Entretien avec FATOU SAGNA SOW
Née à Paris et de nationalité franco-sénégalaise, ayant eu un parcours au sein d’une grande banque française, vous avez un jour décidé de revenir dans votre pays d’origine, le Sénégal.
Vous êtes aujourd’hui une femme engagée, collaboratrice au sein du Conseil Economique, Social et Environnemental du Sénégal (CESE), œuvrant pour l’amélioration de la vie économique des sénégalais. Quel est votre parcours et votre rôle au sein du CESE ?
Je suis Diplômée en droit des affaires, et en droit comparé à Paris, en Droit du Multimédia et des Systèmes d’Information à Strasbourg ainsi que du Mastère Spécialisé Manager Telecom de l’Institut Mines Telecom. Je suis candidate au programme de l’Executive MBA de l’University of Chicago’s Booth School of Business ; formation qui se déroule sur trois continents ; respectivement sur les campus de Chicago, de Londres et de Hong-Kong.
Après plusieurs expériences professionnelles en cabinet d’avocats parisiens spécialisés en droit du multimédia et des systèmes d’information et un passage au département juridique du groupe BNP Paribas, j’ai intégré, en 2008, la direction juridique du groupe Société Générale comme Juriste senior marchés financiers au sein de la banque de financement et d’investissement du groupe. J’ai fini par rejoindre le cabinet du General Counsel de la banque en tant que Group Legal Knowledge Manager. Avant de quitter le monde de la banque en fin 2015.
Passionnée de politique, de 2000 à 2007 j’ai intégré puis coordonné la section île de France du parti politique sénégalais AJ/PADS. Et par la suite j’ai eu le très grand honneur d’être élue conseillère municipale de la ville de Mantes la ville (Les Yvelines) de 2008 à 2014. Un mandat très enrichissant, au plus près des préoccupations quotidiennes des français.
Installée à Dakar depuis septembre 2016, j’ai adhéré au mouvement La République En Marche en janvier 2017. J’ai participé activement à la campagne présidentielle en tant que responsable des comités locaux du pays et j’ai été désignée de mai à décembre 2017 la Référente du mouvement LREM au Sénégal.
De Septembre 2018 a juin 2019, j’ai travaillé en tant que coordinatrice de projets économiques pour le développement : d’une part, le projet Mbao Parc pour lancement d’un parc animalier et de loisir dans la forêt classée de Mbao avec les ONG Enda Graf Sahel & Kinkeliba ; et d’autre part, le projet Hub iiT Sénégal pour le Lancement d’une structure d’appui aux Micros, Petites et Moyennes Entreprises sur secteur Agroalimentaire avec l’AFD et les ONG Tech-Dev & Enda Graf Sahel et en partenariat avec des structures gouvernementales (l’ITA, l’ANRSA, l’ADEPME, l’ES Polytechnique, la DER, le FNDASP).
En août 2019, j’ai été nommée Conseillère Technique de la Présidente du Conseil Economique Social et Environnemental, l’ancien Premier Ministre Dr Aminata TOURE. Dans cette fonction que je suis très honorée d’occuper, j’apporte mon expertise transversale à cette Institution d’aide à la prise de décision et de conseil du pouvoir exécutif sénégalais.
Du fait de ces nombreuses activités politiques et professionnelles je peux aujourd’hui me prévaloir d’un réseau riche notamment au sein du pouvoir exécutif sénégalais et de nombreuses institutions du pays.
En tant que Femme, comment voyez-vous le développement des conditions de la femme africaine ?
La femme est un entrepreneur, un leader par nature. De par son rôle central dans la cellule familiale et dans la communauté, elle a développé le sens de l’organisation, de l’écoute, de la négociation et le sens des priorités. Elle a une vision à court, moyen mais également à long terme, ce qui lui permet d’inscrire ses actions dans la durée.
Sur le continent Africain, qu’elle soit vendeuse ambulante, transformatrice, restauratrice, enseignante, chercheuse, économiste, juriste, sociologue…, la femme joue un rôle fondamental dans le développement économique et social. Mais beaucoup ne s’en rendent même pas compte. Il est urgent de valoriser et encourager le leadership féminin.
Quels sont selon vous les plus grands challenges au Sénégal ?
Appuyer et donner de la visibilité aux femmes chef d’entreprise et leader. Elles sont le moteur de l’économie et quand elles sont à des postes de responsabilité publique elles obtiennent généralement de bons résultats. La loi sur la parité permet d’avoir une véritable représentativité des femmes pour les postes électifs, il convient de consolider ces acquis.
Appuyer les chercheurs dans tous les domaines, il ne s’agit pas pour le Sénégal de reprendre les solutions d’ailleurs mais de développer ses propres solutions et de trouver ses propres modèles de développement. Des solutions existent déjà, je prends l’exemple du secteur agro-alimentaire, où des techniques endogènes de séchage, de transformation, de conditionnement existent, le challenge est la mise à l’échelle de ces techniques par l’information technologique. Les savoirs-faires locaux existent, il convient de les mettre au cœur de nos stratégies de développement plutôt que d’aller chercher des solutions ailleurs.
Quels conseils pourriez-vous transmettre aux femmes ?
Développer leur leadership, leur réseau et leur solidarité. Sachons également susciter des vocations chez les plus jeunes en leur montrant des parcours, en illustrant la réussite des femmes. Il faut percer le plafond de verre.
Comment alliez-vous vie professionnelle et vie personnelle ?
J’ai toujours recherché la meilleure articulation possible entre vie personnelle / vie professionnelle/vie politique et associative/pratique sportive. C’est un équilibre dont le centre de gravité évolue en fonction des priorités du moment et de mon environnement, il faut s’adapter.
Mes fonctions de Conseillère Technique sont passionnantes et très prenantes, avec des nombreux rendez-vous extérieurs ou des missions de représentation parfois même le week-end. Donc je me fais aider pour les tâches ménagères et pour la garde de mes enfants, mais je tiens à rester présente pour mes deux jumeaux de 10 ans. Les soirs et le week-end je prends le temps de regarder les activités de la semaine et je participe à la vie de l’école, depuis 2016 ; en étant que représentante de parents d’élèves siégeant au Conseil d’Ecole.
Avez-vous des passions que vous souhaitez nous partager ?
J’ai tout d’abord une véritable passion pour les Nouvelles technologies. Leur caractère transversal les rend incontournables. Je pense qu’elles sont une chance pour le continent Africain, car elles permettent de produire et de développer des services avec un minimum d’infrastructure : souvent une simple connexion internet et un téléphone suffisent. Désormais on ne consomme, vend, se forme, s’informe, se distrait, communique… plus tout à fait de la même manière. La révolution numérique est passée par là, et ce n’est qu’un début !
Mon autre grande passion est, vous l’aurez compris, la Politique.
Celle avec un grand « p », celle qui fait bouger les choses et qui accompagne les concitoyens dans les la gestion du quotidien. Celle qui suscite l’entrepreneuriat féminin, celle qui met en place des projets de développement ambitieux et innovants, celle qui met des ponts entre les peuples du monde entier.
Un jour, un de mes responsables à la Société Générale m’a dit que j’étais une grande rêveuse, et c’est le plus beau compliment qu’on puisse me faire. Je suis fondamentalement idéaliste.