Interview de Virginie Dhoye, fondatrice de Onskad Fragances,

By Pascale Caron

Virginie Dhoye est une professionnelle passionnée de l’industrie du parfum depuis une vingtaine d’années. Dotée d’une expertise française et d’une expérience internationale, elle a évolué dans l’univers de la formation olfactive pour des maisons prestigieuses. Elle a travaillé également dans la conception d’empreintes olfactives dédiées à des événements. C’est une amoureuse de la belle parfumerie vintage, sensible à l’architecture, à l’art de vivre et à la mode. Début 2021 elle a fondé Onskad Fragances, une marque de parfums attentionnée aux détails, pensée et fabriquée en France.

 

 

Peux-tu nous parler de ton parcours dans l’industrie du parfum ?

 J’ai fait mes études à l’ISIPCA, école des métiers du parfum, du cosmétique et des arômes, et à cinquième sens. J’ai démarré ma carrière pour, Yves St Laurent, Chanel, Hermès, dans le secteur de la formation du personnel de vente. J’officiais dans des boutiques en propres, corners de grands magasins, points de vente dans toute la France. Ma contribution était technique : j’apportais une plus-value aux vendeurs. Mon mari et moi avons ensuite décidé d’immigrer au Canada, une aventure qui a duré 16 ans. Il était dépositaire d’un brevet de panneaux publicitaires et moi j’ai travaillé pour une division du groupe L’Oréal : toujours dans la formation auprès de marques comme Biotherm, Lancôme et Vichy. Quand j’ai eu mes enfants, j’ai eu envie de créer ma propre entreprise. Je me suis lancée dans les identités olfactives pour les hôtels et les événements. Je proposais mes services sur mesure aux boutiques hôtels, ou autres lieux élitistes. J’évaluais la cible, la tendance et l’impact et je faisais appel à un Labo pour la réalisation. Le client pouvait repartir avec l’ambiance olfactive sous forme de bougie ou de parfum afin de revivre l’expérience. Après cette aventure canadienne, nous avons décidé de rentrer en France et j’ai poursuivi mon activité jusqu’en 2020.

De retour en France, Chanel m’a proposé de travailler pour eux en parallèle en freelance : c’est la société que j’affectionne le plus, j’aime leur humanité et l’image de la marque.

 

Qu’est-ce qui t’a amenée à concevoir ta propre marque de parfums ?

L’idée de créer ma marque trottait depuis quelque temps dans un coin de ma tête : je savais qu’un jour je sauterais le pas. La pandémie a été pour moi un arrêt de mes activités et en même temps un déclencheur : « J’y vais, go, je me lance ».

D’où vient Onskad ?

J’avais rêvé de l’univers dans lequel je désirais évoluer, mais pas le nom de marque. Ça a été très facile et compliqué à la fois. Je suis une amoureuse inconditionnelle de la Scandinavie, il m’a suffi d’une combinaison de syllabes. Elles m’ont subjuguée par leur vision esthétique ; j’ai eu une intuition. Je voulais une marque à contrecourant, ultra moderne avec une féminité exacerbée et ce mot inconnu pour moi y répondait. Alors que je ne parle pas le suédois, j’ai demandé à une amie de traduire ce mot et elle m’a répliqué, « c’est le désir de recevoir quelque chose et la concrétisation d’un rêve ». Onskad est donc venu comme une évidence.

 

 Comment faire sa place dans un environnement déjà très codifié avec des poids lourds incontournables ?

Actuellement, les grandes marques ne créent plus de fragrances originales, elles déclinent un parfum existant pour parler par exemple à une clientèle plus jeune.

Dans les années 2000, certains consommateurs ont cherché de nouvelles marques, pour ne pas sentir « comme tout le monde ». La parfumerie alternative a émergé. Une des plus belles success-stories est Atelier Cologne ou les éditions Frédéric Malle qui mettent en lumière les véritables artistes : les parfumeurs. C’est un courant qui correspond plus à cette nouvelle clientèle à la recherche d’un élixir presque unique. En France, il existe maintenant environ 1000 marques alternatives.

 

Mais comment vas-tu te démarquer ?

Je veux que cette marque soit plus secrète, plus intimiste et un petit peu cachée : cela semble paradoxal dans le monde des réseaux sociaux. Je privilégie le circuit de distribution : les concept-stores élitistes, les revendeurs qui choisissent leurs marques. En tant que professionnelle du secteur, je fais jouer mon carnet d’adresses.

Je suis également partenaire avec Perfumist, une startup de la région qui a bien grandi. Elle est disponible gratuitement sur Android et iOS, se présente comme un conseiller virtuel afin de dénicher le parfum qui vous convient. Il me permet d’avoir une visibilité sur 240 pays dans le monde.

 

Parle-nous de tes créations.

Onskad est influencé par l’univers de la mode, le lifestyle et le savoir-vivre à la française. Nos trois premiers sillages contemporains ont été imaginés par Léa Hiram, diplômée du « Grasse Institute of Perfumery », une magicienne qui a répondu avec brio à mon brief très exigeant de 300 pages. Ils ont avec une architecture atypique et contemplative, telle une parure à porter sur soi. On les voit, on les sent et on vit avec. Ils sont multidimensionnels, car ce sont des parfums qui ne s’effacent pas. Ils ont une empreinte qui croit, plus on les porte dans la journée.

Ce sont des objets de désirs olfactifs, avec des illustrations iconiques avant-gardistes et intemporelles de Monica Lind, une artiste suédoise de renommée mondiale. Ils sont comme de réels déclencheurs de flashback fantasmés : nous convoitons l’effet de surprise subliminal du jamais senti.

Notre première collection « rétrospective » est une renaissance de trois périodes qui me sont chères. Les trois parfums nous invitent à une « luxpérience » de l’art de vivre des années 30’, 50’ et 80’. On est parties d’une quête anthropologique olfactive autour de mes années coups de cœur. Nous sommes allées très loin dans notre étude, jusqu’à rencontrer Thomas Fontaine, président de l’Osmothèque à Versailles et ancien parfumeur maison de Jean Patou. Nous voulions vivre une réelle immersion dans l’entourage des trésors olfactifs archivés et les parfums disparus des époques qui nous concernaient. Depuis 1990, l’Osmothèque remplit la mission unique au monde de « conservatoire international des parfums », abritant créations récentes, et formules historiques.

 

 Quels sont tes prochains challenges ?

L’accélération du lancement de notre marque occupe toutes mes pensées. Nous allons sous peu être revendus au luxembourg. Nous serons implantés en Scandinavie en mars 2022 et dans les pays du Moyen-Orient.

 

Quelles sont les personnes qui t’inspirent ?

J’ai deux femmes. La 1re est Anna Wintour, rédactrice en chef du Vogue américain. Avec sa coupe au carré, ses lunettes de soleil et son air hautain, elle est facilement reconnaissable. Toute puissante dans le monde de la mode, elle impose ses tendances. Son triomphe dans ce monde si superficiel m’impressionne : elle vit et marque de son empreinte les tendances de demain.

La 2e est Gabrielle Chanel. Une femme audacieuse qui a été actrice de sa réussite en ayant le culot de pénétrer à cette époque un milieu qui n’était pas le sien. J’aurais aimé la connaitre. J’ai eu la chance de visiter son appartement quand j’étais chez Chanel. Son empreinte y est encore très présente. Elle a créé une mode intemporelle.

 

Aurais-tu un livre à nous conseiller ?

Je suis une grande lectrice, généralement des livres sur le parfum. J’ai un livre que je pourrais relire 100 fois : c’est « Le Jeu de la vie », écrit par l’Américaine Florence Scovel Shinn. Ce livre m’a permis de me réconcilier avec moi-même et me dire « tu es capable, tu peux y arriver ».

 

En conclusion aurais-tu une devise ou un mantra ?

« Le parfum est une histoire d’amour avec soi-même, il est le prolongement obligé de la féminitude ». C’est une phrase que j’ai recomposée et qui résume bien mon univers. Un parfum c’est un « pschitt de confiance », l’équivalent du bâton de rouge à lèvres pour certaines.