[Oenotourisme] Ladies Wine

Interview d’Estelle de Pins, fondatrice et CEO de la société Alliandre, qui accompagne les domaines viticoles dans leur développement oenotouristique.

By Pascale Caron.

Après des études de contrôleur de gestion et 12 ans en tant que responsable financier, salariée, dans un groupe de vins et spiritueux, Estelle a créé Alliandre, afin de guider la filière du vin dans leur ouverture à l’accueil des amateurs de vins dans les domaines viticoles. Elle apporte des conseils, des formations spécifiques en fonction de chaque besoin, une aide de mise en réseau, mais aussi la location d’un logiciel de gestion d’activité oenotouristique : GDO, édité par ses soins depuis 10 ans. Estelle a également cofondé l’association « Ladies’ Wine France » accessible à toutes les femmes de vin.

 

Qu’est-ce qui t’a amenée à te lancer dans l’entrepreneuriat ?

Après 12 ans, en tant que salariée, j’ai eu envie d’autre chose. Au départ, je ne me voyais pas créer une société. Après un bilan de compétence, on me recommande de reprendre une entreprise existante. Je me retrouve donc lauréate du « Réseau Entreprendre » pour la reprise d’Entreprise, mais après quelques mois d’effort l’établissement n’est plus à vendre ! C’est comme cela que je décide finalement de démarrer mon activité en 2009 dans le conseil et formation dans le secteur du vin. J’ai alors étudié la problématique de l’œnotourisme et ses aberrations. J’ai eu envie de rendre leur autonomie à ces acteurs, leur laisser le choix de faire croître leurs propositions d’expériences sans dépendre d’un intermédiaire et d’un système de commission extravagant. Nous avons donc créé GDO, un logiciel pour gérer la venue des consommateurs ou curieux de vins dans les domaines viticoles. Ce logiciel permet l’organisation et le développement de réservations d’activités, de chambres, mais aussi l’achat de vin sur une solution SAS en marque blanche. Nous l’avons conçu pour offrir l’opportunité de garder la main sur la relation client, quels que soient les partenaires avec lesquels travaille le domaine ou la cave sans contrainte d’intermédiaire web.

Finalement je me suis rendu compte que le gros challenge n’était pas la partie technique, mais celui de faire comprendre à la filière du vin l’intérêt d’une diversification et d’une ouverture à ses consommateurs. À l’époque il était de mise que les clients passent soit par des offices de tourisme ou par des agences oenotouristiques. Je me suis lancée dans cette activité dans une optique d’aide et de création de valeur dans le domaine du vin. C’est pour cela que le logiciel est en location forfaitaire, avec une réelle connexion entre la valeur et ce qu’il apporte. Venant du monde de la finance, les intermédiaires qui fonctionnent sous forme de commission me gênent profondément, j’y préfère une manière de procéder plus éthique.

 

J’ai vu que tu as étendu ton activité dans d’autres domaines.

En effet, nous avons utilisé les fondamentaux puissants de GDO pour créer une solution pour les organisateurs de salon en ligne et en présentiel. C’est dans ce cadre que je suis fournisseur pour Profesionn’L de Valentine Mulliez Bardinet et Séverine Vanleene-Valette : je leur apporte la gestion des rendez-vous. Pour rappel, l’association « Profession’L » a pour but d’accompagner les femmes qui souhaitent redonner un nouvel élan à leur carrière. Ce sont des salons sur lesquels elles peuvent trouver écoute et réponses personnalisées sur les thèmes phares de l’évolution professionnelle : formation, recherche d’emploi, recrutement, création, entrepreneuriat, coaching individuel.

 

Quels sont tes futurs challenges ?

Je me suis lancée dans une autre diversification de mon activité. Depuis la Covid, les commerçants du centre-ville ont essuyé beaucoup de difficultés. J’ai eu envie de les aider. Je me suis rendu compte que la gestion de rendez-vous de GDO pouvait bénéficier également aux boutiques de prêt-à-porter. L’idée est de proposer une expérience augmentée avec prise de rendez-vous. Le commerçant en étalant ses rendez-vous clients pourrait apporter plus de service à chacun, pourquoi pas du coaching de style, apéro entre copines ou privatisation totale par exemple. Le challenge est, après la première expérimentation concluante à Bordeaux, de le déployer à d’autres magasins. Comme de coutume, le défi n’est pas technique : c’est la recherche de nouveaux prospects et le temps pour faire connaitre la solution qui font défaut ! J’aimerais pouvoir me consacrer à tous ces projets en déléguant certaines activités, c’est en cours.

 

Tu as évoqué la crise, quel en a été l’impact pour ta société ?

Je n’ai pas été impactée directement. Elle a permis finalement aux domaines viticoles de réaliser l’importance des outils et d’internet : dans un sens cela a été salvateur.

 

Tu es également très active au niveau associatif, parle-nous des Ladies Wine :

Avec plusieurs professionnelles de la filière, nous avons cofondé, il y a 5 ans « Ladies’ Wine France » accessible à toutes celles en activité dans le domaine. Nous sommes actuellement une dizaine à piloter l’association : Olivia Routier, Clémence Coiffe, Audrey Backx (bureau national), Agnès Ruellan (Bordeaux) Isabelle Roullier (Sud Ouest) Marie-Antoinette de Schipiorsky (Bourgogne) Catherine Arnaud (Provence), Carole Deo Van (Paris), Karine Hibon (Languedoc-Roussillon), Julie Le Béchennec (Lyon), Marie Astrid Thomassin (Loire Ouest), Déborah Baillard (Loire Centre), Valérie Aigron (Champagne).

Nous sommes parties du constat que les femmes manquaient de crédibilité, dans la filière du vin. Quoi de plus puissant qu’un réseau pour assoir cette crédibilité et s’entraider ? Nous sommes une association qui apporte la réflexion, l’échange d’expérience autour d’un thème. Elles contribuent à l’enrichissement de l’expertise commune, à travers le partage de leur propre vécu. Nous favorisons la créativité et l’innovation dans notre métier !

Depuis la première antenne à Bordeaux, nous avons maintenant un développement national. Nous sommes actuellement 200 femmes. Finis le temps où on me disait « je ne prends pas de femmes, car vous allez faire tourner le vin », incroyable, mais vrai ! Nous sommes de tous horizons, de tous âges : de la propriétaire de vignoble à la DG de groupe ou même la guide touristique. Nous organisons des conférences mensuelles et chaque région établit en autonomie son programme. Nous voulons changer les mentalités, surmonter les idées préconçues dans ce monde si masculin, et tout cela en élevant nos enfants : j’en ai 3 !

  

Quelles sont les personnes qui t’inspirent ?

Ce sont les gens qui réfléchissent à l’avenir en intégrant le bienêtre de tous. Je pense à un chef d’entreprise complet, un négociant en vin qui en même temps savait manager avec bienveillance et gérer son entreprise d’une main de maitre. Il est maintenant à la retraite, et il m’a inspiré dans ma carrière.

 

Aurais-tu un livre à nous conseiller ?

J’apprécie beaucoup l’œuvre de Delphine de Vigan. Mis à part un d’entre eux, j’ai tout aimé de ses 10 romans. Elle est à la fois romancière, mais également scénariste et réalisatrice. Elle a un don pour retranscrire les émotions et faire transparaitre une vraie sensibilité.

 

Pour finir aurais-tu une devise ou un mantra ?

Oui, « Tout est possible », il ne faut pas lâcher !