[Famille| jeunes parents

Interview de Boutayna Burkel, fondatrice et CEO de The Helpr.

By Pascale Caron

Après une expérience de 10 ans dans le consulting et la conduite du changement auprès de grands groupes comme Euler Hermès, une grossesse, et une expatriation aux États-Unis, Boutayna a fondé sa propre entreprise: The Helpr. C’est une plateforme digitale et une application mettant en relation de nouveaux parents et des professionnels du bien-être, sous forme d’ateliers, afin de les accompagner, dans les 1000 1ers jours suivant la naissance.

Elle est également la créatrice du podcast « creative tea time». Elle nous y invite à confronter les clichés sur la créativité, la carrière et les ressources mentales.

 

Qu’est-ce qui t’a amené à te lancer dans l’entrepreneuriat ?

Je pense que c’est un désir de changer les choses, de toucher du concret, même si rien ne m’y prédestinait. Après des études classiques en Business School au Maroc, je me sentais loin de ce milieu. Je faisais partie de ces étudiants qui ont choisi la finance sans vraiment apprécier ça. J’ai donc décidé avant d’aller plus loin de faire une année de test professionnel et je me suis lancée dans le secteur du Conseil.

Rien ne me destinait à venir non plus à Paris à part un coup de cœur amoureux. Et à mon arrivée à Paris, je réalise un Master 2 à l’université Paris Dauphine en Politique générale et Stratégie des Organisations. J’ai endossé mon costume de « working girl » qui m’allait comme un gant, mais il me manquait quelque chose sans savoir encore quoi.

En 2018, nous décidons de nous installer à Atlanta, alors que j’étais enceinte. La première année est passée très vite, entre la découverte d’une nouvelle culture et de la maternité. Mais j’avais un profond désir de liberté et d’accomplissement, sans savoir quel serait mon projet professionnel. Je me suis fait aider par un coach, ce qui m’a permis de comprendre que j’aspirais à créer ma propre entreprise, encore fallait-il trouver le thème. Pendant ces 18 mois de pause, j’ai analysé les études de cas aux USAs : ils ont toujours 5 à 10 ans d’avance en expérience client. J’ai été très inspirée par un lieu de vie et de travail parent/enfants, en plus de toutes les apps utiles et efficaces que j’avais pu tester.

En 2020, pendant la crise de la Covid, nous rentrons de manière précipitée comme beaucoup. Cette période du confinement m’a servi de phase de gestation. The Helpr s’impose à moi comme une évidence et je me lance en avril 2020. Je développe mon premier MVP (Minimum Viable Product) avec les moyens du bord et je recherche des prospects. Venant du monde du conseil j’avais une vision différente des sites classiques sur le domaine : je mettais à cœur l’expérience client dans mon business modèle, pour démocratiser l’accès à ces prestations méconnues par le grand public !

Me lancer dans l’entrepreneuriat était un challenge, car, du côté de ma famille, tous m’incitaient à faire un MBA ou de devenir « coach ». J’avais 10 ans d’expérience, un BAC +5, pourquoi refaire des études ? Je me suis beaucoup inspirée des entrepreneurs américains qui touchent à tout pour comprendre les rouages de leur société : c’est un état d’esprit que l’on n’enseigne pas à l’école. Ce qui m’animait et qui est toujours le cas c’est d’apprendre en « faisant ».

 

As-tu été accompagnée pour la création ?

J’ai rejoint WILLA, le 1er accélérateur de mixité dans la Tech, qui incube plus de 70 startups par an fondées ou co-fondées par des femmes à Paris. C’est très rafraichissant, bienveillant et exigeant : l’échange entre nous m’enrichit.

 

Quel est le principe de The Helpr ?

J’ai créé Helpr dans le but d’instaurer une expérience parentale apaisée et confiante durant les 1000 1ers jours suivant la naissance. Je voulais démocratiser le bien-être familial et éviter les risques de surmenage, le burn-out ou la dépression post-partum. La santé mentale des parents est encore un sujet tabou.

Notre 1re version est une mise en relation avec des professionnels du bien-être sous forme d’ateliers : les 1ers soins, le sommeil, l’éveil, l’éducation, autant de thèmes qui sont abordés lors de ces sessions en distanciel. Avec la covid, c’est de plus en plus difficile pour les jeunes parents de se sociabiliser : ces ateliers sont également un lieu d’échange avec les formateurs, mais aussi d’autres familles.

 

Quels sont tes prochains challenges ?

C’est de développer la nouvelle version qui comprendra des outils de prévention de santé et de suivi de bébé, basés sur de l’IA. Nous avons parallèlement en projet d’élargir notre offre aux salariés parents. Nos entretiens quotidiens, avec eux, nous appellent en permanence à quel point c’est dur de « jongler » avec nos différentes vies.

Et puis mon rêve est de concevoir plus tard un lieu, comme celui que j’avais visité à Atlanta.

 

Tu as créé le podcast «creative tea time », peux-tu nous en parler ? 

Pendant la gestation de mon projet, j’ai commencé par lancer un podcast autour de l’entrepreneuriat. Mes nombreux interviewés de Géraldine Dormoy à Henri Proglio ou encore Matthieu Stefani, m’ont nourri, un peu comme une éducation accélérée au métier de chef d’entreprise.

La 2e édition a évolué : c’est devenu mon journal de bord d’entrepreneure. C’est une autofiction, un objet créatif qui me permet de donner libre cours à mon imagination. J’y convie des invités par exemple la co-fondatrice de Caravel, ou un officier et diplomate formé à l’École de la guerre, qui a témoigné de son parcours et de l’art de forger son mental… Ils me poussent à être plus résiliente et innovante.

Cette expérience de podcast m’a fait aussi réaliser le pouvoir de l’audio. J’ai donc conçu pour Helpr « Demande à Maman » qui nous permet de créer du lien avec les parents. Il est classé dans le top 100 des podcasts bien être et santé. La 1re saison est sur le thème de la charge mentale des mères. La seconde se lance autour des témoignages du quotidien. L’idée est de déculpabiliser les mères, de libérer leur parole et ne montrer que rien n’est parfait.

 

Quelles sont les personnes qui t’inspirent ?

Mon époux d’abord, grâce à son passé d’ancien joueur d’échecs, il a bâti une forteresse mentale et une résilience, qui est primordiale pour un chef d’entreprise.

Je citerais Ghalia Sebti, cofondatrice de la société les Ateliers Aït Manos. Elle est devenue leader du zellige marocain à l’export. Son credo est d’innover tout en respectant les techniques ancestrales. Elle œuvre inlassablement pour sublimer ce patrimoine marocain. C’est un rôle modèle qui arrive à allier ambition, activisme et vie de famille avec brio.

Je m’inspire également beaucoup de startups plus établies comme Aude Gueneau de Plume, Solenne Le Goaziou-Bocquillon de Soft Kids, Céline Lazorthes du groupe Leetchi, Carole Juge-Llewellyn de Joone. Je pourrais citer aussi la Franco-Suédoise Charlotte Björklund qui a créé la marque de cachemires écoresponsables Linnea Lund.

 

Aurais-tu un livre à nous conseiller ?

Oui je suis une fan de stratégie et d’ouvrages business. Je proposerais « l’art de la guerre pour les femmes » de Chu Chin-Ning. Il vous conduit sur la voie d’une meilleure compréhension de nous-mêmes et de celle que l’on veut être. En s’appuyant sur la sagesse de Maître Sun, Chin-Ning Chu vous enseigne comment développer sa capacité d’analyse stratégique et devenir plus novatrice, créatrice en toutes circonstances, dans le respect de nos exigences éthiques.

 

Pour finir, quelle est ta devise ou ton mantra ?

« Ne rien lâcher », une devise qui me correspond bien, mais qui joue parfois des tours.