Interview de Camille Verney-Carron, fondatrice de « l’Oustau de Camille ».
By Pascale Caron
L’apéro est un moment sacré pour 80 % des Français, toujours en quête de nouveautés. Camille a fondé en 2020 à Biot « L’Oustau de Camille » qui revisite cet instant de convivialité avec ses recettes à tartiner, à bases d’ingrédients locaux. Camille, formée à l’école de cuisine d’Alain Ducasse, s’est inspirée de son histoire et de la méditerranée. Les ingrédients sont issus de l’agriculture biologique. Ils sont sans additif, ni colorant ni conservateur.
L’Oustau signifie le foyer, la maison en provençal, car c’est dans la cuisine de Camille, le cœur de sa maison, que tout a commencé…
Peux-tu nous parler de ton parcours ? Comment es-tu devenue chef d’entreprise ?
J’ai débuté ma carrière chez Unilever. Dans ces grandes sociétés, on change de job tous les 2 ans. J’ai été tour à tour responsable commerciale, régionale et au niveau européen. J’ai adoré travailler là-bas, j’ai appris beaucoup et j’étais entourée de gens compétents.
Et puis à l’aube de la quarantaine, après de multiples restructurations, de rationalisation de couts, j’ai commencé à me poser des questions sur la finalité de tout cela. Ils proposaient un plan social et j’ai saisi l’opportunité qui s’offrait à moi : je suis partie en 2010. J’avais toujours eu l’idée d’entreprendre, il fallait juste savoir quoi faire ! J’ai constamment été attirée par tout ce qui touche à la cuisine. La bonne chère était très présente dans ma famille. J’ai vécu mon enfance dans le plaisir de la convivialité autour d’un bon repas.
C’est avec ces souvenirs en tête que j’ai fondé ma 1re société à Paris de livraison de repas au bureau « Camille Papilles ». Je me suis formée auprès de l’école de reconversion d’Alain Ducasse : j’y ai appris à respecter le produit. Je ne savais pas si mon idée allait fonctionner, mais ça m’animait. J’ai démarré chez moi, et ça a rapidement plu. J’ai ensuite investi dans un labo et je me suis retrouvée responsable d’une entreprise de 4 personnes.
Nos plats étaient faits-maison, sains et gourmands dans un positionnement volontairement haut de gamme.
Notre différenciation était que l’on cuisinait des légumes et des fruits de saison frais. Mes clients étaient B2B, récurrents. Dès que l’on gagnait un compte et qu’ils étaient satisfaits, ils devenaient fidèles. La plupart des sièges de société à Paris n’ont pas de cantine : mon plus gros client était Apple France. On avait des banques et des Avocats.
Au bout de 8 ans, cette belle aventure a dû se terminer, car mon mari a eu une opportunité sur la cote d’azur. Il était impossible pour moi de continuer à distance, et l’écosystème dans le Sud était complètement différent. J’ai dû me résoudre à vendre ma société en 2018 et je suis repartie d’une page blanche.
Mais si je redémarrais de zéro, j’étais riche d’une expérience qui m’avait beaucoup appris. Une des leçons était que pour aller plus loin j’aurais dû standardiser et sortir du tout sur mesure. Il me fallait un produit plus simple et facilement réplicable.
Dans mon métier de traiteur, 1/3 de mes ventes étaient des plats végétariens. Mes clients étaient à la recherche des plats plus légers, healthy, qui peuvent convenir à toutes les confessions religieuses.
Dans le Sud on a un territoire végétal énorme, c’est le plus grand de France. Le patrimoine culinaire est très accès sur les légumes : c’est comme cela que j’ai voulu créer une gamme autour du végétal.
L’apéritif est un moment déstructuré et libre durant lequel les gens ont envie d’innover et de sortir des sentiers battus. Pendant le confinement, les Français ont redécouvert le goût du bon et du local.
Nous sommes actuellement dans 250 points de vente, épiceries fines, cavistes, magasins bios, fromagers, primeurs. Je n’ai pas choisi de faire moi-même et j’ai donc sous-traité à un ESAT de Châteauneuf de Grasse. Ce sont des personnes en situation de handicap. J’y vais toutes les semaines et je n’ai jamais vu des gens aussi contents de travailler !
Quels sont tes projets de développement ?
J’aimerais réaliser également des plats en conserve ou en Bento. Mais avant je dois réfléchir à comment me structurer pour croître. J’ai financé l’intégralité de la société avec un prêt bancaire. Pour grossir, je cherche éventuellement une association qui apporterait une complémentarité.
Quelles ont les personnes qui-t-on inspirées dans ta carrière ?
Tout d’abord mon Papa : il m’a transmis son amour de la cuisine et des bons produits. Il était pied-noir et adorait le poisson, les légumes. J’allais souvent au marché avec lui. Une de mes recettes, poivron-tomates, est une interprétation de la frita de ma grand-mère.
Je citerais aussi le chef Benoit Bordier qui m’a prise sous son aile et m’a donné confiance en mes capacités. Il a cru en moi et m’a transmis ces astuces pour m’organiser mieux.
Aurais-tu un livre à nous conseiller ?
« Notre poison quotidien », de Marie-Monique Robin.
C’est un ouvrage extrêmement bien documenté qui a changé à jamais mon point de vue sur notre alimentation. On se rend compte que notre environnement a été rendu hostile depuis les 50 dernières années, une menace invisible, mais bien réelle. Je le recommande à tous ceux qui veulent vivre et manger sainement. Ce livre motive à l’action !
Aurais-tu une devise ou un mantra ?
« Il faut profiter de ce que l’on a ». Je suis une épicurienne. Je suis persuadée que l’on peut se faire plaisir en mangeant de manière mesurée, et en faisant plus de choses soi-même.
À méditer.
A propos de l’auteur : Pascale Caron est membre du comité de MWF Institute et spécialiste de la technologie dans le domaine de la santé. Elle est CEO de la société Yunova Pharma, implantée depuis 2020 à Monaco et commercialise des compléments alimentaires dans la Neurologie.
Pascale est également directrice de rédaction de Sowl-initiative.