Interview de Murielle Sitruk co-fondatrice de « Pourquoi Princesse », une entreprise qui s’engage pour briser les stéréotypes de genre dès l’enfance.
By Pascale Caron
Murielle possède un DEA en Propriété industrielle de Panthéon Assas (Paris II). Elle a commencé sa carrière dans le conseil juridique propriétés intellectuelles chez Vivendi et à L’agence du Patrimoine immatériel de l’état. En 2006 elle créé une première entreprise, Sweetcase, le trousseau parfait pour la maternité. Elle a ensuite co-fondé la Fédération de Lifestyle Bébé et Enfants en France (Kids Kube). Mais cette serial-entrepreneure ne s’arrête pas là. Il y a 3 ans Murielle a co-fondé avec Laura Drewett « Pourquoi Princesse » : pour en finir avec le sempiternel « rose pour les filles » et tous les autres stéréotypes qui ont la dent dure dès l’enfance. C’est un e-shop qui propose un univers « gender neutral ». Le but est d’élargir les champs des possibles montrés aux jeunes générations sans brider leur imagination et leur créativité en offrant des produits qui sont le reflet de toutes leurs passions. Elle vit avec sa famille à Paris (bien que Marseillaise for ever !) et a 2 filles.
Qu’est-ce qui t’a amenée à te lancer dans l’entrepreneuriat ?
L’idée de créer une société a toujours fait partie de moi. J’ai été élevée par une grand-mère businesswoman qui a été une grande source d’inspiration. Quand j’ai eu mon bac, je savais que je devais monter mon entreprise : mais par où commencer ? J’avais rencontré par hasard l’attachée de presse d’Élie Kakou qui m’avait dit « fait du droit ça mène à tout ». J’ai donc suivi ce conseil et me suis lancée dans des études de droit. J’ai débuté ma carrière dans une grande société. En 2006, à la suite d’un plan social, je me suis lancée dans un business d’accessoires de mode. C’était aussi la naissance de ma 1re fille et j’ai utilisé cette période pour me former au niveau business. Mais je n’étais pas encore prête et j’ai décidé de reprendre un emploi de salarié au ministère des Finances. Ce nouveau job paraissait cocher toutes les cases à l’agence du Patrimoine immatériel de l’état. On était un peu comme des consultants en mode « startup », mais j’ai rapidement continué à rechercher du sens. J’ai compris dans ces expériences de salarié qu’il faut apprendre à se concentrer sur soi-même et ne pas croire que ces sociétés nous appartiennent. L’envie de redevenir entrepreneur m’a de nouveau démangée au moment de la naissance de ma 2e fille. J’avais la volonté de construire quelque chose, d’avoir un impact, de créer et innover dans un monde en mouvement. Je suis persuadée que le changement et l’impact passent aussi par les acteurs de l’économie. Ma 2e boite, a duré 5 ans, mais il a fallu se rendre à l’évidence que ma rémunération n’était pas suffisante. En approchant le groupe GPE pour essayer de vendre ma société, ils m’ont proposé de les accompagner en tant que consultante en stratégie et marketing sur la transition de la marque Natalys, je suis devenue consultante.
Comment est venue l’idée de Pourquoi Princesse ?
Laura, mon associée cherchait il y a 3 ans, quelqu’un pour la conseiller : elle était issue du monde de la tech et avait une idée de création qui relevait de compétences comme les miennes. Le déclic s’était fait à la naissance du fils de Laura, son 2e enfant. Elle avait été choquée par le contraste entre les vêtements « garçons » aux motifs dinosaures ou voitures et les ceux « pour filles » rose pastel, couverts de cœurs, de fleurs, ou de papillons. Sa fille, qui adorait les princesses, comme les avions et les expériences scientifiques, lui demanda une robe avec des voitures de course : impossible à trouver ! Nous avions une vision commune et surtout nous voulions voir grand : face au manque de diversité dans l’offre proposée, aussi bien dans la mode, le jouet ou les messages adressés en général, nous ne pouvions rester sans intervenir.
Nous avons créé « Pourquoi Princesse », car nous pensons qu’elles ont le droit d’avoir accès à bien plus que des habits de princesse, des produits de beauté et des activités stéréotypées. Pour stimuler leur confiance en elles et faire tomber les barrières auxquelles elles sont confrontées, nous avons eu à cœur de construire un univers de positivité et de possibilités. Nous avons transformé le concept initial d’empowerment des filles, à travers les robes, en un écosystème de « girl power » avec des livres, des vêtements et des accessoires inspirants.
Quel a été l’impact de la crise du COVID pour tes activités ?
L’impact a surtout été calendaire : nous avons dû repousser notre campagne de crowdfunding de mars à décembre. Mais nous avons mis à profit le confinement pour mieux connaitre notre communauté et renforcer les liens sur les réseaux. C’est ce moment-là que j’ai créé les mini-talks sur notre compte Instagram avec ma fille. Lors de ces talks, nous avons interviewé des « rôles modèles » femmes. Nous y avons convié des personnalités comme Aurélie Jean, Dr en Intelligence artificielle, ou Claraisse Agbégnénou championne du monde de judo. Depuis, l’activité s’est également installée sur Clubhouse, où j’anime un club sur l’égalité hommes/femmes. Nous avons des intervenantes inspirantes, comme Sabrina Herlory, la Directrice générale de MAC France qui est très engagée, mais aussi Emilie Daversin de V02 group, une Société de conseil en nouvelles technologies. Nous avons invité Chloé Sabban qui a créé les éclaireuses, le média social leader qui rassemble plus de 6 M de jeunes femmes sur les réseaux sociaux sur les secteurs de la beauté. Je reçois bientôt Mercedes Erra, fondatrice de BETC et présidente exécutive de Havas.
Quels sont tes prochains challenges ?
Définitivement c’est de lever des fonds publics et de rencontrer des Business Angels qui pourraient nous soutenir. Nous sommes une Digital Native Vertical Brand : nous cherchons des investisseurs concernés par le produit physique et qui n’ont pas trop peur du textile.
Nous avons rencontré Jean-Pierre Nadir dernièrement, le fondateur d’EasyVoyage, lors d’un jury de Business Angels. Il a été intéressé par notre concept, mais s’est quand même posé la question « Peut-on être engagé et faire grandir un business ». Pourquoi se pose-t-on encore cette question de nos jours ?
Quelles sont les personnes qui t’inspirent ? Un livre à nous conseiller ?
Tout d’abord, Simon Sinek. Il est une inspiration sur le leadership. Il a écrit « Start with Why: How Great Leaders Inspire Everyone to Take Action ». Ses interventions sur TED sont des événements.
Je parlerais ensuite de Ivan Chouinard. C’est un entrepreneur pas comme les autres. Il a créé la marque Patagonia. Son livre « Let my people go surfing » est fascinant. Cette marque est un exemple qui arrive à garder ses engagements tout en étant rentable. Nous avons tous la responsabilité de cesser l’hyper-croissance.
Je citerai également Mercedes Erra que je reçois sur Clubhouse, la fondatrice de BTEC. Et pour finir, je suis très inspirée par Delphine Horvilleur.
Sinon, je lis actuellement « Sapiens », l’essai de Yuval Noah Harari. De l’âge de la pierre à la Silicon Valley, au carrefour des sciences et de la philosophie, « Sapiens » interroge l’histoire globale de l’humanité à un rythme haletant. Je prends une bonne claque.
En conclusion aurais-tu une devise ou un mantra ?
Oui, « Soit le changement que tu veux voir dans le monde », de Gandhi.