Interview d’Anne-Marie Noir, Président Directeur général des Laboratoires ASEPTA.

By Pascale Caron

De formation Psychologue clinicienne, diplômée de l’IAE de Paris en Administration des Entreprises elle rejoint les Laboratoires en 1994. Auparavant elle avait travaillé tour à tour comme psychologue en crèche familiale et PMI, responsable de formation et de recrutement, mais également professeur de psychologie.

À la suite du décès de son père Paul Lacroix, fondateur des Laboratoires ASEPTA, elle prend la tête de la société et la développe en favorisant l’innovation dans les produits et la renommée du « Made in Monaco » à l’international. En 2015 elle remporte le trophée « des Femmes de l’Économie de la région PACA Monaco » dans la catégorie : Chef d’Entreprise.

 Peux-tu nous parler des Laboratoires ASEPTA ?

C’est en 1943 que Paul Lacroix et Henri Mas fondent les Laboratoires ASEPTA. L’idée de départ venait des croupiers du Casino de Monte-Carlo qui se plaignaient de douleur aux pieds. C’est donc grâce à une crème podologique appelée AKILEÏNE que le laboratoire démarre. Depuis d’autres gammes prestigieuses ont vu le jour comme VITA CITRAL, ECRINAL, COUP D’ÉCLAT et dernièrement D’ÂME NATURE. Les Laboratoires ASEPTA sont une entreprise familiale co-dirigée de nos jours par les descendants des membres fondateurs.

Plus de 75 ans après sa création, nous fabriquons toujours en Principauté de Monaco des gammes dermocosmétiques qui ont acquis une renommée internationale en restant fidèles à notre devise « Recherche Qualité et Innovation ». Aujourd’hui, nous employons plus de 200 personnes dans une structure moderne régie par les normes internationales en cosmétiques. Notre présence mondiale s’étend à plus de 60 pays sur les cinq continents grâce à un réseau de distributeurs et nos filiales en Allemagne, Belgique, Suisse, Tunisie et Canada.

Quelle success-story, étais-tu préparée à prendre la co-direction de l’entreprise ?

Pas vraiment ! Dans ma vie j’ai fait des choses différentes et je me suis souvent lancée sans me poser de questions : « je prends le risque et j’y vais ». C’est en lisant « Chien perdu sans collier » de Gilbert Cesbron que j’ai su que je voulais être psychologue. À l’époque mon père m’avait soutenue « si c’est ce que tu veux faire, fais-le ». Je me suis rapidement confrontée au marché du travail, car je n’avais pas choisi une voie facile. J’ai finalement rejoint un cabinet de recrutement : c’est ainsi que je suis rentrée chez un de mes clients comme adjointe du DRH. Mon mari est psychiatre et au cours de sa coopération nous sommes partis 1 an au Sénégal, avant de nous installer à Paris. J’ai eu 2 filles et 1 garçon. Ce dernier qui a lui aussi démarré sa carrière par la psychologie a rejoint les Laboratoires ASEPTA depuis 2 ans et il prendra ma succession.

Je n’envisageais pas de rentrer à Monaco dans l’entreprise de mon père. À cette époque mon père était à un carrefour. Il fallait prendre une décision pour les Laboratoires et il m’a demandé de le rejoindre, de m’engager à ses côtés pour prendre sa succession et pérenniser ce qu’il avait construit. J’ai donc décidé de suivre une formation continue à l’IAE pour ainsi une fois mon diplôme en poche rentrer à Monaco et intégrer l’entreprise.

J’estime que j’ai eu beaucoup de chance, car je n’ai pas eu à créer cette entreprise. J’ai également un excellent associé Monsieur Georges MAS, avec qui je m’entends très bien. En 2023 ASEPTA aura 80 ans. Nous avons une très grande stabilité des salariés, certains sont restés dans l’entreprise pendant 40 ans. Nous sommes dans la période de renouvellement, parce que les baby-boomers partent à la retraite : c’est une nouvelle page qui se tourne. Nous sommes dans la continuité de la volonté de mon père : nous travaillons en famille, nous restons indépendants et nous pérennisons l’emploi à Monaco.

 Comment as-tu géré le poids des responsabilités ?

Je ne me suis jamais posé la question, j’ai appris en marchant. Pour moi le travail est une valeur essentielle. Quand j’ai commencé, il y avait beaucoup de choses que je ne connaissais pas et j’apprends toujours. Je, suis bien entourée et je délègue tout en gardant le contrôle, même si la décision finale m’incombe. Je prends toujours un temps de réflexion, mis à part des cas d’urgence. J’utilise ma formation de psychologue. J’écoute les gens et une fois que ma décision est prise je ne reviens pas dessus de manière générale. Bien sûr on a quelquefois droit à l’erreur.

J’ai vu que par ailleurs tu es très engagée, peux-tu nous parler de l’association AFCEM dont tu es la vice-présidente ?

L’AFCEM (l’Association des Femmes Chefs d’Entreprise à Monaco) a été créée il y a 15 ans. À l’époque quand j’ai participé à sa création, nous étions 10. C’était une façon de faire connaitre les entreprises gérées par des femmes qui participaient à l’essor de l’économie monégasque. À cette période elles n’étaient pas vraiment reconnues. Nous avons fait beaucoup d’actions pour les femmes à l’étranger. Cette année sous la présidence de Joanna Houdrouge nous avons décidé de recentrer l’action sur Monaco. Nous avons pour projet de mettre en place un concours pour les étudiants, sur le travail en entreprise. Nous voulons créer des binômes, fille et garçon pour montrer qu’à plusieurs on est plus forts et surtout complémentaires. À travers l’éducation et les échanges autour de ce projet notre objectif est de démontrer que même s’il existe une distinction entre les sexes elle n’est en aucun cas un frein à la réalisation de projets. Chacun peut réaliser ce qu’il entreprend.

Quel a été l’impact de la crise du COVID pour les Laboratoires ASEPTA ?

La crise a été compliquée pour tout le monde, mais notre canal de distribution étant les pharmacies nous avons eu la chance qu’elles soient restées toujours en activité. Nous avons pu rebondir après les 2 mois de confinement. Nous avons eu une grande demande sur la gamme VITA CITRAL de crème pour les mains. A contrario, la gamme Sports Akileïne, dédiée aux soins pour les sportifs, a beaucoup souffert. Nous ne sommes pas à plaindre, car nous avons eu les aides précieuses du gouvernement et les employés ont exprimé leur volonté de reprendre le travail dès que cela a été possible.

Quels sont tes prochains challenges ?

L’entreprise est un moteur qui m’apporte chaque jour défis et challenges. Nous voulons aller plus loin et développer au maximum les Laboratoires ASEPTA, en France et à l’International.

Les consommateurs évoluent et leurs exigences avec. Depuis quelques années la composition des formules était la principale considération, désormais c’est une approche plus globale : emballages, approvisionnements, déchets… Dès à présent nous testons de nouveaux matériaux pour remplacer le plastique qui devrait être interdit en 2025. Le choix est difficile, car souvent une idée vertueuse au premier abord peut s’avérer encore plus désastreuse pour la planète à long terme.

 Quelles sont les personnes qui t’inspirent ?

En tout premier lieu, mon père : il s’était lancé dans l’entrepreneuriat alors que ses parents étaient issus de mondes complètement différents. Il a fait HEC et m’a toujours laissé suivre la voie que j’avais décidé de prendre. Il était très charismatique et était aussi un excellent commercial.

J’admire beaucoup Simone Veil, l’histoire de sa vie et ses batailles. La façon dont elle a rebondi en gardant son optimisme pour le genre humain après tout ce qu’elle a vécu est une grande source d’inspiration pour moi. Elle a eu une force de caractère hors norme tout en conservant sa simplicité.

Aurais-tu un livre à nous conseiller ?

Pour me reposer et me délasser, j’aime lire des polars. Je recommanderais « Le siècle » de Ken Follet. Ce livre traverse toute l’histoire depuis la 1re guerre mondiale et même si elle est romancée, elle fait réfléchir aussi sur notre époque actuelle et la montée des extrêmes.

 En conclusion aurais-tu une devise ou un mantra ?

« La vie est un risque et nous sommes là pour en prendre. Quand une occasion se présente même si elle n’est pas forcément réaliste, je fonce ».