[New Deal] entre deux mondes

Interview de Fatou Sagna Sow, figure emblématique du panorama socio-économique et politique franco-sénégalais et fondatrice du cabinet, New Deal Consulting.

By Pascale Caron

Née à Paris, Fatou incarne une dualité culturelle, à la fois française et sénégalaise, qui a profondément marqué son parcours. Suite à une carrière réussie dans le secteur bancaire français, et chez de prestigieux cabinets d’avocats parisiens, Fatou a décidé de retourner au Sénégal, mue par le désir de contribuer à son essor économique et social.

Au Sénégal, elle s’est vite distinguée en tant que femme engagée et influente, devenant Conseillère technique auprès de l’ex-Premier Ministre, Dr Aminata Touré, au Conseil Économique Social et Environnemental. Elle est forte d’un bagage académique impressionnant. Droit des affaires, droit du multimédia et des systèmes d’information, ainsi qu’un Master spécialisé en gestion des télécommunications, Fatou a également rejoint l’Executive MBA de l’University of Chicago’s Booth School of Business.

Sa passion pour la politique s’est exprimée à travers divers engagements. Elle a été membre de la section Île-de-France du parti sénégalais AJ/PADS, conseillère municipale à Mantes-la-Ville, et référente du mouvement La République en Marche au Sénégal. Au-delà de la politique, Fatou a piloté d’importants projets de développement économique, illustrant son engagement pour l’innovation et le leadership féminin en Afrique. Nous étions donc impatients d’en apprendre davantage sur ses nouveaux défis avec New Deal Consulting.

Fatou, pourriez-vous nous parler de votre parcours et de vos projets ?

Je me suis intéressée au Sénégal dès les années 2000, choisissant de m’engager en politique sénégalaise tout en étant basée en France. Ainsi, j’ai milité pour un parti politique sénégalais auprès de la diaspora sénégalaise en France, ce qui m’a permis de côtoyer de nombreux décideurs politiques et membres de la communauté sénégalaise. Vivant à Paris et ayant étudié là-bas, je ressentais le besoin de renouer avec mes racines. La politique m’a semblé être le moyen de participer à la gestion de la société, de travailler avec d’autres personnes et de trouver des solutions aux problèmes sociaux. En 2016, j’ai quitté la France, à la recherche d’un changement et désireuse de voir ce que je pouvais accomplir en me mettant au défi. Cela m’a menée au Sénégal pour explorer le domaine du développement économique et me challenger personnellement.

Votre famille vous a-t-elle suivi ?

Oui, mon mari travaillait déjà à Dakar et faisait des allers-retours. Nous sommes partis avec nos deux jumeaux de cinq ans, qui ont découvert le pays. Je crois qu’ils sont très heureux aujourd’hui et je les considère souvent comme des « enfants du soleil ». Je suis ravie de les voir s’épanouir au Sénégal.

À mon arrivée, j’ai rejoint une ONG, sur divers sujets de développement, de transfert de technologie, d’accompagnement et de structuration de projets. J’ai ensuite été nommée conseillère technique auprès de l’ancienne Première Ministre Aminata Touré, au Conseil économique, social et environnemental. J’ai abordé de nombreux thèmes enrichissants, tels que le leadership féminin, la culture, le sport, le numérique, l’économie verte et l’économie bleue. Quelle expérience gratifiante !

Depuis, j’ai fondé mon cabinet, New Deal Consulting, dans l’idée de valoriser cette double culture qui est la mienne. Il y a beaucoup de jeunes talentueux au Sénégal. Chaque année, 300 000 jeunes sortent du système scolaire, mais malheureusement, peu trouvent un emploi qui corresponde à leur valeur.

L’objectif est de créer des liens et des opportunités dynamiques. Je pense qu’il est important de connecter les jeunes compétents d’ici, qui connaissent bien l’environnement local, avec ceux de l’étranger qui regardent l’Afrique avec envie, mais ne savent pas par où commencer. En formant des équipes projet diversifiées, nous pouvons créer de belles synergies. C’est le pari que je fais. Nous avons débuté avec Lunana, un projet visant à transformer les fibres de troncs de bananiers en protections hygiéniques 100 % naturelles, biodégradables, écologiques et respectueuses de la santé de la femme.

Mon objectif est d’accompagner les jeunes dans l’entrepreneuriat. Pour moi, la meilleure façon de les soutenir n’est pas de les incuber, comme je le vois souvent, mais de prendre des risques avec eux. Je travaille avec eux et j’ai embauché cinq stagiaires venant de France, ainsi que quatre jeunes de l’École Supérieure Polytechnique du Sénégal. Ensemble, nous avons formé un groupe de dix collaborateurs et avons développé Lunana. Grâce à mon réseau au Sénégal, nous avons structuré le projet, nous l’avons présenté aux acteurs publics et privés, et avons été ravis de l’intérêt suscité, notamment auprès de l’administration, et de plusieurs ministères. La troisième personnalité de l’État, la présidente du Haut Conseil des collectivités territoriales, a été séduite par le projet, ainsi que plusieurs responsables publics.

Nous cherchons désormais des financements, peaufinons le projet d’un point de vue technique et organisationnel. Une fois le prototype prêt, nous lancerons une entité juridique pour Lunana, qui n’existe pas encore. Ces jeunes qui m’accompagnent sortiront de cette expérience avec des actions de la nouvelle entité juridique. Un véritable New Deal de l’entrepreneuriat.

 

Avez-vous des partenariats avec des universités ?

J’ai des partenariats avec l’École Supérieure Polytechnique, dont sont issus les quatre jeunes qui nous accompagnent, notamment dans les départements de biologie et de mécanique. Je suis également en partenariat avec le Centre de formation professionnelle et technique Sénégal Japon, qui fabrique toutes nos machines d’extracteur de fibre et autres. L’idée est vraiment de tout faire localement, en utilisant les ressources humaines, naturelles et techniques locales, afin d’avoir une solution durable.

J’ai eu une formidable nouvelle cette semaine. En effet, le groupe Lagardère Travel Retail devient notre premier sponsor. Le groupe va contribuer partiellement au financement de la phase de prototypage des serviettes LUNANA qui doit au total coûter 10 millions de francs CFA. C’est formidable. Les entreprises françaises au Sénégal, qui sont ma cible, ont tout intérêt à soutenir de telles initiatives qui créent des liens humains entre les jeunes de France et du Sénégal. Cela contribue à combattre le sentiment anti-français, qui monte dans la région du Sahel, en créant des liens économiques et de qualité entre les générations futures.

 

 

Avez-vous des relations avec des universités en France ?

Je suis encore à la recherche de ce type de partenariat. Avec Lunana, nous démontrons ce que nous pouvons accomplir en combinant différentes synergies, compétences et cultures.

J’ai déjà un nouveau projet en préparation. Nous allons lancer une ferme de champignons gourmets, dans le sud du Sénégal, en Casamance. Nous travaillons avec un professeur spécialiste des champignons qui a réalisé de nombreuses recherches et expérimentations sur différentes espèces. Actuellement, il n’existe pas de ferme de champignons au Sénégal, malgré une forte demande pour la consommation immédiate. Ce projet, que j’ai évoqué à la FAO, est très prometteur et pourrait bénéficier de la collaboration d’étudiants passionnés de culture en France ou à Monaco. Il est crucial de les impliquer et de leur permettre d’exprimer leurs talents. Nous cherchons toujours à établir des liens et des partenariats dans une démarche d’innovation. Nous aimons travailler avec le milieu de la recherche et d’autres spécialistes pour optimiser les processus et interpréter nos résultats d’analyses. Nous sommes ouverts à tout type de partenariat.

Lagardère nous soutient financièrement, mais aussi potentiellement pour la commercialisation via leur réseau une fois le produit finalisé. Nous avons autant besoin de partenaires financiers que techniques pour la réussite de ce beau projet pour les femmes.

 

Qui vous a inspiré dans votre carrière ?

J’ai été inspirée par Aminata Touré, ancienne Garde des Sceaux et Premier Ministre au Sénégal. Pour moi, elle est avant tout une grande sœur, une amie, et j’admire sa simplicité. C’est une femme compétente, brillante, charismatique, qui reste humble malgré ses responsabilités. J’ai eu le privilège de travailler avec elle et de percevoir son exigence envers elle-même. Partout où elle passe, elle est appréciée et applaudie à juste titre. Elle a refusé le poste de secrétaire général adjoint des Nations Unies en 2019 pour poursuivre son engagement au Sénégal, ce qui témoigne de son envergure et de sa détermination à œuvrer pour ce pays. Son humanité et sa sensibilité sont des qualités que j’aspire à reproduire.

 

Avez-vous un livre ou un podcast qui vous accompagne dans votre vie ?

Une amie à moi, Vince CHAN, anime un podcast sur le changement, un sujet très actuel. Elle interviewe des personnalités du monde entier pour explorer leur rapport au changement. Je vais moi-même, intervenir dans ce podcast pour évoquer la manière dont j’ai pu passer de juriste en banque à Paris à initiatrice de projets économiques à fort impact social au Sénégal. L’Afrique fascine, et c’est un continent qui est au cœur de nombreux bouleversements. Nous n’adoptons pas les mêmes approches de communication, nous réinventons l’industrie dans le but de promouvoir une industrie propre, sans reproduire les erreurs de l’Occident. Il y a tant à apprendre sur ce continent.

Le changement est fondamental et vital dans notre monde actuel, caractérisé par un environnement en perpétuelle évolution. J’ai réinventé ma vie en Afrique, je vous invite à nous rejoindre dans cette belle aventure entrepreneuriale africaine. C’est ça le New Deal !

Auriez-vous une devise ou un mantra ?

« toujours chercher à sortir de sa zone de confort, constamment se challenger », cette démarche est primordiale pour moi.

Ayant travaillé en droit des affaires, en droit des nouvelles technologies, et en droit bancaire et financier, je suis aujourd’hui une généraliste capable d’aborder n’importe quel sujet grâce à ma polyvalence. Cette agilité est cruciale dans le monde actuel. Chacun doit trouver sa propre agilité tout conservant son authenticité. Il est fondamental de rester fidèle à soi-même tout en se construisant et en capitalisant sur ses expériences. C’est cela qui est beau dans la vie !

Voici la page Linkedin de Lunana: https://www.linkedin.com/company/lunanasenegal/

A propos de l’auteur : Pascale Caron est membre du comité de MWF Institute et spécialiste de la technologie dans le domaine de la santé. Elle est CEO de la société Yunova Pharma, implantée depuis 2020 à Monaco et commercialise des compléments alimentaires dans la Neurologie.

Pascale est également directrice de rédaction de Sowl-initiative.


[Blockchain] Technologie, investissement

Interview de Nelly Chatue-Diop CEO et co-fondatrice de Ejara, une plateforme mobile d’investissement et d’épargne basée sur la blockchain adaptée au marché africain.

Nelly est née au Cameroun où elle est restée jusqu’au bac et est venue en France pour une classe préparatoire puis elle a étudié à l’École scientifique CPE de Lyon et devient ingénieure en informatique et télécommunications. Après 2 ans d’expérience comme consultante à Accenture, elle suit le programme MBA à HEC, spécialisé dans la finance, le marketing et la stratégie. Dans le cadre d’un échange international avec la London Business School, elle poursuit sa formation dans la finance.

En 2018, elle est nommée parmi le Top 10 des Directeurs de la donnée en Europe et en 2020. Elle fait partie de la liste globale des femmes de pouvoir dans la Data, par CDO Magazine. Elle est classée dans le Top 100 mondial des Visionnaires de la Donnée.

Nelly est une personnalité solaire. Nous avons beaucoup ri pendant cette conversation. J’espère que vous aurez autant de plaisir à lire la suite…

 

Peux-tu nous expliquer ton parcours et ce qui t’a amenée à devenir chef d’entreprise ?

Je suis issue d’une famille de 5 filles. Ma mère, cheffe d’entreprise, s’était mis la pression pour avoir un garçon, mais mon père était très fier de ses filles. Il m’a élevé avec la certitude qu’un jour je pourrais être « présidente du monde », si bien qu’à l’époque je pensais que ce poste existait.

Ils nous ont donné très tôt confiance en nous. Pendant ma scolarité depuis la 3e j’avais une correspondante à Valencienne. Après mon bac, la famille m’a accueilli. J’ai toujours été première de la classe de la maternelle en terminale S, après le choc thermique de l’arrivée en France, un 2e a été mes premières notes de maths en prépa. Quand on n’a pas l’habitude, l’échec nous apprend l’humilité.

J’ai sans cesse été tentée par les maths et la physique. À l’époque le ministère de l’Intérieur avait publié une information sur les métiers qui permettaient de transformer rapidement sa carte de séjour étudiant en carte de travail : l’informatique en faisait partie. C’est comme cela que j’ai fait mon choix ! Au-delà de mon attirance naturelle pour l’innovation, ça a été un argument supplémentaire.

Après mes études, j’exerce tout d’abord chez Accenture et je me rends très vite compte que la perspective de devenir directeur informatique ne m’enchante guère. Je veux être à la table de décision !

C’est pour cela que je poursuis mes études par un MBA HEC avec une deuxième année à London Business School. J’ai ensuite tenu 3 mois dans une banque d’affaires et en pleine crise de 2007/8 j’ai rapidement compris que cette carrière n’était pas pour moi.

C’est comme cela que je débute dans le pricing au sein d’une boite de consulting américaine. Mon client était Mc Donald. On était au début des stratégies de prix et de yield management dans la restauration. Être consultant c’est sympa : quand ça marche, c’est grâce à nous, mais s’il y a un problème on n’est pas dans l’opérationnel donc on n’endosse pas la responsabilité. C’est devenu vite frustrant, j’avais envie de me frotter au réel.

J’ai donc intégré Franprix, où j’ai rencontré un leader inspirant, généreux et innovant qui m’a marquée pour le reste de ma carrière : Jean-Paul Mochet. De 80 produits chez Mc Donald, je passe à 80 000. J’y suis restée 3 ans et ça a été une expérience très formatrice.

Je suis ensuite débauchée par Régis Schultz de Darty et je me retrouve dans un univers multicanal, ecommerce. Mais la FNAC fait son acquisition 6 mois plus tard et l’équipe de management change. Je n’avais pas envie de voir ma carrière pilotée par quelqu’un d’autre.

Après la naissance de mon 2e enfant, 3 possibilités s’offrent à moi. Tout d’abord un poste « plan plan » dans la grande distribution, ou intégrer une grosse structure américaine dans le eCommerce. La 3e est plus risquée : assurer la direction data de Betclic. Moi qui n’avais pas vu un match de foot depuis 1990 quand le Cameroun est devenu le premier pays africain à atteindre les quarts de finale d’une Coupe du monde ! Me voilà dans l’univers des paris sportifs. Je me dis qu’il faut savoir prendre des risques.

Ce nouveau poste m’oblige à déménager. Je suis mariée à un homme extraordinaire qui m’a toujours suivi. Il démissionne et s’occupe des enfants. Cet environnement était extra du point de vue technique. C’est à cette époque que je suis immergée dans l’Intelligence Artificielle et que j’en mesure la puissance.

Malheureusement dans le COMEX je me retrouve dans une atmosphère toxique principalement du fait d’un collègue malveillant.

Je me réfugie alors à mes heures perdues dans l’univers de la blockchain et des cryptoactifs. C’est en 2015 que je commence à entendre parler de la blockchain, et je me plonge dans le livre blanc du Bitcoin. Je perçois rapidement le potentiel pour l’Afrique. Enfin, derrière les titres de journaux : « Africa rising », j’y perçois le « Comment » ! À travers l’« open financial system » et le « freedom money ».

Après l’IA la journée et ce collègue — vampire qui dévore mon énergie, mon hobby du soir devient la Blockchain. En 2018 en vacances  au Cameroun, j’assiste à une 1re conférence sur le sujet en Afrique.

Je perçois très vite que c’est le moment pour l’Afrique ! Je crée un incubateur dans le garage de mes parents : j’installe 2 jeunes et je leur dis « surprise me ». L’été suivant, j’organise un 1er Meetup et 90 personnes y participent. Les gens sont venus en bus et certains ont fait 6 heures de trajet. La télévision est la ! Clairement l’engouement a démarré.

 

C’est ce moment qui a été déclencheur ?

Oui, c’est là que je propose à mon mari « Si on rentrait au Cameroun ? ». Mes fils ont alors 7 ans et 3 ans. Je laisse tomber les stock-options, le salaire confortable et je retourne dans un pays où j’ai finalement vécu moins longtemps qu’en France, sur des technos que personne ne comprend !

Mais je suis convaincue de ma décision, un idéal me porte. C’est comme cela qu’en 2020 je fonde Ejara.

Je pars du constat qu’en Afrique nous avons un grand problème d’inclusion financière. Moins de 20 % des personnes sont bancarisées. Et encore ce chiffre est haut, car ne sont dénombrés que les comptes en banque et non les titulaires uniques desdits comptes.

Il y a aussi une difficulté de propriété, surtout pour les femmes. Les veuves se voient souvent confisquer leurs terres par la belle-famille au moment du décès de leur époux. Près de 80 % des conflits dans les tribunaux sont liés à la propriété de titres fonciers.

L’Afrique francophone a également été traumatisée par la dévaluation du franc CFA en 1994. J’ai vu mon père se retrouver du jour au lendemain sans salaire et sans alternative avec une monnaie que ne valait plus rien : toutes nos économies avaient fondu, et le gouvernement n’était plus en mesure de payer les fonctionnaires.

Avec Ejara, nous donnons l’opportunité à tout le monde de diversifier ses investissements en bitcoin ou en stablecoins sur un portefeuille résilient. On offre aussi la possibilité d’épargner sur des obligations du Trésor des pays d’Afrique Centrale (zone CEMAC) via la tokenisation de ces actifs. Et demain pourquoi pas d’investir dans l’or grâce à ce même procédé de tokenisation : nous sommes sur le continent qui produit ces matières 1res et personne ne peut en acheter !

Avec Ejara, j’ai l’obsession de la propriété : chaque personne qui achète un bitcoin le possède réellement ; nous sommes le 1er non custodial wallet d’Afrique. Tout va très vite : en 2021 une 1re boite de Corporate Venture en France nous suit avec un ticket de 50 000 EUR. On se dit qu’on ne s’en sort pas trop mal.

Et puis un événement tragique change tout pour nous, la mort de George Floyd et le mouvement « Black Lives Matter ». Twitter s’emballe et je rencontre énormément des personnes de la fintech sur les réseaux qui se proposent d’aider/prodiguer des conseils aux entrepreneurs noirs, notamment celle qui deviendra mon « lead investor » sur ma 1re levée de fonds.

On est en avril 2021. Jason Yanowitz m’invite à un podcast sur Blockworks et sans savoir vraiment qui c’était. Je suscite un engouement des VCs qui me demandent « are you raising funds? ». Je réponds « Of course » et en une semaine je prépare mon pitch deck et je lève 2 M de $ en seed !

1 an plus tard, on a coché toutes les cases et je repars pour une 2e levée de fonds en série A. Je lève 8 M de $. En 2022 on atteint 1M de $ CA et aujourd’hui en mai 2023 nous avons près de 135 000 clients.

Nous avons 47 collaborateurs. Nous sommes basés à Douala, Abidjan et Bordeaux et opérationnels dans 10 pays d’Afrique francophone  (Cameroun, Gabon, Côte d’Ivoire, Sénégal, Bénin, Togo, etc.).

Nous avons 60 % de filles dans l’équipe de développement. Nos utilisateurs sont composés à 40 % de femmes. Quand je vois des vendeuses de tomates du marché, des chauffeurs de motos-taxis investir dans des dettes souveraines et dans l’avenir de leur pays, je me dis que j’ai réussi le pari.

L’idée est aussi de mobiliser la diaspora : « participez à la reconstruction de cette Afrique ! »

 

Aurais-tu un livre à nous conseiller ?

J’en ai co-écrit un : « Web3, blockchain, jetons, cryptomonnaies, NFT, DAO : une révolution décentralisée pour tous », sur comment redonner le pouvoir à tous.

Sérieusement, je relis souvent Daniel Kahneman « Système 1, système2 ». Comment prenons-nous nos décisions ? Qu’est-ce qui guide nos préférences et nos jugements ? Quand faut-il faire confiance à notre intuition ? Il nous emmène à la rencontre étonnante des deux « personnages » qui se partagent notre esprit. Le « Système 1 » est rapide, intuitif et émotionnel ; le « Système 2 » est lent, réfléchi et logique. Il expose les ravages des dogmatismes et des biais cognitifs dont nous sommes les jouets : illusion de familiarité, effet de halo, biais optimiste…

 

Aurais-tu une devise ou un mantra ?

Elle est attribuée à Benjamin Franklin — « Many people die at twenty-five and aren’t buried until they are seventy-five ».

Quand je prends un risque si le pire qui puisse arriver en cas d’échec n’est pas la mort,je fonce.

 

A propos de l’auteur : Pascale Caron est membre du comité de MWF Institute et spécialiste de la technologie dans le domaine de la santé. Elle est CEO de la société Yunova Pharma, implantée depuis 2020 à Monaco et commercialise des compléments alimentaires dans la Neurologie.

Pascale est également directrice de rédaction de Sowl-initiative.

 


[Prix] Femmes inspirantes

Communiqué de presse

Le 26 janvier dernier se déroulait à l’hôtel Hermitage de Monaco, une cérémonie de remise de prix « Femmes inspirantes », organisée par MWF Institute by Sowl Initiative. Lors de cette cérémonie, trois femmes ont été célébrées, chacune représentant un continent différent : l’Afrique, l’Occident et l’Orient.

 

Revenons à la genèse de MWF Institute, association à Monaco.

MWF Institute est né en mars 2021, sous l’impulsion de Patricia Cressot et Johanna Damar Flores. Elles ont été rapidement rejointes par une équipe de passionnées : Louisette Azzoaglio, Jean-Claude Mourad, Pascale Caron, Julie Clémentine Faure, Aude Lefevre Krumenacker et Nelly Montanera.

MWF Institute Institute est un Think Tank ; il s’agit d’une plateforme de networking pour les femmes, et d’un outil de compréhension des marchés financiers, de l’économie, du droit, des enjeux de société. MWF Institute est entouré d’un cercle exceptionnel d’experts, dans des domaines aussi variés que la finance, la philosophie, les smart city, la Tech, l’économie, l’art, etc.

Mais tout a commencé en octobre 2019, lorsque la présidente Patricia Cressot crée le webzine Sowl Initiative. D’origine libanaise, après avoir grandi en suisse, avoir eu une carrière à Paris, Luxembourg, elle s’est établie à Monaco depuis 6 ans. En parcourant 12 pays d’Afrique subsaharienne, elle se rend compte que les femmes ont une place différente selon qu’elles viennent du continent africain, d’occident ou du Moyen-Orient. En effet, l’Afrique est un matriarcat : les femmes gèrent souvent la bourse du ménage, organisent les tontines, se plient en quatre pour vendre et nourrir leur famille. En Europe, les problèmes sont différents. On parle de syndrome de l’imposteur, de patriarcat, de différence salariale, de syndrome de la reine des abeilles. L’approche orientale encore est différente : madame est souvent derrière monsieur, mais porte la famille avec le cœur.

Elle a voulu mettre en valeur ces parcours qui sont un exemple de ces 3 continents.

Elle a commencé ces articles, pendant la covid. Pascale Caron a rejoint depuis ce projet il y a 2 ans et a continué avec brio les interviews, de femmes entrepreneures. Elle en est Directrice de publication. Pascale est très active au sein de MWF et de Sowl Initiative et elle est également cheffe d’entreprise à Monaco : elle a co-fondé Yunova Pharma, laboratoire de compléments alimentaires dans la Neurologie.

 

Le prix des « Femmes inspirantes »

Le 21 décembre, le comité MWF Institute avait sélectionné 12 femmes inspirantes (4 par catégorie) parmi les 140 interviewées de notre webzine, Sowl Initiative. Au terme d’un vote ouvert à tous qui a déchainé les passions, nous avons organisé une soirée à l’hôtel Hermitage à Monaco en partenariat avec le Lions club. Lors de ce diner ont été décernés les prix, Sowl Afrique, Sowl Occident et Sowl Orient.

 Lors de cette cérémonie, chacun des prix a été remis par une personnalité de Monaco.

Prix Sowl Afrique

C’est Laurence Jenk entrepreneure et Artiste à Monaco qui a remis le prix, Sowl Afrique. Créant depuis les années 1990, JENK est connue pour ses sculptures Wrapping Bonbons aux couleurs éclatantes. Elle sculpte des bonbons plus grands que nature, de tailles variées, dans des matériaux tels que le bronze, le plexiglas, l’aluminium, le marbre et le Verre de Murano. En 2019 Laurence JENK est nommée Chevalier de l’Ordre des Arts et des Lettres et son travail est présent dans plus de 25 pays. Elle est représentée par de nombreuses galeries et fait partie d’importantes collections privées, publiques et institutionnelles.

Les candidates pour le prix femmes inspirantes Sowl Afrique, étaient : Awa Sagna, fondatrice de Peuhl Fulani, Katy Marcos, fondatrice Couleur Bois, Adama Ndiaye, fondatrice de la « Dakar Fashion Week » et Diane Binder, fondatrice de REGENOPOLIS.

Le prix Sowl Afrique, a été décerné à Awa Sagna, fondatrice de Peuhl Fulani une marque de prêt à porter inclusif inspiré de la culture Peuhl. Elle a fondé en parallèle la « Maison de l’Afrique — Berceau de l’Humanité » pour soutenir les artistes et les jeunes startups qui souhaitent se développer entre la France et l’Afrique.

 

Prix Sowl Occident

Le prix Sowl Occident a été remis par Nadine Renaud Cacace, Directrice du Pôle Monaco international de CFM Indosuez Wealth Management. Nadine est banquière avec plus de 30 ans d’expérience. Nous sommes heureux d’avoir eu la banque comme partenaire pour cette soirée dédiée aux femmes inspirantes. CFM Indosuez est en effet la banque leader responsable sur la Principauté avec ses 400 collaborateurs engagés, dont la moitié sont des femmes

Les candidates pour le prix femmes inspirantes Sowl Occident, étaient : Bahia Sharara, cofondatrice de Clean green Monaco, Aïda Meghraoui-Kheddar, fondatrice & CEO d’AMKbiotech, Sophie Chatelier fondatrice de la nouvelle Herboristerie et Christelle Caucheteux, fondatrice de LifeBloomAcademy.

Le prix Sowl Occident, a été décerné à Christelle Caucheteux, fondatrice de LifeBloomAcademy : une entrepreneure sociale, professeure, exploratrice en pédagogie et passionnée par l’éducation et les Ed Tech. Au sein du collège qu’elle a créé, l’équipe pédagogique accompagne les jeunes adolescents à être entrepreneurs de leurs vies. Ils développent des « Soft Skills » afin de comprendre que le savoir-être est plus important que le savoir-faire.

 

Prix Sowl Orient

Le prix, Sowl Orient a été remis par Bouran Hallani, Présidente « Les amis du Liban » à Monaco. Boubou est une Libanaise entrepreneure et fondatrice de l’Association Les Amis du Liban à Monaco. Le but le but est d’offrir des conditions de vie meilleures aux enfants libanais, quel que soit leur milieu, leur religion ou leur statut social. Au cours des années, l’association a étendu son action en venant en aide aux familles d’Haïti, de Nice ou encore d’Ukraine. En 2009, l’engagement de la Présidente des Amis du Liban à Monaco a été officiellement reconnu par les Nations Unies. Ils l’ont nommée « Ambassadrice de Bonne Volonté en Europe de L’Ouest », dans le cadre de l’initiative « Live Lebanon ».

Les candidates pour le prix femmes inspirantes Sowl Orient, étaient : Hala Dahrouge, Fondatrice et Présidente de Liban TROC, Linda Hassan, pour le poème « Liban Soufflé », Ines Baccouche Fondatrice d’Art for Ness, Sophie Leray, pour Women in Leadership.

Le prix Sowl Orient, est décerné à Sophie Leray, pour Women in Leadership. En 2008, elle a fondé le Global WIL Economic Forum (« Women In Leadership »), la première plateforme pour les femmes d’affaires dirigeantes au Moyen-Orient et en Asie. En 2016, elle a co-écrit « Game Changers: How Women in the Arab World Are Changing the Rules and Shaping the Future » sur la place de la femme dans le monde arabe. Elle est rentrée en France depuis peu et a décidé récemment de poser ses valises chez Initiative Côte d’Azur en tant que Directrice afin de soutenir l’entrepreneuriat local.

Remerciements

  • Le Lions club de Monaco, Eric Musumeci, à l’initiative de ce projet et David Sirour le Président qui a mis beaucoup de son temps et son énergie au service de cette Remise de Prix
  • Nos sponsors : le CFM Indosuez, Monaco Sécurité, Continental Invest, et le Comité des droits des femmes pour leur soutien. Ainsi que notre homme du Comité, Jean-Claude Mourad.
  • L’équipe de l’Hermitage, pour leur patience, et leur collaboration. Alexandre Vitre et son équipe.
  • Mme Bubbio responsable de la commission d’insertion des jeunes,
  • Mr Bubbio directeur de l’IMSEE
  • Céline Cottalorda déléguée des droits des femmes de la Principauté de Monaco, Gouvernement Princier,
  • Et l’amitié transfrontalière de Mme Maty Diouf, Déléguée des droits des femmes de Nice.

 


[Mode] inclusive

Interview de Awa Sagna, fondatrice de Peuhl Fulani basée à Montpellier.

By Pascale Caron

Awa est une personne qui a eu plusieurs vies : tour à tour championne de boxe française, top model pour Cartier ou Thierry Mugler, publiciste pour Publicis ou le groupe RTL, et Chroniqueuse TV et en ligne. En 2019 elle se lance en tant que chef d’entreprise et crée la marque « Peulh Fulani », dédiée à sa tante, la regrettée Katoucha Niane, muse d’YSL que l’on surnommait la petite princesse Peulh.

Startup innovante née entre Montpellier, Paris et Dakar, Peulh Fulani compte bien dynamiser le secteur du textile et du e-commerce français. Elle a pour volonté d’imposer ses maillots de bain, haut de gamme, en matières 100 % écologiques fabriquées à partir de bouteilles de plastique. Influencée par la haute couture française et la culture Peulh, c’est le mariage de 2 pays, entre savoir-faire traditionnel africain, et technologique numérique.

Elle a été sélectionnée par l’incubateur Sprint, soutenu par la Fondation Chanel, pour accélérer son développement au Sénégal. En mars 2022, elle est lauréate du « Pass Africa Initiative » de BPI France et du Conseil Présidentiel Africain. Elle est nommée parmi les Tops 500 qui bâtissent l’Afrique de demain par le magazine D’Afrique du Sud « Tropics ».

En juillet 2022 c’est Jean Christophe Tortora, PDG de la Tribune, touché par son histoire, qui lui offre d’ouvrir le forum « Women Future Méditerranée ». Elle est également mise à l’honneur dans le magazine ELLE qui lui consacre un article sur ses multiples vies.

Engagée dans une démarche d’entrepreneuriat responsable, elle fonde en parallèle la « Maison de l’Afrique — Berceau de l’Humanité » pour soutenir les artistes et les jeunes startups qui souhaitent se développer entre la France et l’Afrique.

Je l’ai rencontrée lors d’un comité « Label Initiative Remarquable » Initiative France, au cours duquel nous lui avions décerné le label et j’ai eu envie d’en savoir plus.

 

Peux-tu nous parler de ton parcours et comment as-tu créé ta société ?

Je suis née à Paris au sein d’une famille nombreuse et aimante. J’ai été façonnée par des femmes. Tout d’abord Catherine Noël, qui, en m’enseignant la danse, m’a appris à être à l’aise avec mon corps tout en étant ancrée au sol.

Adèle Badgi du ballet Niaba, au New Morning à Paris, m’a inculqué ensuite le Sabar, une danse sénégalaise aérienne, tout l’inverse de mes débuts.

Dans mes années lycée, j’ai croisé la route d’une professeure de boxe française, Sylvie Leriche, qui m’a emmenée jusqu’aux championnats de France. C’est une grande fierté d’avoir été aux championnats de France à Liévin avec mes camarades du Lycée Charles Baudelaire.

Et puis j’ai rencontré Almen Gibirila, à Clichy dans un petit atelier mode. Elle m’a fait connaitre le monde de la mode, m’a permis de défiler, et j’ai appris à prendre confiance en moi et à m’imposer.

Ces quatre femmes ont contribué chacune à faire de moi la personne que je suis devenue. Puis très vite, un personnage fondateur est arrivé dans ma vie : Tata Katoucha, muse d’Yves Saint Laurent, qui va m’inculquer la posture. « Il faut être belle et en avoir dans la tête », me disait-elle. J’ai eu la chance de défiler avec elle au musée du Quai Branly sur le thème de l’Afrique. Elle a eu un destin tragique et a disparu en février 2008. Elle était très engagée contre l’excision et l’autonomie des femmes. Par la suite, j’ai défilé pour Saint-Laurent, Cartier, Mugler… à New York, Londres, Paris, Milan.

Ma vie a changé de cap quand j’ai rencontré Hedwig Dethée, qui me propose de le rejoindre dans le monde de la publicité, et d’interviewer les responsables de marques. Je décide de quitter l’univers de la mode à un moment où j’étais au top de ma carrière, contre la volonté de ma mère. Il m’apprend un nouveau métier, crée une télévision, me met à l’écran. Très vite, je produis des émissions au carrefour du design de la mode et de la culture, afin de séduire les annonceurs. On est en 2006 et malheureusement peu de temps après mon mentor décède.

À cette époque, je rencontre mon mari que je suis tout d’abord en Normandie, puis à Montpellier. C’est là que je me lance dans la radio, pour Fun Radio, RTL2 et plus tard RTS. Je crée des spots publicitaires sur mesure pour les marques locales.

À la suite d’une rencontre avec Antoine Rémy de Groupon, au « Café Riche », mon QG à Montpellier, j’embrasse une carrière dans le Web. « Vous êtes une preneuse de risque, rejoignez Groupon ! ». Je les rejoins donc à Montpellier puis Paris.

Je rallie finalement le groupe Publicis en 2017, avec à sa tête Maurice Levy : ça a été un honneur pour moi de travailler pour lui. J’y ai approfondi mes compétences Web sur Google et Facebook.

En 2019, je décide de me lancer dans l’entrepreneuriat en combinant tous mes métiers mode, communication, web et humanitaire.

 

C’est à ce moment-là que tu as créé « Peulh Fulani » ?

Oui. J’ai fondé une marque inclusive de maillots de bain 100 % écoresponsables, adaptée à toutes les carnations de peaux et à toutes les morphologies. Les Peuhls sont une ethnie nomade d’Afrique de l’Ouest. Ils ont des tatouages sur le visage et sur le corps que nous avons reproduits, sur du polyester recyclé. Je travaille actuellement avec deux usines en France et au Portugal. J’ambitionne d’établir mes propres outils de production en France et en Afrique. La filière du textile est un secteur à dynamiser en misant sur les nouvelles technologies qui permettent aujourd’hui d’être créatif et innovant, tout en protégeant l’environnement.

Où en es-tu dans l’évolution de la société ?

La levée de fonds a été un parcours semé d’embuches, mais nous avons finalement récolté le financement. Je vais pouvoir travailler sur la prochaine collection 2023, qui sera sur le thème des pharaonnes. Un de mes rêves est d’organiser un défilé inclusif, pour toutes les femmes de 16 à 60.

 

Quelles sont les personnes qui t’ont inspirée dans ta carrière ?

Je pense en premier lieu à ma tante Katoucha, qui est partie trop jeune en 2008. Surnommée « la petite princesse Peulh », elle a été le 1er top model noir et égérie d’Yves Saint-Laurent. Ses combats pour l’excision m’ont inspiré. Son image de femme forte en transformation perpétuelle m’accompagne encore aujourd’hui.

Une autre personnalité fascinante, c’est Michèle Obama. Elle n’a pas seulement été l’épouse du 44e président des États-Unis, la première « First Lady » noire de l’histoire de ce pays et la mère de famille que l’on connait. Durant les deux mandats présidentiels de son mari, elle s’est engagée pour de nombreuses causes : comme la lutte contre l’obésité, les droits des personnes LGBT ou l’éducation des jeunes filles dans le monde. Elle est un modèle pour moi.

La dernière est Simone Veil, sa force malgré sa vie difficile et ses sacrifices m’ont guidée.

 

Aurais-tu un endroit dans le monde, que tu aimerais nous partager ?

Je pense à une petite plage incroyable à Bali, qui s’appelle Jimbaràn. Elle fait du bien et apporte de très belles énergies. J’ai également le village de Djiragone en Casamance au Sénégal, le meilleur endroit pour se ressourcer au cœur de la nature, en mangeant un bon Thiéboudiène.

 

En conclusion aurais-tu une devise ou un mantra ?

Mon mantra c’est « Ubuntu », une philosophie africaine qui signifie :

« Nous ne sommes rien sans le partage avec les autres ».

A propos de l’auteur : Pascale Caron, membre du bureau MWF Institute est CEO de la société Yunova Pharma, implantée depuis 2020 à Monaco et commercialise des compléments alimentaires dans la Neurologie. Pascale est également directrice de rédaction de Sowl-initiative.

 


[Abidjan] impact

Interview Katy Marcos fondatrice Couleur Bois

Par Patricia Cressot

Katy, on veut en savoir plus, parlez nous de vous

D’origine Libanaise et de nationalité Française, je suis née en Guinée Conakry. J’ai vécu à Marseille de mes un an et demi à mes 7 ans. Puis je suis partie en Côte d’Ivoire où j’ai grandi de mes 7 ans jusqu’à l’âge de mes 18 ans. J’ai ensuite fait plusieurs voyages et la vie m’a rapidement conduite à nouveau jusqu’à Abidjan. Avec une maman active, bricoleuse et couturière, j’ai suivi la tradition et j’ai commencé par une école de couture puis j’ai eu la chance de travailler comme petites mains chez Christian Dior à Paris. Je souhaitais aller plus loin, alors j’ai ensuite fait les Beaux-Arts à Marseille dans les années 1986. J’étais à ce moment prédestinée à exercer un métier artistique. Puis un jour, à la recherche d’œuvre d’art pour ouvrir une galerie, je suis entrée dans cette entreprise qui était à vendre et à l’abandon, j’ai franchi le pas de la porte et je me suis dit « c’est ici que je veux être ». Et c’est ainsi qu’une grande histoire d’amour pour le travail du bois a démarré. Je suis Ivoirienne de Cœur, je suis une enfant du pays. Je me sens à ma place au sein du « berceau de l’humanité ». C’est ici que j’ai grandi, que j’ai eu mes enfants et que je travaille. C’est un magnifique pays d’opportunités, une terre d’accueil qui aujourd’hui encore laisse de l’espace à tous les entrepreneurs ambitieux qui souhaitent se lancer. Pour moi ici, tout est encore possible.

Quel a été le déclencheur pour créer couleur bois et quel est son histoire ?

Couleur Bois est le successeur de l’un des plus anciens ateliers d’artisanat d’Abidjan, datant de 1960, du nom de Nocodaf qui signifie « Noix de coco d’Afrique ». Tout a commencé avec le constat suivant : la noix de coco est un isolant naturel. C’est ainsi que nous l’avons transformé en seau à glaçon nommé « Glacière en Noix de Coco ». L’idée était née, le brevet déposé & l’entreprise lancée. Nous fabriquons des seaux à glace, des coupelles en noix de coco et aussi des pirogues en feuilles de coco. Et puis, au fil du temps nous avons étendu notre savoir-faire de la coco, au bois de cocotier jusqu’aux bois exotiques tel que le Teck, d’Acacia et d’Iroko…. Toujours en préservant le naturel du bois mais aussi en le vernissant et en le décorant (bronze, cauris, peinture…). Au fil des ans, les créations se modernisent, se diversifient et nous restons toujours tournés vers l’innovation.

Quels ont été les challenges et défis à relever ?

Depuis 26 ans que l’enseigne Couleur Bois existe, j’ai été sur tous les fronts : de l’atelier à la création, à la vente, à la commercialisation, au développement, je faisais tout toute seule. J’y ai mis toute mon âme et tout mon cœur. Je me rends compte maintenant que si je m’étais entourée plus tôt, toute l’énergie que j’ai mise dans la gestion du quotidien de l’entreprise aurait pu être déployée de manière différente pour faire la « décoller » plus rapidement et équilibrer ma vie professionnelle et privée. Ce que j’ai commencé à faire depuis le début d’année avec l’arrivée d’une architecte d’intérieur et d’une assistante manager dans mon équipe.

 Avec combien d’artisans travaillez-vous?

Je travaille avec une équipe d’une trentaine d’artisans. Menuisiers, Ebénistes, Sculpteurs, Ponçeurs, Artistes peintres, Vernisseurs. Mais aussi une équipe administrative et trois équipes de vente pour nos différentes boutiques. Ce qui fait une multitude de métiers différents dans notre petite entreprise familiale. 5. Vous avez ouvert d’autres points de vente ? Quelle est la prochaine étape ? Nous avons récemment ouvert une nouvelle boutique dans la galerie de l’hôtel du Sofitel d’Abidjan. Ce qui nous fait trois boutiques. Une au Sofitel, une autre dans un grand centre commercial et enfin notre maison mère qui se trouvent sur deux étages avec notre gamme complète que ce soit en artisanat, en Art de la table mais aussi en ameublement et en décoration. La prochaine étape sera pour nous à l’évidence d’ouvrir une boutique en ligne avec livraison internationale de nos marchandises. C’est aujourd’hui un réel challenge pour nous car la digitalisation n’a jamais été au centre de l’activité de Couleur Bois, qui reste une entreprise familiale et artisanale. Petit à petit nous renforçons notre présence sur les réseaux sociaux et conjointement nous travaillons depuis quelques temps sur une ouverture prochain de ce fameux site de vente en ligne.

Quels conseils donneriez-vous pour réussir une reconversion professionnelle ?

C’est une très belle question à laquelle je ne saurai répondre car je fais la même activité depuis le début de ma carrière professionnelle, soit maintenant 26 ans. Mais je vois autour de moi énormément de personnes qui se lancent dans des reconversions professionnelles et d’après ce que j’observe je pense que c’est la passion qui permet de réussir. Peu importe l’objectif : épanouissement personnel, découvertes, divertissement… c’est réellement la passion qui anime la réussite des reconversions professionnelles.

En tant que femme cheffe d’entreprise, est-ce plus difficile d’imposer vos idées qu’un homme? Non ! Après toutes ces années de travail je peux affirmer que non, être une femme n’a jamais était une barrière dans mon rôle de cheffe d’entreprise. A partir du moment où j’ai toujours été exemplaire, investie dans toutes tâches de l’entreprise, soucieuse de l’activité de chacun, exigeante jusque dans les moindres détails. Le respect s’est fait naturellement. Car quand le travail avance, que les créations se vendent, le personnel prend confiance et suit leur cheffe.

Qu’est-ce qui vous inspire?

Je considère avoir une totale liberté artistique. Je peux créer au gré de mes envies, de mes goûts et laisser voguer mes inspirations. Mais le plus important est pour moi la liberté d’expression. Grâce à mon métier, j’ai la chance de pouvoir m’exprimer à travers mon ART(isanat)! Je pense que l’artisanat est un véritable outil d’expression qui me comble quotidiennement. Cette magnifique liberté je la constate aujourd’hui dans le fait que mon travail a été la source d’inspiration de beaucoup de personnes dans leurs créations.


[Corps] Esprit

[Corps] Esprit

Interview de Linda Ftouni, Osthéopathe & Poète à Dakar,

par Patricia Cressot

J’ai rencontré, Linda Ftouni, il y a quelques années par un heureux hasard. Ostéopathe, poète en herbe, humaniste, contestataire des inégalités sociales grandissantes dans le monde, elle rêve d’un monde meilleur. J’ai voulu vous la faire connaitre.

Linda, peux-tu nous brosser un tableau de ton parcours ?

Je suis née de deux parents libanais eux-mêmes nés au Sénégal dans les années 50, leurs propres parents étaient immigrés du Liban.

Après la terminale, je suis partie à Paris avec pour objectif de devenir pédiatre et de m’occuper de nouveau-nés. On connait tous le fameux concours de médecine et sa sélection drastique qui m’a obligée à chercher une autre voie. En considérant le métier de sage-femme, je tombe sur un article mentionnant les bienfaits de l’ostéopathie sur le nouveau-né. Ce fut une révélation pour moi. J’ai découvert un univers beaucoup plus large, bien au-delà de mes espérances !

Une fois mes études terminées, je n’imaginais pas élever des enfants à Paris et j’aspirais à retourner vers ce que j’avais connu. Après une étape en Côte d’Ivoire, nous rentrons au Sénégal où nous sommes installés depuis 12 ans.

Qu’est-ce qu’apporte l’ostéopathie au patient ?

L’ostéopathie est une thérapie manuelle reconnue par l’état français. En posant les mains sur les patients, nous sentons les zones qui ont perdu leur mobilité et leur fonction. Grâce aux techniques ostéopathiques, nous redonnons de la mobilité, ce qui permet aux symptômes de diminuer et de disparaitre. 

Je travaille en ostéopathie biodynamique, une méthode qui parait très douce de l’extérieur, mais qui est très puissante. Le patient prend conscience qu’il détient en lui toutes les possibilités de guérison. L’ostéopathe « ne remet pas en place » des vertèbres par des manipulations. Je vois chaque jour des êtres qui se rendent compte du miracle qu’est leur corps et c’est extraordinaire !

Qu’est ce que t’a apporté l’ostéopathie ?

Derrière une profession, c’est aussi un art de vivre. Un de mes professeurs disait : « Vous ne pourrez pas être ostéopathe dans votre cabinet et autre chose au-dehors ». Pour ma part, cela s’est vérifié. Observer quotidiennement sous mes mains, ces mécanismes s’agiter pour réparer le corps et l’esprit a construit ma vision du monde, comme une sorte de chemin spirituel. Cela ressemble à des courants d’eau qui circulent dans le corps. De plus, pour que ces mécanismes fonctionnent, je dois être ancrée et cela me demande une manière d’être apaisée au quotidien malgré les grands vents.

L’ostéopathie a donc un impact sur les émotions ?

Tout comme une chute laisse des traces dans les corps, il en est de même pour les émotions. Si elles ne sont pas digérées, elles vont entrainer des adaptations du corps puis des symptômes. Ce qui me touche, c’est de voir cette prise de conscience chez le patient, il réalise soudain que ses émotions sont là, dans cette douleur de côté, dans cette sciatique qu’aucun médicament n’a pu calmer. On plante une graine de compréhension puis il fera son chemin et souvent il en découle une meilleure écoute de ses besoins physiques et émotionnels.

Qu’est-ce qui t’inspire ?

Ma profession et encore ma profession ! Je me rends compte que j’évolue au quotidien au plus près d’un mécanisme qui n’est ni sexiste, ni raciste, ni capitaliste et qui a la grâce d’être écologique ! Les mécanismes « fluidiques » agissent sur tous, quelle que soit la couleur de peau, le genre. Ils ne discriminent pas.

Mon patient est mon horloge, je ne peux m’arrêter que lorsque ces mécanismes arrivent à un point d’équilibre qui signe la fin de la séance, pas de rentabilité possible !

Et il est écologique évidemment, car il n’y a pas de gaspillage, pas de perte d’énergie, le corps a en lui de nombreuses possibilités.

 J’ai le sentiment incroyable d’être au plus proche d’une universalité et cela me comble au quotidien. Les patients en tous en commun cette capacité de résilience, qui attend d’être stimulée.

J’ai découvert aussi à travers un autre domaine qui est l’écriture que j’avais une relation particulière à la nature qui m’entoure. Je suis sensible aux détails qui font la joie chaque jour une lumière, un oiseau, ou les couleurs des fleurs. La nature m’inspire des émotions très fortes.

Poète en herbe, d’où est venue cette passion ?

En terminale, une de mes professeurs m’avait poussé à faire des études littéraires. Mon père m’a découragé en y voyant un avenir incertain. Mon appétence pour les sciences et mon envie de soigner ont alors jalonné mon parcours.

Après le décès de ma mère, je me suis mise à écrire et cela ne m’a plus quitté. Ce que j’aime dans la poésie, c’est non pas ce romantisme qui lui est souvent reproché, mais la possibilité des mots à s’engager. J’ai commencé par Baudelaire comme tous adolescents puis Neruda et la révélation est venue avec les poétesses russes, Marina Tsvetaeva et Akhmatova. Je découvre actuellement Chedid et Khoury, un vrai bonheur ! J’aime l’écriture en général, la poésie c’est un peu le cri du cœur.

Si tu pouvais changer quelque chose que ferais-tu ?

Je m’intéresse aux discriminations, quelles qu’elles soient. Je me rends compte que la prise de conscience de ces fléaux que sont le racisme, le sexisme, le manque d’éducation est trop lente dans notre société.

J’écoute de nombreux podcasts, et je lis des essais, mais tout le monde n’a pas accès à ces données. Au Sénégal, la radio est un média sont encore très présent, et ce serait génial d’avoir des émissions de philo, ou littéraires, en Wolof ou en Sérère. Cela permettrait à ceux qui ne peuvent pas aller à l’école de développer un esprit critique en ayant accès à la culture. Moi qui vis ici, la découverte des podcasts, littéraires, politiques ou sociologiques, a changé ma vision du monde. Mes parents n’étaient pas férus d’art et aujourd’hui via tous ces médias disponibles, je m’enrichis et me nourris de ce qui m’a manqué. Qu’est-ce qu’un podcast sinon une autre manière de faire de la radio ?

Dans ma vie personnelle, j’aimerais avec le temps allier ostéopathie et écriture dans mon quotidien, et vivre avec les enfants une nouvelle aventure ailleurs. Pourquoi pas à Paris !

 À quoi aspires-tu ?

Sans hésitation, j’aspire à un monde plus juste. Les inégalités sont tellement visibles au Sénégal et dans le monde que cela me perturbe de plus en plus et pas seulement au niveau financier. Aujourd’hui, par exemple, la plupart des femmes incarcérées au Sénégal le sont en raison de leur sexe : les mules qui font passer de la drogue, souvent d’origine étrangère, ne parlent pas la langue et sont utilisées par les trafiquants. L’avortement et les infanticides sont les 2 autres causes d’incarcération des femmes.  Les femmes se retrouvent enceintes et abandonnées. Pour la plupart, elles n’ont pas d’éducation et savent à peine ce qu’est une grossesse. Le déshonneur d’être enceinte, les pousse à commettre l’irrémédiable puisque l’avortement n’est pas autorisé. Elles vivent une double peine par mort d’un bébé et leur incarcération. Cela me choque d’autant plus que si l’on ne souhaite pas dépénaliser l’avortement, on pourrait en attendant faire de l’éducation sexuelle. Le Mozambique est devenu le 4e pays d’Afrique à le légaliser, espérons que le recul des droits des femmes partout dans le monde cesse, il faut laisser la place à l’espoir. Mais il viendra aussi avec le militantisme et la révolte.

 

instagram @osteopathelindahassan

                       @lilu_june


[LUXE] Afrique

LUXE & AFRIQUE

Entretien avec Coralie OMGBA, fondatrice d’AFRICA IN A NEW ERA, fondatrice et organisatrice de conférences internationales sur le marché du luxe en Afrique.

par Patricia Cressot

De banquière à conférencière experte du marché du luxe, comment as-tu démarré ce projet ?

L’histoire de Magnates Places naît en 2015 grâce à plusieurs rencontres à Genève, au fil de conversation, on me soufflait que ma vision du l’art de vivre pourrait intéresser le continent africain. Ils m’ont suggéré de visiter le Ghana. Découvrant un pays futuriste ambitieux propice au luxe de part notamment les infrastructures bien établie, j’en prends plein les yeux avec Kempinski, Moët & Hennessy et leurs événements, ses restaurants, ses boutiques-hôtels ou complexes immobiliers de très haut standing aux standards internationaux. A mon retour tout était clair, je prends conscience du dynamisme du continent africain et le message envoyé par ces fameuses rencontres à Genève sonne comme un véritable écho. De là j’ai commencé par le digital avec un blog où j’y partageais différentes thématiques comme l’art de vivre, la géo-économie, l’art contemporain, une fusion entre le continent africain et le reste du monde ; des passions qui m’animent.  Ce blog  Magnates Place était également un bon moyen de prendre la température. Cette approche a intéressée tant les francophones et anglophones ; le fait de faire un lien entre le luxe et l Afrique, J’ai été agréablement surprise par l’intérêt que cela suscitait. Des questions sur les  chiffres et le potentiel du continent africain ont fusés et c’est delà  que j’ai décidé de réunir des experts  de différents domaines de l’univers du luxe et du monde des affaires liés à l’Afrique  et décortiquer cette niche de manière décomplexée et sans guillemets; et c’est à ce moment que j’ai créée en 2016 cette conférence sur le luxe global en Afrique.

Les grandes lignes du luxe en Afrique ?

Ma définition du luxe est quelque chose qu’on vit, une expérience. Entre 2016 et aujourd’hui, la thématique a encore évolué. La problématique et les appels évoluent. En catégorie de luxe, ce qu’aiment une partie des africains, sont l’horlogerie, joaillerie, vins& spiritueux, l’automobile, les voyages et l’aviation privée, et les accessoires de mode. Toutefois à noter, ce continent qui détient plus de 54 pays et une immense diversité ; d’un pays à un autre ou/et d’une région à une autre ; les approches et demandes en matière de luxe sont forcément différentes.

Luxe et digital, compatible ?

L’année 2020 nous l’a encore plus démontrée que c’est compatible. En Afrique oui, à partir du moment que la logistique international et inter/intra régional et continental fonctionne correctement. On voit que des plates-formes E-commerce qui se développent entre continent et reste du monde, accessoires de mode de premium et accessible. Mais, selon moi, le véritable luxe passe par l’émotion, l’expérience humaine, la communication en réelle.

Voir émerger de marques africaines sur le plan international?

De nombreuses sociétés s’y attèlent et c’est une bonne nouvelle. Si le produit est bon et la marque bien entourée, qu’elle soit africaine ou autres, tout est possible. Encore une fois, une marque africaine est un terme bien trop simpliste voire réducteur car l’Afrique n’est pas un pays ; un made in Nigeria, fabriquée en Côte d’Ivoire est bien plus valorisant tant pour le continent, que le pays de fabrication concernée, que le créateur.

As-tu des projets en cours dont tu souhaites partager avec nous?

Continuer à développer et promouvoir cette thématique, faire croitre mon association OKIRI œuvrant pour le développement des potentiels vers le tourisme de luxe en Afrique , en étroite collaboration et en partenariat avec l’Ecole hôtelière de Lausanne, ensemble nous proposons une formation professionnelle aux talents originaires et basés en région subsaharienne, désireux de suivre un enseignement spécialisé en hôtellerie / restauration et tourisme à distance et en présentiel auprès d’experts reconnus de l’industrie hôtelière de luxe dans un centre de formation localiser sur le continent. Apprendre, comprendre, former et développer est la clé du développement et d’une croissance économique profitable positivement. L’approche est dans une vision d’investissement à impact. Nous ne faisons ni dans l’aide, ni dans l’humanitaire ou la misérabilité; mais plutôt, nous misons et assemblons de manière pragmatique les forces et les talents du continent africain et de l’industrie hôtelière exigeante en établissant des relations saines, respectueuses, équilibrées et gagnante/gagnante.

Liens

www.okiri.org

ABOUT


[Inspiration] Wax

[Inspiration] Wax

Entretien avec Elodie Avice, fondatrice de Wax-feel

par Patricia Cressot

Parlez nous de vous? Comment et quand avez vous débuté ?

Je suis Elodie, Franco-ivoirienne, expatriée à Dakar depuis aout 2018. Ma vie a commencé au début des années 80 dans le quartier de Cocody à Abidjan, une ville hyperactive. Mon enfance en Côte d’ivoire, reste pour moi pleine d’insouciance, de jeux dans les rues avec les amis(es). Je me revois me faufiler entre les machines à coudre des ateliers de tailleurs, pour y ramasser les chutes de tissus et ainsi pouvoir habiller mes poupées en bois. Depuis lors, la mode est restée une grande passion.

Le déclic a eu lieu, quand j’étais à Hanoï, capitale du Vietnam, loin de la France et de la Côte d’Ivoire.

En arrivant au Vietnam en 2015, je suis frappée par l’absence de la culture ouest-africaine. La méconnaissance des peuples et des cultures africaines dans la métropole Hanoïenne était tellement importante que je me suis sentie obligée de modestement y remédier. J’ai commencé par faire venir au Vietnam de l’artisanat traditionnel ivoirien et ouest-africain (masques, tissus, bogolan, statuettes). Une rencontre avec une amie australienne qui tient un concept store à Hanoï réveille ma passion pour la mode. Je m’attelle alors à créer mes premiers modèles et à les déposer dans son magasin. C’est le début de l’histoire de Wax Feel, ma marque de vêtements.

Où puisez-vous vos inspirations?

Je puise mon inspiration dans la diversité culturelle des différents pays où j’ai pu vivre lors de mes différents déplacements professionnels. J’utilise principalement des tissus, tels que la soie, de l’organza,  les  tissus ouest-africains tels que le koko dunda du Burkina faso, le meulfeu mauritanien, les tissus teintés à la main par les femmes du nord de la Côte d’ivoire….pour alimenter mes différentes collections, et du mélange culturel des différents pays où je suis passée. Un changement de pays implique un changement de population et donc une adaptation de mes collections à de nouveaux critères de mode.

A quel type de femme pensez vous en créant ?

Je ne crée pas uniquement  pour un type de femme prédéfini. J’aime le streetwear, je fais la promotion du savoir faire et de l’artisanat africain. Je pense que les femmes d’ici et d’ailleurs se reconnaîtront, forcement dans une pièce waxfeel. Certaines m’emmènent dans leur sphère en me demandant des modèles spécifiques. Tout est une question d’adaptation.

Quelle est votre inspiration du moment? Quelqu’un vous inspire?

Je cherche toujours à apporter un twist d’élégance dans mon vestiaire, telle est mon inspiration première. Ma prochaine collection s’annonce sur le thème de la légèreté, de la fluidité ….

Quels sont projets futurs et vos désirs pour la marque ?

Le départ définitif du Sénégal arrive à grand pas. Dans un premier temps j’aimerais garder le plus longtemps possible, la merveilleuse relation que j’ai avec mes différents collaborateurs sénégalais-es. Rencontrer d’autres propriétaires de concept store en Afrique et ailleurs pour d’autres collaborations. Je ne pense pas encore à la création d’une boutique waxfeel en raison de ma vie professionnelle et familiale qui m’emmène à déménager très souvent.


[Art] Citoyen

[Art] Citoyen

Entretien avec Inès Baccouche, la fondatrice d’ArtforNess.

By Pascale Caron

Après un diplôme d’ingénieur à Grenoble INPG, elle a travaillé successivement chez ST Microelectronics, Infineo et Intel Labs. En 2017, Inès se lance dans un Master 2 de Skema, d’études entrepreneuriales. Elle crée ArtForNess, une galerie d’art en ligne pour ainsi faire le pont entre les deux rives de la Méditerranée. Son objectif principal est la promotion et la mise en valeur d’illustrateurs, de dessinateurs de bandes dessinées et designers d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient.

Qu’est-ce qui t’a amenée à te lancer dans l’entrepreneuriat ?

Quand j’étais petite, je voulais être astrophysicienne : la magie de l’infiniment grand me fascinait, mais j’ai dû me confronter à la dure réalité du marché. Sur les conseils de ma mère, je me suis engagée dans une école de microélectronique. Après les classes prépatoires en Tunisie j’ai intégré l’INPG en France. L’étude de l’infiniment petit, des atomes et des électrons était tout aussi captivante. Pour pousser plus loin, j’ai également fait un master en nanotechnologies. Mon métier me plaisait, mais j’avais le syndrome de l’élève modèle : j’étais à la recherche d’une reconnaissance dans mon domaine et je pensais que mes qualités dans le travail suffiraient. Un de mes collègues m’a dit un jour « il faut que tu ries plus aux blagues du boss », des blagues misogynes et sexistes, non merci. Tout cela m’étouffait : je m’impliquais beaucoup, je sacrifiais ma famille, mais pourquoi ? J’étais à la recherche de sens, je n’apportais rien au monde, juste de nouvelles puces pour pouvoir facturer les téléphones plus chers. Mon fils cadet avait 2 ans et à l’époque présentait un retard de langage. Un matin, mon boss me fait venir et me « passe un savon » pour l’exemple alors que je n’avais rien fait. Dans la journée, la maitresse me convoque concernant mon fils cadet et ses problèmes scolaires.

S’en est trop, je décide de changer de métier. C’est difficile de prendre une telle décision, car tu laisses derrière toi une certaine aisance financière : mais je ne regrette rien, même si je dois l’admettre, c’était très dur la 1re année.

Comme je suis une bonne élève, je m’enrôle dans une formation d’entrepreneuriat à Skema et en parallèle je passe mon certificat de chef de projet PMI (Project Management Institute).

 

D’où t’est venue l’idée d’ArtforNess ?

 Je suis restée une enfant et j’ai un imaginaire très fort, je lis beaucoup de « fantasy ». Au départ, je voulais créer une maison d’édition autour des livres illustrés que j’affectionne tant, mais la complexité du métier m’a obligé à pivoter. Le monde des BD Comics est un art sous-estimé, mais c’est vraiment un art à part entière. Les gens sont prêts à mettre un argent fou pour acheter un croquis signé. J’ai commencé par des dessins et ensuite des artistes dans la peinture et le collage m’ont contactée.

En tant que personne j’aime l’art, et je n’ai pas pour autant fait des études pour cela. Pour moi, l’art véhiculait une image élitiste, inaccessible, chère. J’ai voulu casser ces codes, en montrant la richesse artistique et culturelle du Moyen-Orient. Je présente des artistes émergents à des prix abordables.

Quand j’ai démarré en septembre 2019, j’ai pu participer à 2 événements, mais la crise est passée par là. J’ai dû rebondir et me lancer dans une campagne Ulule de financement participatif. Le B2C n’est pas évident, le nerf de la guerre est la visibilité et cela coute très cher. Cette campagne de crowdfunding m’a beaucoup appris sur le planning, le storytelling, et m’a apporté un petit souffle financier.

Je n’oublie pas pour autant mon premier métier : marier l’ingénierie à l’art me tient à cœur. J’utilise mon esprit d’analyse et des outils inconnus du monde de l’art, c’est ma force. Il m’arrive encore d’avoir le syndrome de l’imposteur, mais ce qui me confirme dans ma certitude c’est la confiance que les autres ont en moi : les artistes et mon mentor qui est au Canada. Le doute est présent, mais je l’ai enfermé dans un placard à double tour !

Je me forme constamment, c’est mon côté ingénieur. SEO, réseaux sociaux, je suis à l’affut des formations en ligne. J’ai pu participer à un programme d’« Artist curation » organisé par le « Goethe’s institute », avec plusieurs pays du monde. Cette formation m’a permis de mettre le doigt dans l’engrenage de l’art classique.

As-tu été accompagnée pour la création ?

 J’ai démarré avec Initiative Terre d’Azur et je suis coachée depuis par les Premières Sud, elles me soutiennent beaucoup. Je suis passée aussi par Orange Femmes entrepreneures et bouge ta boite. Les premières m’ont permis de me rassurer. Je réfléchis beaucoup avant de m’engager et je ne me décide que quand j’ai tout analysé. Grâce à leur soutien, je prends de plus en plus confiance en moi et je me sens plus dans l’action.

Quelles sont les personnes qui t’inspirent ?

Je vais faire dans le classique : avec ses contradictions, ses forces et ses faiblesses, ma mère. Elle a sacrifié sa carrière pour nous élever, mais quand nous sommes partis, elle s’est lancée dans la vente à distance. Elle est rapidement devenue directrice commerciale pour la Tunisie. J’aime sa force de caractère, elle m’impressionne.

 Aurais-tu un livre à nous conseiller ?

J’en choisirai 2, que je lis à mes enfants, sur les femmes artistes et scientifiques, écrits par Rachel Ignotofsky : je pense à « Women in art – 50 fearless creatives who inspired the world ». Je conseillerai aussi « Women in science – 50 Fearless Pioneers who Changed the World ».

 Aurais-tu une devise ou un mantra ?

J’en ai plusieurs : « you can fail but fail fast », « Keep it simple » et « better done than perfect » !