[Soft] Skills
Entretien avec Solenne Bocquillon-Le Goaziou, fondatrice, et CEO de Soft Kids.
By Pascale Caron.
Solenne possède un master RH de l’Université Paris Panthéon-Sorbonne 1. Elle a plus de 15 ans d’expérience dans les ressources humaines, dont 10 ans à l’international. Elle a démarré sa carrière dans les groupes français Printemps et Crédit Agricole avant d’entrer chez Shell en 2005. En 2013 elle a géré la stratégie RH d’une des entités de Shell de 15 000 collaborateurs à travers le monde. En février 2019, à la suite d’une restructuration, elle quitte Shell et intègre HEC Challenge+ à destination des créateurs de startups.
En avril 2020, l’application Soft Kids sort sur les stores, avec un premier programme pour cultiver la confiance en soi.
Qu’est-ce qui t’a amenée à te lancer dans l’entrepreneuriat ?
Je pense que mon parcours professionnel y est pour beaucoup. Quand j’ai rejoint Shell, un groupe anglo-néerlandais, j’ai découvert une culture d’entreprise où les softs skills étaient plus importants que les diplômes. Généralement dans une grosse société française équivalente, tu rentres sur le classement de ton école et ta carrière est alors toute tracée. Dans cette société en revanche, on favorisait la pensée critique et ta progression pouvait être accélérée en fonction de ta personnalité. J’ai un passif dans les associations et j’ai œuvré pendant 3 ans au niveau national pour l’association « promotion et défense des étudiants ». Cela m’a permis de négocier directement avec les ministères dirigés par des personnalités comme F.Fillon, G.De Robien et L.Ferry et aussi d’être auditionnée au Sénat. Cette expérience m’a permis d’acquérir des softs skills qui ont été déterminants dans l’accélération de ma carrière chez Shell !
Je me suis sentie très à l’aise dans cette équipe internationale. Mes managers hollandais, américains et singapouriens ont laissé mes ailes se déployer et j’ai innové en créant par exemple le premier programme d’accompagnement de Startup chez Shell.
Mais l’envie d’entreprendre était la plus forte. Dans mon enfance mon père a été un exemple entrepreneurial, car il était dirigeant de société. J’ai toujours su depuis toute petite que je deviendrais dirigeante d’entreprise : mais je voulais avoir un impact sur la société, il me fallait une idée. Le déclic vient en 2017, quand on me confie une mission sur les compétences du futur et les métiers de demain. Je réalise que 85 % des professions de 2030 n’existent pas encore, et je prends conscience du fait que les compétences d’aujourd’hui ne sont pas suffisantes pour s’adapter au monde de demain. La solution, pour moi, se trouve dans les softs skills. C’est pour cela qu’en 2019, j’ai créé une application pour accompagner les enfants et leurs parents dans le développement des compétences douces. Mon but était de donner aux jeunes générations les armes afin d’appréhender le marché du travail du futur.
Qu’est-ce que t’a apporté le programme Challenge + de HEC ?
Il t’apporte une structure : tous les mois tu abordes un sujet différent et ton projet est passé au crible par les experts. En 9 mois cela permet de monter ta société. C’est très efficace et j’ai pu commercialiser en avril 2020 en commençant par un programme pour cultiver la confiance en soi en famille.
Comment vois-tu les métiers de demain, les bouleversements en cours, et l’impact sur les jeunes générations ?
Avec l’essor du numérique et de l’intelligence artificielle, le monde du travail est en pleine mutation. On estime que 65 % des enfants qui entrent aujourd’hui à l’école exerceront des métiers qui n’existent pas encore. On l’a bien vu avec la crise que nous vivons : la digitalisation des relations avec le télétravail nécessite un plus grand effort dans la collaboration, le rapport à l’autre afin de créer un esprit d’équipe.
Donc pour s’épanouir professionnellement, les nouvelles générations devront posséder des qualités humaines que sont les softs skills, ou compétences douces : comme la capacité à collaborer, l’esprit critique, la créativité, ou l’empathie. Malheureusement, le système éducatif actuel ne met pas en avant ces compétences et valorise à la place le par cœur, le mérite individuel ou l’idée qu’une seule bonne réponse est possible, selon le Rapport OCDE 2030.
J’ai vu que par ailleurs tu es très engagée, peux-tu nous parler de l’association Digital Ladies and Allies dont tu es la secrétaire générale ?
Comme je l’ai déjà dit, je me suis investie très tôt au niveau associatif. Je suis présidente de la crèche parentale de mes jumeaux, je collabore au sein de « The board network ». Son but est de nous entraider entre femmes à trouver des mandats d’administratrices. Digital Ladies and Allies est un « DO tank » dans lequel nous militons pour une meilleure représentativité des femmes dans les domaines technologiques et numériques. Nous avons édité un livre blanc avec 250 propositions concrètes pour accélérer la mixité dans la Tech. Au sein de notre association nous comptons notamment, Aurélie Jean, Docteur en IA qui publie régulièrement dans le point et qui a écrit « De l’autre côté de la Machine — Voyage d’une scientifique au pays des algorithmes ». Nous avons identifié quatre sujets sur lesquels nous travaillons. Tout d’abord, l’éducation qui ne motive pas les filles vers les professions du numérique, ensuite un déficit de rôle modèle et l’apprentissage à tout moment de ta carrière. Nous devons aider les femmes à réaliser que l’on peut changer de métier au cours de sa vie et se former au codage à tout âge. Pour finir, le recrutement dans les sociétés doit favoriser la diversité dans la Tech.
As-tu d’autres activités ?
Oui, j’ai développé une petite activité de Business Angel en investissant des tickets dans des entreprises qui me tiennent à cœur. Je suis notamment associée dans le Restaurant de Mory Sacko qui vient de décrocher une étoile, et dans Arquant, une startup de crypto. J’ai également investi et je figure parallèlement au comité stratégique de « Flint le robot ». C’est un outil qui mêle veille et intelligence artificielle et propose des articles de qualité, sélectionnés pour vous, tout en essayant de vous surprendre.
Quel a été l’impact de la crise du COVID pour Softkids ?
Le premier confinement a été pour ainsi dire, une opportunité. J’ai publié sur mon blog sur le thème du télétravail avec des enfants et l’un d’entre eux a été repris par Maddyness. Cela m’a permis de constituer ma communauté. Lors du lancement de l’application en avril 2020, j’ai eu beaucoup de traction. Je continue depuis les newsletters et pour le 3e confinement je propose certains des exercices gratuitement pour affronter cette période difficile.
Quels sont tes prochains challenges ?
J’ai commencé à contacter les écoles et je me lance dans le B2B avec en établissement privé. Je développe avec eux un programme sur la diversité et l’inclusion : l’acceptation de l’autre permet de lutter contre le harcèlement scolaire.
Quelles sont les personnes qui t’inspirent ?
Pendant ma période chez Shell, Sheryl Sandberg me fascinait : elle est l’actuelle directrice des opérations de Facebook et a écrit un livre « Lean in » que je recommande. Elle nous motive à enfoncer les portes et y aller ! J’aime ce genre de femmes comme Pauline Laigneau, Aurélie Jean qui saisissent les opportunités, font avancer les choses et les mettent à la portée de tous. Je suis également beaucoup les entrepreneures, je pense, à Céline Lazorthes de la plateforme Leetchi.
Certains hommes m’inspirent également, comme Christophe André, qui a popularisé la méditation : je la pratique depuis 2013 et j’ai commencé avec lui.
Aurais-tu un livre à nous conseiller ?
Dans mon domaine de prédilection : « How children succeed » de Paul Tough. C’est une compilation des recherches sur le succès des enfants, j’en recommande la lecture.
En conclusion aurais-tu une devise ou un mantra ?
« À tout problème, une solution », c’est une phrase qui me fait prendre du recul.