[Startup] Location accessible

Interview de Karima KERKOUB, fondatrice de la société Lilee et Présidente de l’association « Partageons Ensemble 34 ».

By Pascale Caron.

Mère solo de 5 enfants, bénévole dans des maraudes elle est très impliquée au sein de la ville de Montpellier. Elle a créé la startup Lilee qui facilite la location de vacances pour les personnes à mobilité réduite.

J’ai fait la connaissance de Karima lors d’un comité Initiative remarquable, et nous lui avions délivré le label. Son énergie à faire bouger les lignes m’a conquise, et c’est pour cela que j’ai voulu vous la présenter.

 

Peux-tu nous parler de ton parcours ?

Je suis issue d’une fratrie de 12 enfants. Nous étions entourés de l’amour de nos parents. Tout s’est malheureusement écroulé quand, à la suite d’un accident de chantier, mon père a reçu une barre sur la tête et a perdu l’esprit. S’il était toujours là physiquement, il n’était plus capable de travailler et de subvenir aux besoins d’une si grande famille. Ma mère s’est retrouvée submergée et n’arrivait plus à gérer. Les services sociaux ont décidé alors de retirer la garde des 4 petits à mes parents. J’ai donc été placée en foyer, à 4 h de route de ma ville natale. Un midi après l’école, j’ai été littéralement arrachée à ma famille, sans aucune possibilité de rentrer en contact avec eux.

Je ne comprenais pas ce qui m’arrivait, et j’ai vécu l’enfer de ce placement : j’ai été maltraitée. C’était la première fois qu’on levait la main sur moi et j’étais révoltée, ce qui aggravait mon cas. J’ai donc connu les épreuves et la galère à 11 ans, je peux vous dire que ça vous forge un caractère de battante !

J’ai pu quitter ce foyer 4 ans après, à 15 ans, pour me rapprocher de ma famille à Grenoble. Cet établissement-là était complètement différent : on était encadrés, on ne subissait aucune violence et on participait à des activités ! J’ai pu profiter de ma mère pendant 1 an seulement, car elle est malheureusement décédée.

Je me suis donc retrouvée à 18 ans dehors, hébergée tout d’abord chez ma sœur. J’ai enchaîné les petits boulots et au bout d’un certain temps j’ai atterri dans la rue. Un matin dans un foyer de sans-abris, une femme âgée m’a secouée en me disant « petite, l’avenir appartient à celui qui se lève-tôt, secoue-toi ». J’ai décidé de me prendre en main : j’ai signé un contrat jeune majeur et je suis partie faire une formation à Romans-sur-Isère, où j’ai rencontré mon mari.

J’élève mes 5 enfants seule. Je n’ai jamais baissé les bras, et je remercie les services sociaux, le service d’aide aux femmes victimes de violences et les organismes d’aide alimentaire qui m’ont permis de passer ces caps difficiles.

En 2018 j’ai créé l’association « Partageons Ensemble 34 », afin d’établir des liens entre les habitants de mon quartier Boutonnet à la Paillade/La Mosson à Montpellier et d’encourager la mixité. Nous organisons des activités sportives pour les femmes, des cours d’éloquence, du soutien scolaire, la fête des voisins, les actions de nettoyage du quartier. Nous avons également un atelier d’écrivain public. Nous sommes 4 animateurs et 28 adhérents. Je me suis acheté récemment un vélo électrique et j’ai le projet d’apprendre aux femmes à faire du vélo. Je me suis investie dans la campagne du maire actuel, j’étais sur sa liste en non éligible.

Comment es-tu devenue entrepreneure ?

L’aventure entrepreneuriale a germé quand j’ai rencontré « les déterminés ». Cette association a été fondée par Moussa CAMARA en 2015. L’association propose un accompagnement pour les futurs entrepreneurs issus des quartiers populaires et milieux ruraux. Je leur dois beaucoup. Moussa est un homme merveilleux et très inspirant. Il a déjà aidé au développement de près de 800 entreprises. Il travaille également avec pas mal de contacts, partenaires très connus et son carnet d’adresses nous ouvre les portes.

À 45 ans, j’ai décidé de prendre mon destin en main. Je ne suis pas opportuniste, mais j’ai su montrer avec mon expérience passée que je suis résiliente. Les épreuves de la vie m’ont fait telle que je suis.

J’ai donc réfléchi à un projet et il est arrivé à moi comme une évidence. Il est issu de mon histoire personnelle. L’année dernière, mon oncle, ma tante et leur fils en fauteuil voulaient venir en vacances, chez moi à Montpellier. Mon logement n’était pas accessible, car j’habite au premier étage sans ascenseur. J’ai dû chercher un appartement adapté à un handicap. J’ai pu me rendre compte que l’offre n’était pas appropriée : trop cher avec aucune garantie que les logements soient aux normes PMR. Impossible donc, pour une personne à mobilité réduite , de rendre visite à sa famille ou un ami comme tout le monde. Lilee est né de ce constat : créer un site où les logements seront vérifiés et mis en ligne pour les personnes à mobilité réduite pour passer des vacances en toute sécurité et sérénité. Nous permettrons aux personnes qui veulent louer ou vendre leurs biens de poster des annonces. La plateforme sera au service des PMR, et des sites touristiques.

Le site est actuellement en cours de finalisation. Le lancement est prévu pour octobre. Il est développé par Mad impact à Lyon, encore une belle rencontre.

Les « Deter » comme on s’appelle, m’ont appris l’entrepreneuriat, j’ai suivi leur formation et j’ai utilisé mon réseau. De fil en aiguille j’ai candidaté à la French Tech. Lauréate, j’ai bénéficié d’une bourse ce qui m’a permis de recruter un alternant en situation de handicap. J’ai été également lauréate de France active et les Essenti’elles, accompagnée par la merveilleuse coache Fatima EL MRABTI.

J’ai pu participer à « Women Future » avec la Tribune lors d’une table ronde sur « L’ambition des femmes au cœur des métiers du futur », partenaire des Déterminés.

Pour terminer je suis encadrée par les « entrepreneurs affranchis », une très belle équipe. Ils vont organiser un boot camp au Maroc en octobre et j’y assisterais après avoir été sélectionnée sur candidature.

 

Quel parcours incroyable ! Quelles sont les personnes qui-t-on inspirées ?

Tout d’abord mes Parents avant tout, à qui je dois tout, paix à leur âme.

Je pense à Gisèle Halimi, qui a combattu toute sa vie en tant qu’avocate, politicienne et fervente féministe

Je citerais une jeune femme qui m’inspire et que j’ai invitée lors d’une conférence de notre association : Nora Lakheal. C’est la première femme, issue de l’immigration membre de l’antiterrorisme en France. Elle est un modèle pour les filles des quartiers, une agente d’élite exceptionnelle.

 

Quels sont tes prochains challenges ?

Bien sûr c'est de développer ma société et de réussir le lancement. J’ai également pour projet d’ouvrir un café des femmes à la Mosson afin de les aider vers le chemin de la réinsertion. Leur donner confiance en elles, cela passe par des soins esthétiques, apprendre à cuisiner, les soutenir sur l’éducation des enfants. Dans le quartier il y a 16 % de femmes seules avec enfants.

Je suis aussi entrain d’écrire une biographie avec une écrivaine publique qui a beaucoup de talent, Daouya AMINI. Elle mérite d’être reconnue.

 

Pour finir, aurais-tu une devise ou un mantra ?

C’est une citation de Mohamed Ali « Vole comme un papillon, mais pique comme une abeille ».

 

À méditer…

A propos de l’auteur : Pascale Caron, membre du bureau MWF Institute est CEO de la société Yunova Pharma, implantée depuis 2020 à Monaco et commercialise des compléments alimentaires dans la Neurologie. Pascale est également directrice de rédaction de Sowl-initiative.


[Femtech] Startup

Interview de Marine Wetzel co-fondatrice de Imana.care.

Marine a fait partie de l’équipe qui a lancé Station F. Elle a ensuite créé le programme d’incubation où elle a accompagné plus de 800 entrepreneurs tech dans tous types d’industries. Elle a été également à l’initiative de la FemTech au sein de Station F, dédié aux startups dans la santé de la femme, et conçu l’initiative FemTech pour le collectif Sista.

Avec Shiraz Mahfoudhi, elle a fondé Imana care, qui offre une solution digitale destinée à aider les femmes souffrant de déséquilibres hormonaux à réduire leurs symptômes de manière holistique.

Elles proposent des programmes personnalisés pour adapter son mode de vie, en fonction de sa pathologie, pour diminuer ses symptômes hormonaux. Ces programmes sont basés sur des études cliniques et conçus avec des médecins et praticiens de santé spécialisés. Ils reposent sur 3 piliers principaux : nutrition, exercice physique et santé mentale. Imana care permet parallèlement aux femmes d’accéder à une communauté de confiance pour qu’elles puissent échanger entre elles, et questionner directement des experts médicaux. Imana care est listée dans les 20 startups prometteuses de 2022 d’Eldorado.co.

Peux-tu nous parler de ton parcours ?

Je viens d’une famille d’entrepreneurs. Je savais au fond de moi que je monterais mon propre business un jour. En dernière année d’étude, j’ai tout d’abord rencontré 3 associés avec qui nous avons fondé une première startup. J’ai dû renoncer au projet au bout de 8 mois. Si sur le papier nous étions complémentaires, j’ai appris que l’association peut être délicate. Au même moment Station F se lançait, ce qui coïncidait avec la fin de mon master Entrepreneur. À l’époque j’avais pour projet de partir en voyage « backpack » avec ma sœur, mais cette opportunité était trop attrayante. Mes années chez Station F ont été une expérience incroyable. Nous avions pour mission de faire rayonner la France en tant que leader de l’innovation et de la Tech dans le monde ! Cette dimension internationale me grisait. C’était une aventure intrapreneuriale, surtout la 1re année, car tout était à construire. J’ai par la suite piloté les programmes d’accompagnement des entrepreneurs que l’on gérait en direct. Au bout de 3 ans, je commençais à avoir des fourmis dans les jambes. Je me passionnais déjà pour les sujets Femtech : un marché qui est estimé à près de 1000 milliards de dollars d’ici 2027 ! J’ai profité de l’écosystème incroyable de station F afin d’interviewer une multitude d’acteurs, et de comprendre comment faire la différence dans cette industrie. J’ai analysé les problématiques, et proposé un programme d’accompagnement pour les Femtechs à Roxanne la directrice. Le concept a séduit et nous avons entamé un premier pilote début 2021. Devant le succès rencontré, le programme a été relancé en septembre dernier et nous faisons maintenant partie des incubées avec Imana care.

 Où en êtes-vous dans le développement de votre activité ?

Nous avons démarré en mai 2021 avec une première pathologie : le Syndrome des Ovaires polykystiques (SOPK). Notre ambition est de devenir le compagnon quotidien des femmes afin de les accompagner dans leurs déséquilibres hormonaux. Que ce soit le SOPK, qui touche 10 % des femmes en âge de procréer, ou encore l’endométriose, le syndrome prémenstruel ou la ménopause, il y a beaucoup à faire. On considère donc que toutes les femmes souffrent d’au moins d’une perturbation hormonale à un moment de leur vie. Quand on pense par exemple qu’elles passent en moyenne entre 30 et 40 % de leur existence ménopausée, c’est énorme !

Imana care se base sur des études cliniques ayant montré l’impact du mode de vie dans le cas de la pathologie SOPK. Notre application est conçue avec la collaboration de médecins et d’experts du domaine. Nous avons lancé notre premier produit en « No Code », créé notre premier programme avec un comité de praticiennes de santé, et 37 utilisatrices. Nous voulions prouver que la santé en B2C pouvait intéresser les femmes et mesurer l’efficacité du programme en temps réel : l’essai est transformé. Avec ce premier programme, notre but est de mettre en pratique les résultats de ces études et sortir ces femmes de leur isolement en échangeant sur la plateforme.

Quels sont tes prochains challenges ?

Nos étapes à venir sont d’incorporer un CTO dans l’équipe d’associés, de structurer le board médical constitué pour du long terme et de passer à l’échelle ce que nous avons développé.

Notre vision à terme est de devenir une plateforme de santé référente pour les femmes proposant une approche complète, holistique et communautaire.

 Quelles sont les personnes qui t’inspirent ?

La première qui me vient à l’esprit c’est Sheryl Sandberg pour le côté pro, mais aussi perso. C’est une femme d’affaires et une militante féministe américaine incroyable qui a su pousser les portes fermées. Elle est l’actuelle directrice des opérations (COO) de Facebook.

Quand j’étais encore étudiante, j’ai pu assister à une intervention de Ludovic Huraux, le CEO et fondateur de Shapr et également le co-fondateur d’Attractive World. Son discours très inspirant avait résonné en moi, j’avais l’impression de me voir. Il expliquait comment il avait lancé sa 1re boite. À l’époque il avait 1000 idées dont il parlait à ses amis sans passer le pas de l’entrepreneuriat. Je me suis retrouvée dans son parcours. C’est peut-être grâce à son intervention que je me suis lancée même si j’en avais peur : en me disant que si ça ne marche pas j’aurais surtout beaucoup appris.

Aurais-tu un livre à nous conseiller ?

Dans le sujet des Femtechs, je recommande « Femmes invisibles » ; tout au long de cette enquête, Caroline Criado Perez montre que les femmes sont tout simplement absentes de la majorité des études statistiques, au détriment de leur santé et de leur sécurité.

Sinon je pense à « Et soudain la liberté », un roman autobiographique d’Évelyne Pisier, une personnalité incroyable, dont le livre a été terminé par son éditrice suite à son décès. Cette histoire surprenante fait d’elle une réelle héroïne de roman d’aventure. On y croise des personnes aussi célèbres que Fidel Castro ou Bernard Kouchner, et bien d’autres !
En filigrane de ce récit mouvementé, qui débute dans les geôles indochinoises, et se poursuit en France, en Nouvelle-Calédonie, ou à Cuba, se dessine le parcours atypique d’une future militante féministe. C’est un livre que m’avait offert une amie et qui fait maintenant partie de ceux que je recommande le plus !

 En conclusion aurais-tu une devise ou un mantra ?

« Le but est dans le chemin ». Le plus important c’est de prendre du plaisir dans son quotidien, plus encore que la finalité ultime.

À méditer