertissement, mais devenait un puissant moteur de l’économie. Les stars étaient désormais des modèles à suivre, et leur style de vie était largement imité par le grand public.

Les Années 80-90 : L’émergence des Super-modèles et de la Musique

Véronique Jeannot a poursuivi en évoquant les années 80 et 90, marquées par l’émergence des super-modèles et de l’influence croissante de la musique. C’est à cette époque que les mannequins, comme Cindy Crawford, Naomi Campbell, ou Claudia Schiffer, ont atteint un statut de célébrité équivalent à celui des stars du cinéma. Elles ont influencé non seulement les tendances de la mode, mais ont aussi contribué à définir les normes de beauté de toute une génération.

Parallèlement, la musique, et plus particulièrement le mouvement hip-hop et le rock, ont commencé à jouer un rôle crucial dans l’évolution des comportements de consommation. Des figures comme Michael Jackson et Madonna ont non seulement dominé la scène musicale, mais ont aussi influencé les tendances vestimentaires et culturelles à travers leurs clips et leurs apparitions médiatiques.

Les Années 2000 : L’avènement d’Internet et des Réseaux Sociaux

L’arrivée d’Internet et des réseaux sociaux dans les années 2000, a profondément transformé le paysage de l’influence. Elle a expliqué comment ces nouveaux outils ont démocratisé l’influence, permettant à n’importe qui de devenir une figure publique, à condition de savoir utiliser les plateformes comme Facebook, Instagram, ou YouTube.

Les stars de cinéma et de la mode ont dû partager l’espace médiatique avec une nouvelle génération d’influenceurs digitaux. Ces personnes issues de divers horizons qui, grâce à leur créativité et leur authenticité, ont réussi à capter l’attention d’un public toujours plus large. Des influenceurs comme Kim Kardashian sont devenus des phénomènes mondiaux, capables de générer des millions de dollars grâce à leur présence en ligne et leurs partenariats avec des marques.

Véronique Jeannot a montré que l’influence a toujours existé sous diverses formes, évoluant au fil du temps avec les technologies et les changements culturels.

Cette exploration historique a posé les bases pour comprendre l’influence dans son contexte contemporain. Elle a introduit des réflexions profondes sur la manière dont ces acteurs, qu’ils soient entrepreneurs, artistes ou mannequins, ont participé à la transformation de l’économie mondiale.

 

L’impact de l’IA et des biodigitaux sur l’influence économique

Dr Jauffret a ensuite plongé l’audience dans un futur qui est aussi actuel, où les biodigitaux redéfinissent la publicité et la communication. Ces entités numériques, combinées à l’intelligence artificielle, simulent des comportements humains complexes pour influencer subtilement les décisions d’achat. L’un des points marquants de son intervention a été l’analyse des risques éthiques associés à cette nouvelle forme d’influence, notamment en termes de collecte de données et de manipulation émotionnelle. L’impact de l’intelligence artificielle (IA) et des biodigitaux sur l’influence économique, est un sujet fascinant qui explore l’évolution de l’influence dans un monde où les technologies numériques jouent un rôle central. L’intervention du Dr Jauffret a abordé la manière dont les entités virtuelles et l’intelligence artificielle redéfinissent les interactions humaines et économiques, en créant de nouvelles dynamiques d’influence.

Qu’est-ce qu’un biodigital et comment fonctionne-t-il ?

Un biodigital est une entité numérique qui simule des comportements humains, souvent si réalistes que les utilisateurs peuvent avoir l’impression d’interagir avec une véritable personne. Grâce à des algorithmes sophistiqués et à l’IA, ces entités peuvent reproduire des émotions, des expressions et des interactions sociales complexes. Ce sont des influenceurs numériques à l'apparence totalement humaine, utilisés de plus en plus dans le marketing et la communication pour influencer les comportements des consommateurs.

Le Dr Jauffret a expliqué que ces entités numériques ne sont pas seulement des outils de communication, mais des vecteurs d’influence puissants. Elles sont capables de capter l’attention des consommateurs de manière plus ciblée et personnalisée, ce qui en fait des acteurs clés dans l’économie moderne. Elles peuvent interagir avec les utilisateurs sur les réseaux sociaux, dans des environnements virtuels, ou même en tant qu’assistants personnalisés dans des interfaces de vente en ligne.

L’intelligence artificielle et la personnalisation de l’influence

L’une des caractéristiques les plus marquantes des biodigitaux est leur capacité à personnaliser leur interaction avec les utilisateurs grâce à l’IA. L’intelligence artificielle permet de collecter et d’analyser des quantités massives de données comportementales sur les consommateurs, ce qui permet de créer des expériences d’interaction sur mesure. Par exemple, un biodigital peut adapter son discours en fonction des préférences de l’utilisateur, ou encore prédire ses besoins futurs en fonction de ses choix passés.

Cette capacité de personnalisation renforce l’efficacité des stratégies marketing. Les entreprises peuvent utiliser les biodigitaux pour influencer subtilement les comportements d’achat, en créant des recommandations qui semblent parfaitement adaptées à chaque individu. Ainsi, l’IA permet aux marques de pousser des contenus et des produits de manière ciblée, ce qui augmente considérablement les chances de conversion.

L’impact sur la publicité et le marketing

L’IA et les biodigitaux modifient profondément le paysage publicitaire. Ces entités numériques peuvent être configurées pour incarner différents personnages, adopter des styles de communication spécifiques, ou même simuler des comportements émotionnels, afin de rendre les interactions plus authentiques et engageantes pour les consommateurs. Cela permet d’exploiter l’attachement émotionnel des utilisateurs, rendant les messages publicitaires plus impactants et plus persuasifs.

Un des exemples donnés par Dr Jauffret concerne l’utilisation de biodigitaux dans la publicité pour des marques de luxe. Ces entités peuvent incarner des ambassadeurs virtuels, qui parlent aux clients de manière personnalisée, avec une esthétique raffinée qui correspond à l’image de la marque. Cela permet non seulement de toucher une audience plus large, mais aussi de créer un lien émotionnel fort, augmentant ainsi la fidélité des consommateurs à la marque.

De plus, l’IA permet aux entreprises de mesurer précisément l’impact de leurs campagnes d’influence en temps réel. Les algorithmes peuvent analyser les réactions des consommateurs, ajuster les stratégies en fonction des retours, et optimiser continuellement les campagnes pour maximiser leur efficacité. Cela crée une boucle de rétroaction continue qui améliore les résultats économiques des campagnes publicitaires.

Les risques éthiques et le libre arbitre des consommateurs

Si l’utilisation de l’IA et des biodigitaux ouvre de nouvelles opportunités pour les entreprises, elle soulève également des questions éthiques importantes, notamment en ce qui concerne le libre arbitre des consommateurs. Dr Jauffret a évoqué la manière dont les biodigitaux peuvent manipuler subtilement les émotions et les perceptions des utilisateurs, créant l’illusion du libre arbitre alors que leurs choix sont en réalité influencés par des algorithmes invisibles.

L’un des risques majeurs est que les consommateurs peuvent perdre de vue leur capacité à prendre des décisions autonomes face à des recommandations si finement personnalisées qu’elles semblent répondre à des besoins intimes. Les entreprises peuvent exploiter ces informations pour diriger les comportements des consommateurs vers des produits ou des services qui ne correspondent pas nécessairement à leurs besoins réels, mais qui servent avant tout les intérêts commerciaux.

En outre, la collecte massive de données personnelles nécessaire pour le bon fonctionnement des biodigitaux et de l’IA soulève des préoccupations en matière de vie privée. Les biodigitaux apprennent de chaque interaction, accumulant des informations sur les préférences, les habitudes et les émotions des utilisateurs, ce qui pourrait être utilisé de manière abusive par certaines entreprises. Il est donc essentiel de réguler cette technologie pour garantir la transparence et protéger les droits des consommateurs.

Le futur de l’influence : vers une économie biodigitale ?

L’impact de l’IA et des biodigitaux ne se limite pas à la publicité et au marketing. Comme l’a souligné Dr Jauffret, ces technologies ont le potentiel de transformer de nombreux secteurs économiques. Dans l’éducation, par exemple, les assistants biodigitaux peuvent personnaliser l’apprentissage pour chaque étudiant. Dans la santé, ils peuvent guider les patients à travers des programmes de soins, en répondant de manière empathique à leurs besoins.

Le développement de cette technologie crée également de nouvelles opportunités économiques. Des start-ups spécialisées dans la création de biodigitaux et des solutions d’IA apparaissent, générant des emplois dans des secteurs émergents comme la bio-ingénierie numérique. Cependant, il y a aussi des risques de concentration des richesses, car les grandes entreprises technologiques (GAFAM) sont en première ligne pour dominer ce marché en plein essor.

L’avenir de l’économie biodigitale semble donc prometteur, mais il dépendra de notre capacité à équilibrer l’innovation technologique avec une régulation éthique rigoureuse.

Le rôle des plateformes d’influence dans l’économie moderne

Romain Fourel a mis en évidence l’évolution du marketing d’influence, passant d’un phénomène marginal à un acteur majeur dans plusieurs secteurs économiques. Sa plateforme The Secret Society est un exemple frappant de la manière dont les influenceurs peuvent impacter directement les industries, notamment en augmentant la visibilité et les ventes de produits ou services.

Le rôle des plateformes d’influence dans l’économie moderne, est crucial et continue de croître à mesure que les influenceurs digitaux deviennent des acteurs clés dans le marketing et les stratégies économiques des entreprises. Ces plateformes, comme The Secret Society fondée par Romain Fourel, permettent aux marques d’accéder à un large public à travers des partenariats avec des influenceurs. Ils sont capables de façonner les comportements des consommateurs et d’influencer directement les décisions d’achat.

Une Expansion Internationale et une Stratégie Révolutionnaire avec les Influenceurs

TSS, sous la direction de Romain Foutel, s'est imposée comme une référence dans le domaine du marketing d'influence à travers plusieurs pays. En combinant innovation, technologie et une approche unique du partenariat avec les influenceurs, l'entreprise a su se démarquer en transformant la manière dont les marques collaborent avec les créateurs de contenu.

Un déploiement international

Démarré au Moyen-Orient, TSS établi à Dubai a rapidement étendu son activité à travers différents pays, notamment l’Asie et l’Europe, ce qui a permis à la société de toucher des audiences variées et d'adapter ses stratégies en fonction des cultures locales. Cette expansion mondiale a permis de renforcer l'image de TSS en tant qu'acteur incontournable dans le secteur du marketing d'influence.

TSS adapte ses campagnes en fonction des particularités de chaque marché, ce qui lui permet de se positionner comme un intermédiaire stratégique entre les marques et les influenceurs.

L'effet de masse avec les influenceurs

Une des forces majeures de TSS réside dans sa capacité à exploiter l’effet de masse en travaillant avec une multitude d’influenceurs, souvent de micro-influenceurs ou de nano-influenceurs, dont l'audience, bien que plus modeste, est extrêmement engagée. Contrairement à la tendance qui vise à travailler avec de grandes célébrités du web, TSS mise sur le volume et l'authenticité, en orchestrant des campagnes avec un large éventail d'influenceurs.

Cette stratégie permet de créer une onde de choc, où la répétition du message à travers divers canaux et profils engendre un impact significatif pour les marques. Ces influenceurs, bien qu’ils ne disposent pas de millions de followers, permettent une pénétration plus profonde et plus authentique dans des communautés ciblées.

Une approche unique des contreparties

Ce qui distingue également TSS, c’est sa manière innovante de gérer les partenariats avec les influenceurs. Contrairement aux pratiques classiques où les influenceurs sont rémunérés pour leur promotion, TSS propose une approche différente : les collaborations ne sont pas monétisées de manière directe. Au lieu de recevoir une compensation financière, les influenceurs bénéficient d'avantages exclusifs, tels que des produits gratuits, des invitations à des événements VIP, ou encore des accès privilégiés aux coulisses des marques.

Cela crée un sentiment d'exclusivité et de privilège pour les influenceurs, qui voient dans ces partenariats une opportunité de s'associer à des marques prestigieuses et de se distinguer auprès de leur audience. Pour les marques, cette approche permet d’obtenir des collaborations authentiques, basées sur un échange de valeur qui ne se réduit pas à une simple transaction financière.

La sélection des influenceurs : un processus simplifié et technologique

L’un des aspectss novateurs de TSS réside dans sa manière de sélectionner les influenceurs. En s'inspirant du modèle des applications de rencontre, la société utilise un système de swiping pour évaluer et sélectionner les influenceurs potentiels. Ce processus simplifié permet aux équipes de TSS d’identifier rapidement les créateurs de contenu qui correspondent aux besoins des marques, en se basant sur des critères spécifiques tels que l’audience, les centres d'intérêt, et le taux d’engagement.

Cette approche technologique et intuitive permet à TSS de travailler de manière efficace avec un grand nombre d’influenceurs, tout en garantissant que chaque collaboration est pertinente et bien alignée avec les objectifs des marques.

Conclusion

Cette conférence a marqué un moment important dans l’exploration de l’influence et de son impact sur l’économie. En réunissant des experts de divers horizons, l’événement a permis de mieux comprendre les enjeux complexes liés à l’influence dans une ère numérique en constante évolution. Que ce soit à travers les figures historiques ou les technologies émergentes, il est clair que l’influence continuera de jouer un rôle prépondérant dans l’économie mondiale.

 

 

A propos de l’auteur : Pascale Caron est membre du comité de MWF Institute et spécialiste de la technologie dans le domaine de la santé. Elle est CEO de la société Yunova Pharma, implantée depuis 2020 à Monaco et commercialise des compléments alimentaires dans la Neurologie.

Pascale est également directrice de rédaction de Sowl-initiative.

 


Les influenceurs de la Belle époque

Interview de Véronique Jeannot, auteure des « Hivernants » sur les influenceurs de la belle époque.

 By Pascale Caron

 

Véronique est une passionnée, elle a eu plusieurs vies en une.

Férue de voyages et d’art, elle a fondé son entreprise, « 8 ᵉ Art », après une formation chez Christie’s. Son parcours l’a ensuite menée au prestigieux hôtel Negresco, où elle a contribué à developper l’événementiel, et au Musée du Sport, où elle a lancé des initiatives novatrices. En parallèle, Véronique a écrit un livre inspiré de la Belle Époque, mettant en lumière des figures influentes de cette période. C’est une personne solaire avec une grande capacité à rebondir et à se réinventer, en restant toujours guidée par ses passions.

Je l’avais rencontrée il y a quelques années lors d’une conférence qu’elle donnait sur les arts de la table à travers les âges. Sa maitrise du « storytelling » nous avait tous fascinés. C’est tout naturellement que j’ai voulu en savoir plus.

 

Peux-tu nous expliquer ton parcours et ce qui t’a amené à embrasser plusieurs carrières ?

 J’ai obtenu un Master 2 en hôtellerie internationale. Donc forcément, dans la lignée de mes études, j’ai commencé ma vie professionnelle dans le tourisme. J’ai deux grandes passions : les voyages et l’art.

À mes débuts donc, je concevais des voyages sur mesure pour les entreprises. Puis je me suis mariée et j’ai quitté Nice pour aller vivre à Bruxelles et suivre mon époux dans ses pérégrinations. Ensuite à Paris, nous avons eu un premier enfant, une fille, et ensuite un garçon. Pendant ces années où je voulais vraiment rester centrale dans la vie de mes enfants, je ne travaillais plus qu’en free-lance. Et comme je m’ennuyais quand même un peu, j’ai passé un diplôme chez Christie’s, où je me suis immergée dans le monde l’art. J’avais 30 ans. Et là, le grand coup de foudre s’est opéré. Quand je faisais ces études sur l’art et l’histoire de l’art, tout le monde m’enviait dans mon cercle d’amis. Je me suis rendu compte que les gens adoraient apprendre, mais qu’ils n’avaient pas le temps.

Forte de ce constat, je fonde ma première boite, que j’ai toujours considérée comme mon troisième enfant : « 8 ᵉ Art », c’est l’art d’être en phase avec ses compétences. Tout comme Lagardère, et puisque « les gens n’avaient pas le temps d’aller à l’art, j’ai amené l’art aux gens ». J’ai animé des événements d’entreprises internes et externes, sur des sujets autour de l’histoire de l’art. L’aventure a duré une dizaine d’années. J’ai travaillé essentiellement pour les labos pharmaceutiques, et pour les banques. Les thèmes étaient très variés généralement en synergie avec les spectateurs qui venaient m’écouter. Je crois beaucoup au fait d’apprendre en s’amusant et c’est ce que j’ai fait.

 

Tu avais donné une conférence fascinante sur « L’art de la table, au fil des siècles » pour la société de mon mari.

L’art de la table plait à tout le monde, car les Français sont de fins gourmets : à quel moment on invente la fourchette, pourquoi mange-t-on salé, épicé, pourquoi masque-t-on les goûts ? Pour les laboratoires, j’ai abordé des thèmes comme l’histoire de la peinture, à travers différentes spécialités médicales : la cardiologie, la neurologie, l’évolution du rôle de l’enfant pour les pédiatres. Autrefois l’enfant n’avait pas d’existence sociale, il n’était pas baptisé, et ne recevait pas son prénom avant l’âge d’un an, à cause du fort taux de mortalité. Avant ce cap, il n’existait pas et les parents ne voulaient pas s’attacher. On donnait un même prénom à une fratrie : Vincent Van Gogh par exemple avait le prénom d’un frère aîné mort. Pour les pédiatres, j’ai trouvé intéressant de raconter l’évolution des courants artistiques en illustrant avec l’évolution de la représentation infantile en peinture. J’ai fait aussi bien d’autres sujets mettant en synergie peinture et patients.

Par la suite, j’ai divorcé, et je suis rentrée à Nice, ma région d’origine, avec mes deux enfants. Et là, j’ai continué à travailler trois ans pour 8 ᵉ Art. Mais à distance, les gens ne pensent plus forcément à toi. Je me suis donc dit que c’était peut-être le moment de passer à autre chose, et j’ai rejoint le Negresco.

Et là, nouveau coup de foudre : je tombe amoureuse de cet établissement à la fois désuet, mais en même temps, à la pointe. Au milieu de ces 6 000 œuvres d’art, je trouve l’environnement parfait pour m’épanouir. Je passe de l’autre côté du miroir, et découvre comment courtiser des agences, et leur proposer le lieu qui va convenir à leurs événements. Je deviens l’ambassadrice du Negresco, sur les marchés américains, français, mais aussi je voulais rendre cet hôtel aux Niçois. Dans les périodes creuses, j’ai organisé des mariages avec des couples modestes. Je voyais arriver les futurs mariés, des étoiles pleins les yeux s’écriant : « jamais je n’aurais pu rêver me marier au Negresco ». Et ça me donnait la chair de poule.

Avant que la brasserie de la Rotonde ne soit rénovée, comme elle l’est aujourd’hui, j’ai orchestré avec mes grands comptes, une « demolition party ». J’ai fait venir Faben, notre célèbre graffeur niçois. On a habillé tout le monde avec des combinaisons, des masques, des lunettes, et des surchaussures. On aurait dit qu’on était dans un bloc opératoire ! Faben leur a appris à taguer. Et les gens s’en sont donné à cœur joie sur les murs du Negresco ! Ça reste un de mes souvenirs mémorables. Responsable des marchés français et américain, j’ai pu participer à de nombreux salons et workshops. Je ne suis jamais aussi heureuse que quand je fais une valise. Mais ensuite, il y a eu la Covid, et l’hôtel a fermé, réouvert, à plusieurs reprises. Finalement, ils se sont séparés de toutes les personnes qui voyageaient. J’ai donc fait partie d’un plan social qui m’a sur le coup, beaucoup chagrinée.

Pendant un temps j’ai assuré une mission au sein du Negresco, et j’ai participé à la création d’une boutique « concept store ». C’était un challenge, car je ne connaissais rien au départ à cet univers. Je suis partie benchmarker tous les concept stores de Paris, et je suis revenue avec une proposition sur le thème des cinq sens. La boutique proposait des objets, qui se mangeaient, se buvaient pour illustrer le goût, se sentaient avec des fragrances, des bougies, des parfums pour l’olfactif. Il y en avait que l’on touchait, telle que des foutas fabriquées avec des déchets des océans recyclés. Pour la vue, on vendait des lunettes de soleil et des livres, et même des earpods au logo de l’hôtel pour l’ouïe.

J’ai voulu par la suite étendre mon idée et en faire une entreprise de réalisations de concept-store pour palaces. Mais il n’y a quasiment aucun palace indépendant avec une identité propre, il n’y a que des hôtels de chaines et j’ai dû abandonner l’idée. C’est comme cela que finalement, je suis rentrée au Musée du Sport : avec de nouveau une grande remise en question. Très honnêtement, quand je suis arrivée là-bas, je ne connaissais rien au monde du sport. Je suis sportive, mais il faut se rendre à l’évidence : à part boire des coupes de champagne dans les loges de l’Alliance Riviera, je n’étais pas une experte. J’ai donc décidé de m’immerger dans ce monde en me formant notamment auprès de mes collègues médiateurs. J’allais écouter dès qu’ils faisaient une visite, en absorbant comme une éponge tout ce que je pouvais. Au bout de trois mois, je faisais mes visites avec mes propres clients. J’ai bâti au fur et à mesure un chouette storytelling. L’idée, c’était de faire rêver. Je ne sais pas travailler quelque part sans être passionnée. Quand tu racontes des histoires qui te touchent, tu rends le discours intéressant.

 

Et tu organises aussi des conférences sur le sport et la santé.

Oui, j’ai eu l’idée de créer des Matinales sport-santé. Le but c’est vraiment de faire prendre conscience aux gens qu’il faut bouger, ne serait-ce que 30 minutes par jour. Avec toutes ces évolutions de technologies, on se demande si on n’a pas fini par oublier que l’on a un corps. L’homme n’est pas fait pour la sédentarité. Le chasseur-cueilleur marchait 16 heures dans la journée pour aller chercher sa nourriture. Dans le musée, on a travaillé avec le ministère des Sports en intégrant des bornes interactives qui proposent des exercices : désormais, le visiteur, en parcourant le musée, peut faire ses 30 minutes d’activité.

C’est dans toute cette mouvance-là, que j’ai eu envie de créer des matinales gratuites. Je fais dialoguer à chaque fois : trois scientifiques et trois personnes expertes du milieu sportif autour d’une thématique. Le fil rouge, c’est l’incidence de l’activité physique sur la santé. On a abordé la dépression, le diabète, le cancer, les maladies cardiovasculaires et les maladies neurodégénératives que sont Parkinson et Alzheimer. J’organise ces conférences en binôme avec le département. J’ai depuis intégré un partenaire supplémentaire qui me permet de faire des captations audios. On va donc les transformer en podcasts pérennes et gratuits pour toucher un plus grand nombre.

 

Peux-tu nous parler de ton livre, « Les hivernants » ?

Pendant la Covid, j’ai écrit un roman. C’est la synergie de toutes mes expériences. Le héros voyage, puisqu’il part de Bucarest, vit à Paris, Monte-Carlo, Londres et puis revient à Nice. La rencontre avec l’hôtellerie et ce coup de foudre professionnel sont ma grande source d’inspiration. J’ai utilisé une toile de fond historique réelle pour parler de la Belle Époque, de la création de la French Riviera, cette légendaire Côte d’Azur qui se met en place au début du XXe siècle. J’y ai rajouté des personnages fictifs et des personnages réels à qui j’ai ensuite projeté une vie imaginaire. Mon héros, c’est Henri Negresco ; dont on ne connaît vraiment que très peu de choses. Je suis partie sur ses traces, pour raconter cette fameuse période de la Belle Époque et surtout mettre en avant qui étaient les influenceurs, qui sont ses contemporains, qu’il a pu croiser ou pas. Je lui ai fait rencontrer des personnes qui ont existé et marqué leur époque, comme César Ritz, par exemple.Tout est plausible et pourrait avoir existé, mais cela reste une fiction. C’est le parti pris pour dresser un canevas historique. J’ai dépeint de grands influenceurs réels, comme Auguste Escoffier, qu’on appelait « le roi des cuisiniers ou le cuisinier des rois ». Il donnait des noms à ses plats quand il avait été impressionné par une cantatrice ou par une impératrice au gré de ses rencontres : la Poire belle Hélène, la crêpe Suzette, la pêche Melba, etc. viennent de là. On suit donc Henri Negresco pas à pas, du moment où il quitte Bucarest jusqu’à Nice. Tout se précise dans sa tête au fur et à mesure pour arriver jusqu’à la création de ce mythique palace qu'il voulait proposer comme LA référence hôtelière de tous les temps.

 

En quoi ont-ils influencé leur époque ?

Chacun a été un influenceur à sa manière par exemple, Auguste Escoffier va concevoir la brigade en cuisine, un système hiérarchisé et structuré au sein des cuisines professionnelles. Ritz lui, va mettre en place les grands codes de l’hôtellerie de luxe. Il est le premier à avoir l’idée d’installer l’eau courante dans ses palaces. Tout comme lui, Henry Ruhl, que Negresco va énormément jalouser, a vu l’importance d’intégrer des commodités modernes telles que l’électricité, les salles de bains privées et le chauffage central dans les chambres d’hôtel. Il a aussi inventé des tubes qui permettaient de sa chambre, d’envoyer un message papier qui arrivait directement à la réception. Un influenceur, c’est quelqu’un que l’on a envie de copier, et qui marque sa génération ou en tout cas sa période.

À Monaco quand mon héros rencontre sa logeuse imaginaire chez qui il loue son appartement. Elle va lui raconter la genèse de Monte-Carlo, la création des casinos sous la houlette de François Blanc, un des plus grands influenceurs à retenir dans la vie de Monaco. Quand Henri Negresco rencontre son architecte, c’est pareil : le designer est en train de restaurer l’hôtel de Paris à Monte-Carlo. Naturellement mon héros va absolument vouloir l’employer pour son hôtel. C’est quelqu’un que je considère comme un influenceur, un architecte phare de son époque. L’idée maitresse du livre, c’est vraiment d’avoir de très nombreux storytellings qui marquent parce que tout est plausible et que cela raconte une tranche d’histoire réelle. Du coup on apprend beaucoup d’anecdotes en s’amusant. Je finis avec une réflexion et une dystopie sur l’avenir de la Côte d’Azur dans quelques centaines d’années.

 

Où peut-on trouver ton livre ?

À Nice, à la librairie Jean Jaurès et la librairie Masséna et sur Amazon. Pour l’anecdote, je réfléchissais à la couverture. En fouillant dans les affaires de mon papa, j’ai retrouvé une photo de ma grand-mère dénudée sur un lit. Ce qui est amusant, c’est qu’elle était extrêmement prude, très réservée, très chaste. Je trouve cette image plutôt osée pour l’époque, mais elle reste très esthétique. Ma grand-mère est née la même année que l’hôtel Negresco, elle était l’incarnation la Belle Époque : c’est tout naturellement que j’ai voulu l’afficher sur ma couverture et mon père a accepté.

 

Pourquoi ce titre « Les hivernants » ?

C’était le nom que l’on donnait aux touristes qui venaient sur la Côte d’Azur fin XIXe et début XXe. À cette époque on se devait d’avoir une peau diaphane. On se protégeait beaucoup du soleil. On voyageait à Nice pour son climat clément uniquement en hiver.

 

Quels sont tes prochains challenges ?

Le premier, c’est de faire rayonner ce livre. J’ai eu vraiment de très bons retours, de la part de lecteurs très variés. Cela m’encourage. Et puis, pourquoi ne pas en écrire un deuxième, un jour ?

 

Quelles personnes t’ont inspirée dans ta carrière ?

Souvent des femmes chefs d’entreprises, car j’ai à maintes reprises travaillé pour des sociétés dirigées par des femmes. Évidemment, je pense à Henri Negresco, mais on connaît tellement peu de choses de lui. Ça sera plutôt l’ancien directeur général de l’hôtel qui était à l’époque Pierre Bord. Il était l’ambassadeur parfait de cet endroit. C’est quelqu’un d’extrêmement élégant, exigeant, très raffiné. Il était en phase avec ce lieu mythique. Et puis, je pense aussi à Madame Augier, qui a racheté l’hôtel en 1957 et qui en a fait ce qu’il est aujourd’hui. Elle était une visionnaire hors norme de son temps : elle était à contrecourant de tout ce qui se faisait. Elle aimait les couleurs acidulées, avait fait dessiner des tenues du XVIIIe pour les grooms. Une dame qui m’a beaucoup inspirée.

 

Aurais-tu un livre à nous conseiller ?

J’apprécie une auteure qui s’appelle Sophie Chauveau. Elle écrit des romans sur les peintres. Je trouve qu’elle permet de s’instruire en s’amusant. C’est un style extrêmement précis : c’est de la belle littérature, mais très facile à lire. Elle a écrit sur Sandro Botticelli, Léonard de Vinci, Raphaël, Jean-Honoré Fragonard.

 

Quelle est ta devise ou ton mantra ?

J’aime bien une petite devise de Sénèque : « La vie, ce n’est pas attendre que les orages passent, mais d’apprendre à danser sous la pluie ». Tout au long de ma carrière, j’ai toujours rebondi avec un fil rouge qui était de faire plaisir aux gens, de les divertir. Finalement je suis un peu une amuseuse, une ambianceuse.

À méditer…

 

A propos de l’auteur : Pascale Caron est membre du comité de MWF Institute et spécialiste de la technologie dans le domaine de la santé. Elle est CEO de la société Yunova Pharma, implantée depuis 2020 à Monaco et commercialise des compléments alimentaires dans la Neurologie.

Pascale est également directrice de rédaction de Sowl-initiative.