Interview d’Emmanuelle Rochard dirigeante de RHD-Conseil.
By Pascale Caron
Emmanuelle apporte créativité, et leadership aux entreprises qu’elle accompagne en optimisant leur communication, affinant leur image de marque et en construisant des stratégies marketing innovantes et responsables.
Mais si on creuse plus avant, Emmanuelle est une personnalité complexe qui cumule les dons artistiques et les dons d’elle-même. Elle est tour à tour imagière pour le Carnaval de Nice, mais aussi sapeur-pompier, professeure à UCA, intervenante dans les lycées auprès de 100 000 entrepreneurs.
Nous nous sommes rencontrées lors d’un déjeuner qui rassemblait les marraines INEDIS, dont je fais partie, et j’ai été fascinée par son enthousiasme et son hyper activité qui est digne d’une Wonder Woman… Cela ne vous rappelle pas quelque chose ?
Peux-tu nous parler de ton parcours ?
Est-ce que tu te souviens de tes rêves quand tu étais jeune ? Moi en primaire, j’étais fan de Lara Croft. Je voulais être astronaute ou archéologue, et cela m’a poussée au collège à faire latin pendant trois ans tant j’étais persuadée de mon rêve !
Puis il a fallu se résoudre à trouver de vraies idées de métier. J’ai donc fait le bilan de ce que j’aimais et à l’époque j’ai choisi le cinéma et les animaux. J’en ai conclu que je serais dresseur animalier dans l’audiovisuel. En parallèle de mon bac littéraire arts plastiques, j’ai par conséquent fait des études de comportementalisme animalier. Finalement la seule chose que j’ai tirée de cette expérience c’est d’avoir un chien particulièrement bien éduqué, car il est très difficile de faire son trou dans ce domaine.
Après mon bac en réfléchissant à ce que j’aimais j’en ai conclu : les voyages et les dessins artistiques. J’ai donc décidé de devenir directeur artistique dans la publicité, pas du tout dans le luxe ou la beauté, mais dans la sensibilisation pour changer la mentalité des gens. WWF, Unicef, médecins sans frontière, voilà les causes qui m’animaient. Mais quand j’ai commencé mes études à l’Institut Supérieur des Beaux-Arts de Besançon à 17 ans on m’a vite fait comprendre que le milieu de la publicité était un sacrilège. J’étais partie à 700 km de chez moi pour m’entendre dire que la voie que j’avais choisie n’était pas la bonne ! J’ai quand même fait 5 ans d’études en mettant de côté mes rêves.
C’est une des raisons qui m’a poussée à élargir mon programme Erasmus pendant un an et demi à 21 ans, en faisant un tour du monde. J’ai commencé par l’Australie où j’ai élevé des chevaux, puis Dubaï, Québec. J’ai étudié le Carnaval de Rio au Brésil. J’ai fait un stage avec un photographe aux Canaries. Je suis allée à Londres, à Prague.
Cette expérience m’a permis de découvrir qui j’étais, et comprendre l’importance d’écouter son instinct. Pendant ma période de collège, j’avais été harcelée pendant 3 ans. À cette époque je me sentais en décalage et j’en avais conclu que c’était ma faute, que je le méritais, car je ne correspondais pas au modèle de toutes les autres filles. En me retrouvant face à moi-même à l’étranger dans des moments vraiment difficiles où ma vie a été quelquefois en danger, j’ai appris à me faire confiance en comprenant mes qualités et mes défauts.
Quand je suis rentrée en France, j’ai fait une grosse déprime doublée d’une crise identitaire. Je suis retournée aux Beaux-Arts, mais sans savoir quel métier va pouvoir satisfaire à la fois mon envie de création et de voyages.
J’obtiens mon master et puis j’ai eu envie d’autre chose. J’ai voulu développer le côté leadership, travailler en équipe et je suis rentrée à Polytech en master de management de projets innovants. J’ai fait un énorme grand écart en me retrouvant dans un environnement très carré et orienté processus. J’ai pu comprendre que la capacité d’avoir des idées créatives était un atout en entreprise.
Je me suis ensuite intéressée au monde de l’informatique et c’est comme cela que j’ai rejoint une grosse société, Sopra Steria. J’avais atteint une sorte de Graal, avec le statut de manager ingénieur et un bon salaire. Je supervisais 90 sous-traitants, sur des budgets globaux de plusieurs millions d’euros. Je voulais améliorer le quotidien des équipes et faciliter leur résultat. Mais au bout d’un an mon corps a dit stop et j’ai fait un burnout, car je n’étais pas en adéquation avec qui j’étais vraiment. Je m’ennuyais terriblement, et je me suis rapidement rendu compte que l’administratif prenait le pas sur la créativité. Je n’étais pas en phase avec les valeurs de ma hiérarchie et je les ai alertés sur certains risques psychosociaux. Finalement je les ai vécus personnellement. J’ai donc fait une rupture conventionnelle à 26 ans et je me suis reposé la question « qu’est-ce que tu veux vraiment ? Est-ce que l’argent fait tout dans la vie ? ».
C’est-ce qui t’a poussée à créer ton entreprise ?
Ce qui m’animait c’était la créativité, l’innovation et le leadership. J’ai repris ma liberté et les statuts de la société que j’avais co-fondée avec ma mère en 2013.
Mon tout premier client était la famille Povigna, 5e génération de carnavaliers de Nice, quelques semaines avant le confinement. Ils voulaient utiliser mes compétences de communication, marketing et management pour les accompagner au développement de leurs activités et également contribuer à la partie artistique en dessinant les chars et les costumes. Il faut préciser que mon sujet de master aux Beaux-Arts était « les carnavals du monde », ce qui m’a poussé à me rapprocher d’eux à mon retour en France en 2018.
La Covid m’a obligée à trouver de nouveaux contrats sur la gestion de projet, le conseil, la formation, le management.
En 2018, je suis devenue professeur vacataire à l’université de Nice. Depuis 2 ans j’anime un cours de management de projets innovants et créatifs, en Master 1 avec une méthodologie basée à 70 % sur la pratique et à 30 % sur la théorie. Cette expérience m’a fait découvrir ma mission et mon pourquoi. L’enseignement me permet de changer les choses en formant les managers de demain à la source et en les aidant à évoluer vers le leadership responsable.
Mais il arrive qu’ils soient déjà formatés : c’est pour cela que j’interviens aussi dans les lycées et collèges pour 100 000 entrepreneurs, où j’ai formé plus 500 adolescents en un an. Je contribue également à des associations de lutte contre les violences sexistes et sexuelles au travers de formation de sensibilisation pour les jeunes. J’ai ensuite imaginé avec un organisme partenaire, un programme de coaching pour les adolescents pour les aider à dépasser leurs obstacles personnels et professionnels.
Après la covid, j’ai pu reprendre mes activités d’origines avec les carnavaliers et je suis devenue Imagière du Carnaval de Nice. Cette année, j’ai aussi dessiné plus de 12 costumes pour les troupes d’animation et participé à la fabrication des chars et costumes. Ma collaboration avec eux est vraiment passionnelle, à tel point qu’ils m’ont pratiquement adopté au sein de leur famille.
Et comment es-tu devenue sapeur-pompier ?
Avec les carnavaliers, nous avons créé la mascotte DéfibrillaThor du Service Départemental d’Incendies et de Secours du 06 pour sensibiliser aux arrêts cardiaques. Je les ai accompagnés au niveau de la communication digitale sur le lancement de cette mascotte. En même temps, la caserne de pompiers de mon village recherchait des volontaires. Malgré beaucoup d’aprioris et une vieille phobie du sang, j’ai écouté les signes et je me suis engagée. Aider les gens fait partie de mon leitmotiv quotidien. Et vous n’allez pas me croire, mais du jour au lendemain, lorsque je l’ai décidé mon appréhension a disparu. Au final, nous posons nous-mêmes nos barrières.
J’ai passé un entretien, des épreuves physiques, suivi la formation et c’est comme cela que je suis devenue Sapeur-Pompier ! Dans la foulée, je suis également devenue photographe reporter et formatrice sur les arrêts cardiaques. La boucle est bouclée.
Comment mènes-tu tout de front ?
Je double mes activités. Quand je suis de garde, j’en profite pour m’atteler en parallèle à une autre tâche. Le fait que je m’ennuie rapidement a longtemps été une contrainte, mais cette hyper activité me permet de faire ce qui m’anime. Je bosse 80 h par semaine sans avoir l’impression de travailler. Je me sens tel un Quetzal, cet oiseau du Guatemala qui meurt en cage, j’ai besoin de liberté. J’ai mille et une vies, comme le disent mes amis et je les vis pleinement.
Quels sont tes prochains challenges ?
Ils sont à la fois financiers et artistiques.
En faisant le bilan, je me suis rendu compte que parmi toutes mes activités, celles qui m’animaient le plus c’étaient celles auprès des jeunes, car elles m’apportent plus de sens et d’épanouissement. Malheureusement, ma passion n’est pas rentable. Il me faut développer des revenus qui fonctionneront sans moi. C’est pour cela que je m’intéresse aux investissements immobiliers afin de pouvoir vivre de cette activité.
Je voudrais poursuivre une vraie carrière artistique en surfant sur la visibilité que j’ai pu acquérir avec le carnaval de Nice. Il est temps d’accueillir enfin mon talent en créant une boutique en ligne dans la photo et le dessin.
Quelles sont les personnes qui t’inspirent ?
J’ai deux mentors, le premier c’est l’ancien directeur du Carnaval de Nice, Christian Alziary qui a cru en moi et m’a accompagnée avec une extrême générosité. Il m’a fait prendre conscience de la manière dont j’avais envie d’être traitée.
La deuxième est Carly Abrahamovic est un modèle pour moi. Elle est mère seule avec deux enfants et a monté une entreprise dans le conseil — CA Consulting Group, à plusieurs millions d’euros et une cinquantaine de consultants. Elle a fait partie de mes premiers clients. C’est une Américaine qui a débarqué en France il y a de nombreuses années.
En conclusion aurais-tu une devise ou un mantra ?
Je me le répète souvent en ce moment « Si tu n’aimes pas ce que tu récoltes aujourd’hui, pose-toi la question de ce que tu as semé hier ». J’ai semé pendant deux ans pendant la Covid et je suis heureuse de ma récolte.