[Impact] Les Franjynes

Entretien avec Julie Meunier, la fondatrice des Franjynes.

By Pascale Caron

Il y a eu un avant et un après…

Après des études de droit, Julie a commencé sa carrière en tant que juriste en droit immobilier dans une grande entreprise. Et puis à 27 ans, tout bascule. Elle contracte un cancer du sein qui a donné lieu à « vingt-quatre chimiothérapies, deux opérations, quarante séances de radiothérapie et cinq ans d’hormonothérapie ». À la suite de cette terrible expérience, elle crée LES FRANJYNES en 2017. C’est une collection de FRANGES, entièrement adaptées à l’alopécie et la pelade, à accessoiriser avec un turban, bonnet, foulard ou turbonnet, pour un look tendance, classique ou bohème. Elle est également une conférencière engagée. Le fruit de ses interventions permet de financer des ateliers « nouages de turbans » aux femmes touchées par le cancer.

J’ai eu la chance de croiser la route de Julie 2 fois. La première c’était à Paris en 2018 lors d’une rencontre de la région sud sur les Startup. À l’époque j’étais associée dans une startup du Tourisme et nous étions invitées à prendre la parole également. Avant de monter sur scène, Julie s’était transformée avec une frange et un bonnet qui lui donnait une allure de Rock star. Son pitch m’a profondément émue, j’en ressens encore des frissons. À l’époque mon amie d’enfance, Valérie, avait contracté un cancer et je lui ai transmis sur-le-champ le site des Franjynes. Quelque temps après Valérie m’avait envoyé une photo d’elle qui m’avait fait chaud au cœur. Elle se sentait belle et avait retrouvé sa féminité.

La 2e fois, j’ai rencontré Julie au concours GetInTheRing à Sophia Antipolis où j’officiais en tant que coach. C’est à ce moment que j’ai compris que le parcours de ce magnifique projet était semé d’embuches. Le succès de son entreprise ne tenait qu’à sa ténacité. Aucune banque n’a voulu lui accorder de prêt à cause de sa maladie. Elle a dû se battre pour réaliser ce projet et l’a fait naitre grâce à un financement participatif. Récemment, elle a signé un livre, « À mes sœurs de combat » aux Éditions Larousse. Elle y parle du cancer, l’élément déclencheur qui l’a aidée à prendre conscience qu’on se met souvent soi-même des barrières : alors que tant qu’on a la santé tout reste possible. Mais elle a surtout souhaité dire aussi combien une épreuve peut se transformer en expérience, permettre de rebondir pour oser être soi.

Elle a reçu de multiples prix parmi lesquels celui de l’entreprise solidaire du Trophée des femmes dirigeantes FCE/COTE 2021. Elle a reçu également l’inspiration 2019 de l’association Pink Ribbon Monaco, le Prix de l’engagement sociétal de EY, celui du public de l’entreprise Altruiste, Femme Sensationn’Elles ou encore le spécial coup de cœur #letsgofrance.

Le made in France et l’engagement responsable est très important pour toi. Peux-tu nous en parler ?

Nous abordons la mode de façon éthique et responsable. Tous les tissus employés ici proviennent de fins de rouleaux et stocks dormants de grandes maisons. Les bonnets sont fabriqués dans des ateliers français engagés dans l’insertion professionnelle, que ce soit pour des étudiants, des personnes en reconversion, en situation d’isolement social ou souffrant d’un handicap. De sorte qu’il existe aujourd’hui 252 revendeurs de la marque en France métropolitaine, dans les Drom-Tom, en Europe et au Canada. Dans le cadre de maladies longue durée, la parure frange et turban peut même être remboursée par la Sécurité sociale. En quatre ans, nous avons déjà permis à plus de 9 000 femmes d’avoir le choix de garder un look qui leur convient et de se réapproprier une image qui leur plait, retrouver leur identité malgré les épreuves. Nous avons créé désormais des gammes pour enfants (Les Franjynettes) ainsi que pour homme (Les Franjyns).

 Quel a été l’impact de la crise du COVID pour tes activités ?

Tout d’abord je tiens à dire que la crise de la COVID a eu un impact sur les malades du cancer, car il y a eu un recul net du nombre de dépistages. Certains ont consulté trop tard à des stades avancés et j’ai pu le constater de mon côté à notre showroom. Beaucoup de malades se sont senties laissées pour compte. Il faut savoir que le Cancer représente 430 morts par jour en France.

Le cancer n’a pas arrêté de sévir malgré l’arrivée de la Covid 19. Chez les Franjynes nous sommes aussi une entreprise du secteur de la santé, proposant une alternative à la perruque ainsi que des accessoires textiles techniques. Nous avons malgré tout réussi à poursuivre notre croissance en 2020 et à créer de l’emploi. Nous avons dû beaucoup travailler sur notre modèle économique multicanal : avec le site internet, notre showroom et notre réseau de vente en pharmacie. Nous avons beaucoup soutenu les patients. Je me suis également consacrée à l’écriture de mon livre « À mes sœurs de combat » aux éditions Larousse : comme une lettre ouverte de conseils aux malades, aux soignants et aux accompagnants.

Quels sont tes prochains challenges ?

2021 est une année encore un peu compliquée. À l’origine j’ai monté les Franjynes pour « kiffer », je ne pensais pas que gérer une société était parfois si difficile moralement et physiquement. J’adore créer de nouvelles collections, m’occuper avec mon équipe au jour le jour des clientes, pour avoir une relation très proche et personnalisée avec les patients : ça, ce n’est que du bonheur. Mais il y a aussi l’envers du décor qui représente la vie de l’entreprise et qui est moins glamour. Cette semaine par exemple, mon compte Instagram de 17 000 abonnés a été piraté et effacé. Grâce à la diligence d’Instagram France qui m’avait invité pour faire une conférence sur le body positive il y a 2 ans dans leurs locaux, nous avons réussi à le récupérer dans la nuit. C’était 5 ans de travail qui étaient partis en fumée. Ce genre de « soucis » est très énergivore et stressant et j’avoue que je n’ai pas créé les Franjynes pour ça.

Donc le gros challenge et de m’organiser différemment, mieux structurer l’entreprise, et arrêter de travailler 80 heures par semaine. Je dois également trouver du temps pour moi, car « pour aider les autres il faut savoir s’aider soi-même ».

Quelles sont les personnes qui t’inspirent ?

Philippe Croizon m’inspire vraiment : c’est un ancien ouvrier français qui est devenu athlète après la perte de tous ses membres. Malgré son handicap, il a multiplié les exploits sportifs, tels que la première traversée de la Manche à la nage accomplie alors qu’il est amputé des quatre membres, le 18 septembre 2010. Il développe également des activités de chroniqueur dans divers médias et de conférencier en entreprise. Il a écrit 2 livres que j’ai dévorés. J’ai eu la chance de la voir en conférence et j’ai une dédicace qu’il a signée en tenant le stylo dans sa bouche. Il m’a dit une phrase qui m’éclaire beaucoup : « L’impossible n’existe pas, car dans impossible il y a possible ». L’instinct de survie est incroyable, l’humain est capable de s’adapter au pire. La rencontre avec cet homme a été révélatrice, s’il y a un problème, il y a une solution.

 Tu nous conseilles donc ses livres ?

Oui sans hésitation. Sinon je suis en train de lire « Les quatre accords toltèques », un livre qui m’a été vivement conseillé par mes proches. Miguel Ruiz nous propose de nous libérer de la pression quotidienne responsable de nombreuses souffrances physiques et psychologiques. Il explique comment les sociétés contemporaines nourrissent les corps et les esprits par la peur du lendemain et limitent ainsi nos facultés à percevoir le sentiment de liberté. Je suis sûre que ces enseignements vont me permettre de trouver des clefs pour ma propre organisation et perception, afin d’avoir un meilleur équilibre entre ma vie professionnelle et ma vie personnelle.

Sinon pour me délasser j’aime lire des romans historiques !

 En conclusion aurais-tu une devise ou un mantra ?

Oui, celle de Philippe Croizon ne me quitte pas : « L’impossible n’existe pas, car dans impossible il y a possible ». Et « Quand la vie te donne des centaines de raisons de pleureur, montre-lui que tu en as 1000 de sourire ».