[Marque] sport pour femmes
Interview de Norah Luttway, fondatrice de Noliju, première marque française engagée de vêtements de sport pour les femmes qui aiment bouger.
By Pascale Caron.
Avec une expérience en tant que directrice marketing de Naf Naf, Petit bateau et Carnet de Vol, passionnée de Running et maman de 2 garçons, elle a créé sa société en 2016. Noliju sort du terrain de jeu habituel des marques du domaine. Son positionnement hybride, l’activewear, s’inspire des codes du prêt-à-porter et du sport en proposant des vêtements adaptés au running, mais suffisamment élégants, pour être portés en ville. Ils trouvent tout naturellement leur place dans les vestiaires des femmes actives.
Noliju, « No limit just U » s’adresse aux championnes du quotidien qui jonglent en permanence entre vie professionnelle, personnelle et séance de sport. Ce sont des produits, innovants, haut de gamme, fabriqués à partir de tissus techniques de qualité, confectionnés en Europe. Née sur Internet, et basée à Sophia-Antipolis, elle a été également présente dans des pop-up stores comme l’aéroport Nice Côte d’Azur, le magasin Printemps à Cagnes-sur-Mer et le concept store Capsule à Cap 3000.
Qu’est-ce qui t’a amenée à te lancer dans l’entrepreneuriat ?
J’ai fait ma carrière dans l’univers du textile, ça doit bien faire 20 ans maintenant même si je ne compte plus les années… Mais ce qui est amusant c’est que j’ai débuté dans l’électroménager dans le groupe Whirlpool. J’ai commencé comme dans toute boite américaine par le terrain dans un environnement essentiellement masculin. Puis j’ai évolué vers le marketing opérationnel qui correspond à ma formation chez Kedge Business School, pour finir dans le département innovation au siège Europe non loin de Milan. Je pense que cette expérience a été fondatrice pour créer mon entreprise plus tard. Nous étions dans un MBA accéléré, plongés dans une atmosphère internationale, formés par des consultants en stratégie. Nous devions imaginer le business de demain. C’était passionnant, nous étions tous de pays différents et nous voyagions à travers le monde pour trouver les idées de business pour le futur de la société.
Mais j’ai eu envie d’un univers avec plus de créativité et j’ai rejoint ensuite le milieu du prêt-à-porter en intégrant Petit Bateau en 2001 ; je n’ai alors plus jamais quitté le domaine du textile. J’avais un job de rêve, puisque j’étais chargée d’adapter notre stratégie marketing aux spécificités locales des marchés internationaux.
Je me suis mise par exemple au Japonais et j’ai pris des cours de culture japonaise, pour mieux comprendre leur mode de fonctionnement et pouvoir déployer les stratégies dans les filiales. J’ai travaillé aux États-Unis avec « un genre de Woody Allen » de l’étude de marché. En voyageant, j’ai réalisé l’importance grandissante de la vente à distance et Petit Bateau m’a donné la possibilité de créer cette nouvelle filière. J’ai donc travaillé sur les sites ecommerce pour le Japon, et l’Allemagne et les États-Unis. Je je suis partie faire des catalogues en Afrique du Sud où j’ai côtoyé le monde artistique de création avec les stylistes, les photographes, etc. Ce mélange de culture me passionne, parce qu’il est également dans mes gènes avec une maman allemande et un papa hongrois.
J’ai ensuite été recrutée pour être directrice marketing France et internationale chez Naf Naf. Après les machines à laver et les petites culottes, je me suis retrouvée dans l’univers du prêt-à-porter Femmes. J’avais la trentaine, j’étais au comité de direction et je gérais une équipe de 20 personnes. Nous étions en charge de l’ensemble du marketing, des vitrines, des produits, des campagnes de communication, de la stratégie et du positionnement de la marque… Cette expérience a sûrement semé des graines qui ont fleuri plus tard quand j’ai décidé de créer mon propre univers.
On a ensuite choisi avec mon mari de descendre dans le sud de la France, car il est originaire de la région. Je n’ai pas eu à réfléchir longtemps, puisque Carnet de Vol, marque de prêt à porter homme cherchait une directrice marketing au siège social à Carros. C’était une plus petite structure que celles pour lesquelles j’ai travaillé dans le passé et j’ai été heureuse de me replonger dans l’opérationnel. J’ai façonné la notoriété de la marque et j’ai fait un partenariat notamment avec Camille Lacourt, le champion du monde de natation. Cette expérience m’a permis de m’immerger dans l’univers du sponsoring sportif. Toutes ces expériences ont dû nourrir une envie latente.
Comment est venue l’idée de Noliju ?
Arrivée dans le sud de la France, je me suis prise de passion pour le running. J’ai commencé par quelques 10 km, puis un semi et j’ai préparé mon premier marathon. J’ai eu le déclic quand mon fils, venu me soutenir lors d’une course, m’a innocemment demandé pourquoi je me déguisais pour courir ? Pourquoi je ne pouvais pas simplement rester la même que d’habitude et tirer un trait sur mon style pour mes séances de running ?
J’ai eu envie de faire quelque chose de plus élégant tout en travaillant avec un sourcing proche, 100 % Europe pour la confection et les tissus pour la qualité et la technicité : France, Italie, Portugal.
Au bout de 3 mois de recherche, animée d’une force et d’une énergie incroyable je décide de négocier mon départ en 2015 et de créer ma marque.
J’ai collaboré avec une styliste modéliste britannique et ma 1re collection été est sortie en 2016 il y a 6 ans maintenant. C’est une marque digitale, pour « les championnes du quotidien » qui courent dans tous les sens. J’ai commencé toute seule avec une bonne organisation. J’ai fait rapidement mon business plan et je me suis entourée, en participant à une formation sur la création d’entreprise, à l’IRCE. J’y ai rencontré des professionnels une fois par semaine pendant 2 mois. J’ai pitché ensuite au CEEI et j’y ai installé mon premier bureau en février 2016. J’ai démarré avec un site e-commerce et après 3 ans j’ai mis en place un nouveau mode de commercialisation avec des préventes mensuelles. Il faut savoir que dans le textile nous avons un fort besoin en fonds de roulement. C’est pour cela que ce mode de vente est très intéressant, mais en réalité je travaille quand même sur 2 collections par an afin de renouveler notre offre et répondre aux demandes de nos partenaires distributeurs.
J’ai fait une levée de fonds l’été dernier pour développer la présence de la marque et nous sommes maintenant 7 avec une équipe commerciale et une dans le digital. Mon associé s’occupe du business développement. Il a une carrière dans l’univers du sport et nous permet de structurer la distribution de la marque en B2B. La notoriété doit passer aussi par plus de visibilité. La plupart des femmes ont encore besoin de toucher et d’essayer les produits textiles. C’est pour cela que j’ai fait quelques partenariats avec des boutiques physiques comme avec Cap 3000 et d’autres Pop-up stores en France et à l’international.
Quels sont tes prochains challenges ?
C’est tout d’abord de franchir l’étape du développement B2B. Nous voulons également étendre la présence à l’international grâce à la valeur de la marque française.
Quelles sont les personnes qui t’ont inspirées dans ta carrière ?
Mon papa avait ouvert une filiale d’une boite américaine dans le domaine de la finance et mon frère a créé une entreprise aux États-Unis. Leurs 2 expériences ont sûrement fait germer inconsciemment cette envie d’entreprendre.
La personnalité qui m’a donné des ailes c’est Vincent Huguenin, mon ami de cœur qui est parti cette année, trop tôt. C’était le PDG de Petit Bateau quand j’y étais. Il avait cette triple compétence, celle de gérer l’humain, d’être un visionnaire et également un financier. Il avait réinventé Petit Bateau qui était à l’époque à l’instar de Jacadi une marque devenue classique et quelque peu vieillissante. Il avait eu l’idée de repositionner la marque sur l’impertinence des enfants en rajoutant de la gaieté et de l’humanité. Il m’a donné la confiance et l’envie d’entreprendre, en me permettant de développer une expérience professionnelle passionnante, très tôt dans ma carrière. Il avait poursuivi sa carrière en tant que DG chez Kenzo et puis chez Hermes et avait suivi mon aventure entrepreneuriale depuis le début et est toujours resté un ami. Il va beaucoup me manquer,
Aurais-tu un livre à nous conseiller ?
C’est difficile de choisir, mais j’en conseillerais trois : tout d’abord la biographie de Jeff Bezos de Brad Stone. C’est l’histoire de la croissance sans précédent d’Amazon et de son fondateur : la réussite commerciale la plus importante de notre époque.
Le deuxième est « Petit pays », un roman partiellement autobiographique publié par Gaël Faye. C’est un témoignage poignant autour d’un des génocides du XXe siècle : celui du Rwanda, lors duquel les Hutus massacrèrent des Tutsis.
Le dernier est un livre de développement personnel, les quatre accords toltèques de Miguel Ruis. Il propose de nous libérer de la pression et nous explique comment les sociétés contemporaines nourrissent les corps et les esprits par la peur du lendemain et limitent ainsi nos facultés à percevoir le sentiment de liberté.
En conclusion aurais-tu une devise ou un mantra ?
« Il n’y a pas de barrières, mises à part celles que l’on se fixe nous-même », « No limit just U ».
A propos de l’auteur : Pascale Caron est membre du comité de MWF Institute et spécialiste de la technologie dans le domaine de la santé. Elle est CEO de la société Yunova Pharma, implantée depuis 2020 à Monaco et commercialise des compléments alimentaires dans la Neurologie.
Pascale est également directrice de rédaction de Sowl-initiative.
[Parfum] Marque alternative
Interview de Virginie Dhoye, fondatrice de Onskad Fragances,
By Pascale Caron
Virginie Dhoye est une professionnelle passionnée de l’industrie du parfum depuis une vingtaine d’années. Dotée d’une expertise française et d’une expérience internationale, elle a évolué dans l’univers de la formation olfactive pour des maisons prestigieuses. Elle a travaillé également dans la conception d’empreintes olfactives dédiées à des événements. C’est une amoureuse de la belle parfumerie vintage, sensible à l’architecture, à l’art de vivre et à la mode. Début 2021 elle a fondé Onskad Fragances, une marque de parfums attentionnée aux détails, pensée et fabriquée en France.
Peux-tu nous parler de ton parcours dans l’industrie du parfum ?
J’ai fait mes études à l’ISIPCA, école des métiers du parfum, du cosmétique et des arômes, et à cinquième sens. J’ai démarré ma carrière pour, Yves St Laurent, Chanel, Hermès, dans le secteur de la formation du personnel de vente. J’officiais dans des boutiques en propres, corners de grands magasins, points de vente dans toute la France. Ma contribution était technique : j’apportais une plus-value aux vendeurs. Mon mari et moi avons ensuite décidé d’immigrer au Canada, une aventure qui a duré 16 ans. Il était dépositaire d’un brevet de panneaux publicitaires et moi j’ai travaillé pour une division du groupe L’Oréal : toujours dans la formation auprès de marques comme Biotherm, Lancôme et Vichy. Quand j’ai eu mes enfants, j’ai eu envie de créer ma propre entreprise. Je me suis lancée dans les identités olfactives pour les hôtels et les événements. Je proposais mes services sur mesure aux boutiques hôtels, ou autres lieux élitistes. J’évaluais la cible, la tendance et l’impact et je faisais appel à un Labo pour la réalisation. Le client pouvait repartir avec l’ambiance olfactive sous forme de bougie ou de parfum afin de revivre l’expérience. Après cette aventure canadienne, nous avons décidé de rentrer en France et j’ai poursuivi mon activité jusqu’en 2020.
De retour en France, Chanel m’a proposé de travailler pour eux en parallèle en freelance : c’est la société que j’affectionne le plus, j’aime leur humanité et l’image de la marque.
Qu’est-ce qui t’a amenée à concevoir ta propre marque de parfums ?
L’idée de créer ma marque trottait depuis quelque temps dans un coin de ma tête : je savais qu’un jour je sauterais le pas. La pandémie a été pour moi un arrêt de mes activités et en même temps un déclencheur : « J’y vais, go, je me lance ».
D’où vient Onskad ?
J’avais rêvé de l’univers dans lequel je désirais évoluer, mais pas le nom de marque. Ça a été très facile et compliqué à la fois. Je suis une amoureuse inconditionnelle de la Scandinavie, il m’a suffi d’une combinaison de syllabes. Elles m’ont subjuguée par leur vision esthétique ; j’ai eu une intuition. Je voulais une marque à contrecourant, ultra moderne avec une féminité exacerbée et ce mot inconnu pour moi y répondait. Alors que je ne parle pas le suédois, j’ai demandé à une amie de traduire ce mot et elle m’a répliqué, « c’est le désir de recevoir quelque chose et la concrétisation d’un rêve ». Onskad est donc venu comme une évidence.
Comment faire sa place dans un environnement déjà très codifié avec des poids lourds incontournables ?
Actuellement, les grandes marques ne créent plus de fragrances originales, elles déclinent un parfum existant pour parler par exemple à une clientèle plus jeune.
Dans les années 2000, certains consommateurs ont cherché de nouvelles marques, pour ne pas sentir « comme tout le monde ». La parfumerie alternative a émergé. Une des plus belles success-stories est Atelier Cologne ou les éditions Frédéric Malle qui mettent en lumière les véritables artistes : les parfumeurs. C’est un courant qui correspond plus à cette nouvelle clientèle à la recherche d’un élixir presque unique. En France, il existe maintenant environ 1000 marques alternatives.
Mais comment vas-tu te démarquer ?
Je veux que cette marque soit plus secrète, plus intimiste et un petit peu cachée : cela semble paradoxal dans le monde des réseaux sociaux. Je privilégie le circuit de distribution : les concept-stores élitistes, les revendeurs qui choisissent leurs marques. En tant que professionnelle du secteur, je fais jouer mon carnet d’adresses.
Je suis également partenaire avec Perfumist, une startup de la région qui a bien grandi. Elle est disponible gratuitement sur Android et iOS, se présente comme un conseiller virtuel afin de dénicher le parfum qui vous convient. Il me permet d’avoir une visibilité sur 240 pays dans le monde.
Parle-nous de tes créations.
Onskad est influencé par l’univers de la mode, le lifestyle et le savoir-vivre à la française. Nos trois premiers sillages contemporains ont été imaginés par Léa Hiram, diplômée du « Grasse Institute of Perfumery », une magicienne qui a répondu avec brio à mon brief très exigeant de 300 pages. Ils ont avec une architecture atypique et contemplative, telle une parure à porter sur soi. On les voit, on les sent et on vit avec. Ils sont multidimensionnels, car ce sont des parfums qui ne s’effacent pas. Ils ont une empreinte qui croit, plus on les porte dans la journée.
Ce sont des objets de désirs olfactifs, avec des illustrations iconiques avant-gardistes et intemporelles de Monica Lind, une artiste suédoise de renommée mondiale. Ils sont comme de réels déclencheurs de flashback fantasmés : nous convoitons l’effet de surprise subliminal du jamais senti.
Notre première collection « rétrospective » est une renaissance de trois périodes qui me sont chères. Les trois parfums nous invitent à une « luxpérience » de l’art de vivre des années 30’, 50’ et 80’. On est parties d’une quête anthropologique olfactive autour de mes années coups de cœur. Nous sommes allées très loin dans notre étude, jusqu’à rencontrer Thomas Fontaine, président de l’Osmothèque à Versailles et ancien parfumeur maison de Jean Patou. Nous voulions vivre une réelle immersion dans l’entourage des trésors olfactifs archivés et les parfums disparus des époques qui nous concernaient. Depuis 1990, l’Osmothèque remplit la mission unique au monde de « conservatoire international des parfums », abritant créations récentes, et formules historiques.
Quels sont tes prochains challenges ?
L’accélération du lancement de notre marque occupe toutes mes pensées. Nous allons sous peu être revendus au luxembourg. Nous serons implantés en Scandinavie en mars 2022 et dans les pays du Moyen-Orient.
Quelles sont les personnes qui t’inspirent ?
J’ai deux femmes. La 1re est Anna Wintour, rédactrice en chef du Vogue américain. Avec sa coupe au carré, ses lunettes de soleil et son air hautain, elle est facilement reconnaissable. Toute puissante dans le monde de la mode, elle impose ses tendances. Son triomphe dans ce monde si superficiel m’impressionne : elle vit et marque de son empreinte les tendances de demain.
La 2e est Gabrielle Chanel. Une femme audacieuse qui a été actrice de sa réussite en ayant le culot de pénétrer à cette époque un milieu qui n’était pas le sien. J’aurais aimé la connaitre. J’ai eu la chance de visiter son appartement quand j’étais chez Chanel. Son empreinte y est encore très présente. Elle a créé une mode intemporelle.
Aurais-tu un livre à nous conseiller ?
Je suis une grande lectrice, généralement des livres sur le parfum. J’ai un livre que je pourrais relire 100 fois : c’est « Le Jeu de la vie », écrit par l’Américaine Florence Scovel Shinn. Ce livre m’a permis de me réconcilier avec moi-même et me dire « tu es capable, tu peux y arriver ».
En conclusion aurais-tu une devise ou un mantra ?
« Le parfum est une histoire d’amour avec soi-même, il est le prolongement obligé de la féminitude ». C’est une phrase que j’ai recomposée et qui résume bien mon univers. Un parfum c’est un « pschitt de confiance », l’équivalent du bâton de rouge à lèvres pour certaines.