[Plantes] Entrepreneuriat
Rencontre avec Sophie Chatelier, fondatrice de la Nouvelle Herboristerie
par Patricia Cressot
Comment à débuter cette belle histoire de plantes?
Sur le moment je n’aurais jamais imaginé être herboriste à temps plein. J’ai toujours été proche de la culture celtique grâce à mes racines et ma grand-mère mais de là à en faire mon métier… c’était au-delà d’un rêve de petite fille. Diplômée en Relations internationales (Sciences Politiques et langues étrangères) et d’Histoire de l’Art à la Sorbonne, j’ai travaillé dans le milieu artistique puis à l’AFP à Paris, en tant que Directrice Adjointe Commerciale Afrique, en lien direct avec les grandes instances institutionnelles et gouvernementales type ONU, gouvernements, journaux & télévisions locales. Régulièrement je parcourais l’Afrique de manière intense, par exemple deux mois au Kenya avant la coupe de monde du foot, au Ghana, au Sénégal. En parallèle, j’ai étudié la botanique et les plantes médicinales à Paris et à chacune de mes missions en Afrique, je prenais aussi du temps pour visiter les pays avec l’idée de découvrir de nouveaux jardins botaniques. Au Maghreb, j’ai passé beaucoup de temps dans le désert du Sahara, parmi les Touaregs, une deuxième famille. J’ai appris beaucoup de cette culture. A Nairobi, et Johannesbourg, j’ai découvert d’autres moyens de se soigner avec des tradipraticiens et en même temps ces derniers cohabitent avec les hôpitaux, c’est une façon de se soigner en fonction du besoin et de ce que l’on cherche. Dans notre monde occidental, on a perdu ceci ! Le monde africain est en connexion avec la terre, un aspect presque secret et intime de son rapport à l’environnement ; une connexion à l’histoire, à son héritage qui se transmet souvent à travers les femmes. Comment se fait-il que chez nous ce savoir et cette mémoire se perdent?
C’est un appel à une responsabilité, celle de ne pas oublier, celle de la transmission de nos mères, nous avons cette profonde connexion à la nature. En effet, j’ai fait, entre autres, un cursus auprès de l’Association pour le Renouveau de l’herboristerie et j’ai compris le cheminement de cette perte. Sous Pétain, durant la 2e guerre mondiale, les plantes sont tombées sous le joug pharmaceutique et sous le charme des molécules de synthèse ; L’étude des plantes médicinales est progressivement tombée dans l’oubli des études universitaires. J’ai donc fait le choix conscient de faire l’apprentissage des plantes et de leurs propriétés à travers d’autres cursus, d’autres voies et de ne pas fermer les portes de ce qu’offre un nombre incroyable de plantes.
Très rapidement, j’ai appris à gérer mes propres maux. Lors de mes déplacements en Afrique, j’avais créé ma concoction complétée par les fleurs de Dr Bach, « zen-express » devenu un succès. Ayant déjà fait face à des stress extrêmes et burn-out de fatigue professionnelle et personnelle, j’arrivais à m’autogérer en Afrique, calmer mes surrénales pour calmer la sécrétion de cortisol. Je commençais à créer alors sans le voir mes formules d’aujourd’hui.
C’est comme si la vie m’avait montré le chemin à travers des rencontres amoureuses. J’avais un petit copain Bulgare dont la mère, une actrice, fabriquait ses crèmes avec les roses de Bulgarie, elle m’a transmis son savoir-faire et à 25 ans j’avais déjà créé ma crème à la rose. Le petit copain de l’époque avait aussi développé une maladie auto-immune ; par des tisanes, baumes et une alimentation revue, on parvenait à lui éviter de prendre trop de médicaments. La vie m’avait envoyé des cas pratiques pour que je m’intéresse à la nutrition et aux problématiques contemporaines. La vie m’a tricoté ça et avec le recul je réalise …que tout a un sens !
Un jour, j’ai fait un burn-out à l’AFP quand ma carrière a eu un boom mais que je devais rester à Paris, alors que j’avais tellement appris avec le contact humain et les voyages, que je ne pouvais plus accepter de fermer les yeux . Fermer les yeux sur le sexisme ambiant professionnel, un comportement que j’avais accepté, avant mon burn-out mais que j’ai mal vécu. Un choix s’est imposé lorsque j’ai vu un médecin phytothérapeute à Paris qui a décelé mon burn-out. J’avais trop poussé. Il m’a guidée dans l’idée de créer pour sa clientèle des gammes de produits efficaces et naturels. Alors j’ai dit Stop !
Comment as-tu géré la reconversion ?
A l’époque médiévale, le métier d’herboriste, n’avait pas ces grilles de lecture et d’interdits. Et ce métier est resté longtemps aux oubliettes.
Alors j’ai poursuivi les études que j’avais entrepris par curiosité, par plaisir, je me suis plongée dans la recherche, j’ai été sur le terrain, appris auprès d’un pharmacien, œuvré auprès des distillateurs, j’ai travaillé sur mes gammes et fait tout le processus de mise sur le marché (autorisations réglementaires françaises et européennes). L’industrie pharmaceutique s’est gardé le monopole du commerce des plantes médicinales et depuis les années 1960 beaucoup de militants ont porté heureusement voix pour libérer 148 plantes, dites non toxiques, hors de ce monopole.
Puis en 2012 j’ai créé une herboristerie nomade, j’ai fait une soixante de formules dont 20 de tisanes.
Les clients sont venus très vites, déjà les groupes de parentalité, de femmes enceintes et bébés par les plantes. Miser sur l’optique de la douceur et sur le potentiel d’information véhiculé par la plante, plutôt que sur sa fulgurance et sa toxicité. Il y a moyen d’avoir la même action sans effets secondaires gênants. C’est une approche plus sensible de la phytothérapie et couvre un éventail de cas, du boxeur à la femme enceinte.
Et puis j’ai monté des dossiers règlementaires français, cosmétiques, pour chaque formule, accompagnée d’une pharmacienne spécialisée dans la règlementation pharmaceutique. Un coût en temps et en énergie mais je suis dans les règles et ça c’est important. La Nouvelle Herboristerie est un acte politique, qui propose des solutions alternatives lorsqu’elles sont possibles et doit ainsi aller jusqu’au bout de la reconnaissance du milieu et des règles mises en place. Les plantes peuvent répondre à 80% des problématiques rencontrées en médecine de ville ; Elles rendent de merveilleux services et le rendent très bien. Je voulais proposer ces alternatives de manière durable et avec une pérennité. Et cela se voit dans le suivi des patients, même pendant le confinement, les clients me suivent, quelle que soit la région de France, c’est une construction progressive, lentement mais surement.
En 2014 j’ai reçu le prix de l’innovation en région PACA, et le co-fondateur de Rue du commerce m’a demandé « vous voulez combien ? » A l’époque sans vision claire du futur, je souhaitais garder la proximité aux personnes et aux plantes, une petite échelle plutôt que de devenir manager d’une grande société.
Quels sont les maux principaux aujourd’hui que tu vois
L’hyperactivité, l’anxiété (liée souvent à la période de Covid) et la sphère émotionnelle en général. J’accompagne en particulier les personnes dites HP, tous les âges sont concernés, c’est éclectique, avec un tronc commun : une sensibilité accrue.
Il y a également les problématiques liées aux douleurs, ponctuelles ou chroniques et celles liées à la digestion, les problèmes dermatologiques ou encore liés à l’immunité.
L’automne arrive, comment préparer son corps ?
Le flacon « Protection hivernale » est un mélange de j’ai créé à base de cassis, de bourgeons d’arbres, grand booster de l’organisme qui aide à s’adapter aux stress comme celui du changement de températures, du risque infectieux, éviter les extrémités froides. C’est aussi un anti inflammatoire puissant. L’églantier fortifie les défenses immunitaires (prévenant grippe, rhume…) et apporte une protection avec la propolis (anti fongique, anti bactérien), la synergie des 3 est un bouclier protecteur allié à un boost pour favoriser la capacité du corps à s’adapter.
Où te trouver?
A Villefranche sur Mer, j’ai ouvert un atelier-boutique, uniquement sur rendez-vous, car je suis régulièrement en consultation ou dans les montagnes. Et sur mon site internet- boutique en ligne, par téléphone ou en visio. J’expédie en France et en Europe.
Pour le mot de la fin, qu’est ce qui t’inspire ?
L’observation des plantes, de la nature tout d’abord, c’est ma principale source d’inspiration avec mes client-es !
Et la phase de recherche, j’adore l’innovation, donc je lis beaucoup d’études, les colloques. Tiens il y a ce livre que je viens de lire «Agir pour le vivant », chez Acte Sud. C’est un ensemble de conférences et rencontres récentes autour de l’écologie, autour du vivant. Alliant humanité, économie régénératrice, nourrir la planète et soigner les hommes. Vaste débat ouvert qu’est ce qu’on peut imaginer pour la suite, c’est très philosophique.
Il me semble important de croiser des disciplines pour créer des passerelles et des dialogues. Je l’ai établi entre Fleurs de Bach et phytothérapie, c’est cohérent, cela apporte de nouvelles perspectives, je le vois dans ma pratique.
La vie est un puzzle. A l’instant présent, il est en train de se passer quelque chose dont on ne comprend pas toujours le sens, mais avec le recul on réalise souvent à quel point c’était juste et nécessaire. Pourquoi la vie m’a emmenée dans les Balkans ? Dans le désert ? En Afrique? Et dans le Sud de la France ?
Même mon burn-out a été positif…. Ceci est un message d’espoir.
Contact : La Nouvelle Herboristerie, 18 avenue de la Grande Bretagne 06230 Villefranche sur Mer – T : 06.19.59.69.47 & www.lanouvelleherboristerie.com