[Art] Bleue
Entretien avec Sabine Geraudie par Patricia Cressot
Sabine Géraudie, est l’auteur de « la chaise de SAB » sur la Promenade des Anglais, au 107 Quai des Etats-Unis, au niveau du Jardin Albert 1er.
Sab est une artiste complète, peintre et plasticienne, solidaire et ancrée dans un monde malgré un contexte qui nous échappe. Entretien avec une femme comme on les admire.
Nous connaissons tous la « chaise bleue » de SAB à Nice, mais nous aimerions en savoir un peu plus, sur vous, Sabine Geraudie, l’artiste.
Je suis avant tout une autodidacte. J’ai commencé par la peinture à l’huile en faisant des répliques de grands maîtres et j’ai peu à peu développé ma technique pour la mettre au service de la création. Mon inspiration vient de la nature, en grands formats, dans un esprit toujours macrophotographique. La peinture à l’huile est restée une véritable passion pour moi. J’ai commencé par peindre des végétaux, puis les galets m’ont inspirée. À Nice ils sont gris du côté de l’Italie, ils sont plus colorés , façonnés par le ressac, limés par le bord de mer. Ils sont une jolie source d’inspiration.
Un jour, à la suite d’une commande, un client me demande une œuvre qui doit représenter « le bonheur et la difficulté d’y accéder » et d’ajouter : « Je tiens à ce qu’il y ai une touche Niçoise ». Je crée alors un corps asexué, qui se dresse sur des chaises bleues en quinconce et qui essaie d’attraper le soleil. Soleil, symbole de lumière, de chaleur, d’aura, de réussite, d’or. De cette commande est née cette œuvre , la chaise en 2D inspirée des anciennes et des nouvelles chaises mobilier qui jonchent la Promenade des Anglais .
Ce fut le début d’une belle histoire qui m’a portée vers la lumière.
Mais je suis avant tout une plasticienne et une touche à tout qui aime essayer différentes formes et matières. Je façonne les maquettes avant de mettre en forme un projet ou une commande.
Pour moi, être artiste c’est le plus beau métier du monde, car j’ai le pouvoir de tout revisiter. Je regarde encore le monde avec mes yeux d’enfant, il m’émerveille.
Des sculptures aux tableaux, vous diversifiez votre travail…
Je suis une véritable boulimique qui aime essayer des projets différents sans se mettre de barrières. Si j’avais une baguette magique, j’adorerais être Léonard de Vinci, soyons fous, pour toucher à tout, sans limites.
Quel a été l’impact de la covid sur votre travail et comment voyez-vous l’après-covid ?
En dehors de l’aspect terrible de la covid et de ses conséquences, j’ai pris cette période comme une opportunité. Pendant le confinement, le temps était suspendu. Ce fut un moment idéal pour me poser les bonnes questions et réfléchir à ce que je souhaitais changer dans mon travail. J’ai pu mettre à plat le côté juridique, les prix, les contrats et les certificats de confidentialité. Je me suis imposée une rigueur qui n’est pas très habituelle pour moi en tant qu’Artiste. Tout ce travail m’a permis de gagner encore plus de temps pour le consacrer à la création.
Puis, j’ai cherché à aider la communauté, à mon humble niveau. Un témoignage de médecin à la radio m’a fait prendre conscience que le corps médical se trouvait dans une sorte de tiers monde et manquait de moyens. J’ai trouvé cela inconcevable, dans une société aussi développée que la nôtre. J’ai alors décidé de mettre en place une campagne et de vendre des masques à un prix raisonnable en faveur du CHU de Nice. En un mois et demi, j’ai pu récolter 4 500 EUR. Je suis heureuse d’avoir pu me sentir utile.
Sensible à la cause des femmes, quel serait votre souhait pour rendre le monde plus égalitaire ?
Pour moi, la complémentarité entre les femmes et les hommes permet la diversité terrestre. Je souhaite juste que la femme soit plus considérée au 21e siècle. Que l’on considère qu’elle est indispensable avec ses multiples activités de femme active, de mère et de chef d’orchestre du foyer. Elle est trop souvent réduite à sa condition sexuée. Mais je suis contre un affrontement hommes/femmes. Cette diversité doit être une force et nous devons regarder au-delà de notre enveloppe humaine.
Quels sont vos prochains projets ?
Je voudrais grandir avant de vieillir. Faire, défaire, refaire et perdre moins de temps. Comme me l’a dit Pascal Coste : « on a le droit de se tromper plein de fois, mais on a pas le droit de commettre deux fois la même erreur ».
Vous êtes très impliquée, et solidaire avec le monde associatif et humanitaire. Qu’est-ce qui vous tient à cœur en ce moment ?
La cause No1, c’est celle des enfants. Leurs souffrances me sont intolérables : leur vie sera conditionnée dès leur plus jeune âge. Nous devrions agir à la racine et s’inspirer de la philosophie asiatique : on devrait faire « de la médecine préventive » au lieu d’agir après, en réparation ; cette façon d’appréhender la vie me plait.
Je suis sensible à la cause des personnes fragiles en général. Quand j’étais enfant dans les Vosges, la mort faisait partie de la vie. De nos jours, on nous parle de la mort comme une maladie honteuse que l’on cache, alors que c’est la nature. Pour de multiples raisons, la vieillesse, la maladie n’ont plus de place dans la société actuelle. On parque les personnes âgées comme des objets, alors qu’elles ont beaucoup à transmettre. On s’efforce de cacher notre vieillesse, nos rides, nos défauts. On devient égocentrique, les réseaux sociaux aggravent ce phénomène, on s’éloigne de la vie humaine.
Où est la solidarité ? Ne devrions-nous pas être plus unis et faire des choses ensemble, oser demander de l’aide pour une génération plus heureuse. Ce qui nous manque c’est une structure et la notion de famille. Il faut peut-être repenser le parcours scolaire. Avant, un enfant allait à l’école et s’il suivait un circuit court avec un brevet professionnel, il rentrait dans la vie active tôt et était fier de devenir un bon ébéniste, un bon boulanger… On est passé à un système normalisé où tous les enfants doivent faire des études. Tous ceux qui n’y arrivent pas sont considérés comme des cancres. Mais si on leur montrait simplement, sans viser le sommet de la montagne, que l’on peut être curieux, s’éveiller à des métiers manuels ou artistiques, ils pourraient cultiver l’art d’être heureux.
Je suis convaincue que l’Art peut les aider à trouver leur voie et susciter des vocations ou des envies. Nous devons éveiller la curiosité chez l’enfant : ne serait-ce, que la rencontre avec un seul tableau peut stimuler son imaginaire. L’école doit jouer un rôle, mais c’est aussi la responsabilité des parents de prendre du temps avec leurs enfants.
En conclusion je dirai qu’il faut prendre le temps d’avoir du temps.
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