Interview de Laurie Yver, fondatrice d’Artboreesens.
By Pascale Caron
Ancienne athlète de haut niveau en équipe de France de gymnastique acrobatique, Laurie est une jeune femme inspirante et inspirée. Tour à tour, professeur de Yoga, de cirque auprès des enfants, artiste, elle est une personnalité qui ne rentre pas dans des cases et c’est ce que l’on aime chez Sowl initiative.
J’ai côtoyé Laurie pendant les années où elle officiait à Isola 2000 et j’ai toujours été fascinée par sa bienveillance et son aura lumineuse. Ces dernières années, elle a organisé des retraites de yoga, des moments merveilleux ou elle convoque ses fées comme elle les appelle. Pour ma part, j’ai vécu des parenthèses enchantées et c’est la raison pour laquelle j’ai voulu en savoir plus.
Qu’est-ce qui t’a amenée à te lancer dans l’entrepreneuriat ?
Mes parents étaient commerçants, j’ai donc longtemps été baignée dans un milieu d’entrepreneur. Maman dirigeait des commerces. Très jeune, j’ai mis la main à la patte et c’est comme cela que j’ai appris la valeur du travail.
Je suis originaire de Lyon. J’ai commencé la gymnastique à huit ans. Avec mes parents, nous sommes venus nous installer à Cannes-Mandelieu pour que je puisse m’entrainer à Antibes, où j’ai intégré l’équipe de France de gymnastique acrobatique. J’ai pratiqué cette discipline jusqu’à mes 17 ans. Cette aventure extraordinaire m’a permis de faire les championnats d’Europe et du monde. J’étais véritablement passionnée, mais le rythme a fini par devenir compliqué, donc j’ai choisi d’arrêter. Autant dire qu’ensuite, ce fut la descente aux enfers : habituée à un entrainement de 30 h par semaine, je me retrouvais désœuvrée… Je ne savais plus trop qui j’étais.
La montagne et les grands espaces d’Isola 2000 m’ont permis de surmonter ce manque. Mon grand-père et mon père sont Grenoblois, j’ai toujours fait beaucoup de ski, mais j’avais dû mettre ce sport entre parenthèses pour la compétition. J’ai redécouvert les sensations de la glisse à la fin de l’adolescence, grâce à une copine qui faisait ses saisons à Isola 2000. J’ai eu le coup de cœur, la montagne est donc devenue une évidence.
Lors de mon 1er voyage à 21 ans aux États-Unis, je me prends à explorer les concepts innovants qui émergeaient sur ce marché, et c’est là en 2011 que je participe à mon premier cours de Yoga. En rentrant, je veux me lancer dans des études de commerce. Mon papa, qui avait fait HEC et Science Po, me conseille l’école de la vie. Malgré mon jeune âge, j’avais déjà vécu plusieurs expériences.
À 21 ans je crée donc ma 1 ère entreprise dans la restauration avec 5 employés à Hyères les Palmiers. Cette première expérience se solde par un échec, problèmes de rentabilité. J’ai fait toutes les erreurs possibles, mais j’ai beaucoup appris. Tout est allé trop vite. Je savais pertinemment que ce mode de vie n’était pas fait pour moi.
En parallèle, je me suis fracturé une vertèbre en snowboard. Mon corps était fragilisé. Ça n’a pas manqué, je m’en suis cassé une deuxième un an plus tard en glissant bêtement. Coup du sort ou destin, cette mésaventure m’a ouvert les portes d’un nouvel horizon. Je suis allée voir une kiné qui m’a fait faire de la rééducation et du yoga. Cela m’a permis de m’écouter, de me découvrir et de me rendre compte que le temps était une ressource précieuse. C’était en 2014, on ne pratiquait pas encore beaucoup en France.
J’ai compris que j’étais faite pour ça, j’ai donc cédé mes parts à mon associé et je suis partie me former à Bali après seulement 2 cours dans toute ma vie.
Là-bas, j’ai fait un grand cheminement intérieur et tout a basculé quand j’ai réalisé que l’on pouvait vivre de ses passions. Je les avais trouvées, la montagne et le Yoga.
On montait déjà à Isola 2000 depuis des années : j’avais découvert mon lieu. En 2014, j’ai pris 6 mois pour faire un essai et je propose à la station de donner des cours de yoga. Cette discipline n’était pas connue en France et je n’ai pas rencontré le succès escompté tout de suite.
J’ai donc réfléchi à des alternatives. La plupart de mes amis en équipe de France s’étaient reconvertis en tant qu’artistes dans le Cirque du Soleil. J’ai donc entamé une école de cirque pendant 1 an. J’ai travaillé d’arrache-pied et à 26 ans après 8 ans d’arrêts j’ai retrouvé mon niveau. Je dirais même qu’avec la maturité et un objectif de vie je suis arrivée à me transcender.
En parallèle, je monte régulièrement à Isola et je me demande si ce futur métier d’artiste pourrait me faire vibrer. J’ai une envie de m’ancrer : la montagne me parle vraiment et je suis toujours attirée par le yoga. Physiquement je commence à être limitée et finalement je prends la décision de m’installer à Isola. J’ai donc créé le Chalet des arts à Isola, mélangeant école de cirque pour les enfants et yoga pour les adultes. J’ai continué à me former en parallèle, comme le paddle yoga, le yoga pour les enfants, le reiki, la sonothérapie… Puis, mes élèves se sont confiés et m’ont fait part de déséquilibres plus profonds. J’ai eu envie de pousser plus loin mon accompagnement. En me faisant soigner par une acupunctrice, j’ai eu une nouvelle révélation et j’ai décidé de me former à la médecine traditionnelle chinoise afin de proposer une approche holistique.
Quel parcours ! Comment as-tu organisé les retraites de yoga ?
Tout est venu de l’idée de créer un séjour au cours duquel je pourrais offrir un programme hors du temps, une bulle de déconnexion. Nous avons choisi de les orchestrer en duo avec ma meilleure amie professeure de yoga et chef nutritionniste. C’est un voyage holistique doublé d’une immersion dans la nature. Ces expériences m’ont nourrie et m’ont donné confiance.
Comment as-tu décidé de quitter Isola 2000 ?
C’est mon corps qui m’a de nouveau envoyé un signe. À la suite d’un tour de vélo, je me suis blessée à la main et j’ai dû me faire opérer un 15 aout à Nice. Il a fallu entamer une rééducation et j’ai choisi de rejoindre ma maman à Albertville. J’ai cherché un kiné du sport et c’est comme cela que je me suis retrouvée dans l’espace bien être « les sources », à côté du lac d’Annecy. En arrivant au centre je découvre la salle dont je rêvais depuis des années : c’est un lieu de ressourcement tout en bois avec de poutres apparentes et une vue splendide sur le lac. Ils y pratiquent la médecine chinoise, l’ostéo, la psycho : tout ce que j’adore. La propriétaire est également en reconversion d’une carrière dans le textile. Elle me propose son local pour donner des cours de cirque.
Après cette rencontre, je suis allée faire un tour de vélo et je croise Hervé, un des administrateurs du centre des arts du cirque d’Annecy ! Ces signes ont résonné en moi. Après 6 ans d’Isola 2000, je décide de m’installer en Savoie et de tout recommencer. Tout est allé très vite. J’ai découvert des gens passionnés de montagne qui m’ont ouvert leur porte. Mes cours de cirque ont suscité beaucoup d’engouement, dès la première semaine.
Comment t’est venue cette idée incroyable de spectacle de cirque sous un parapente ? On a tous été bluffés.
À Isola, j’avais mis mes projets artistiques entre parenthèses. Ici, j’ai eu envie de faire des spectacles en extérieur et c’est comme cela que j’ai imaginé ce vol en parapente. Au gré de mes tours à vélo, j’ai visité des endroits extraordinaires. J’ai rencontré une équipe de parapente qui montait leur école et qui cherchait à se faire connaitre et un photographe que je suivais sur Instagram. Tous ont adhéré à l’aventure. Nous avons démarré par une vidéo. Je souhaitais immortaliser ces instants pour me souvenir d’abord de ces moments précieux et puis bien sûr pouvoir les partager. J’ai également d’autres projets artistiques en duo avec Manon, une amie artiste. Ce premier opus nous a propulsés dans la lumière : il a été relayé sur France 3, au journal national de France 2, ce qui nous a donné de la visibilité auprès des festivals. On a décidé de retravailler notre projet et de l’étoffer pendant un an afin de proposer un court métrage.
Quels sont tes prochains challenges ?
J’ai des projets artistiques qui sont entrain de prendre forme, qui allient la montagne, l’art et l’eau sous toutes ses formes. Je vais également terminer mon école de médecine traditionnelle chinoise.
Je cherche en priorité un lieu, un espace à moi ou je pourrais créer et accueillir. J’aimerais accompagner d’anciens sportifs de haut de niveau lors de leur transition de fin de carrière ; j’ai appris à mes dépens qu’il est compliqué de se reconstruire et je pense avoir le recul et la maturité suffisante pour les aider.
Quelles sont les personnes qui t’ont inspirée et aurais-tu un livre à nous conseiller ?
Je citerais Margot Bardy, mon entraineure de gym et seconde maman. Elle a fait une partie de mon éducation et je sais que mon gout pour les défis sportifs vient de son enseignement. On s’entrainait sans relâche, tout était possible ! Tous les défis sportifs que je relève, c’est grâce à elle, rien ne m’arrête.
Côté livre, je pense, à Matthieu Ricard et le « plaidoyer pour bonheur ». Comment le trouver, le retenir et même le définir ? Il nous propose de cesser de chercher à tout prix le bonheur à l’extérieur de nous, et apprendre à regarder en nous-mêmes.
Je citerai aussi Eckhart Tolle, et « Le pouvoir du moment présent ». Au cœur de cet enseignement se trouve la transformation de la conscience : en vivant dans l’instant présent, nous transcendons notre ego et accédons à un état de grâce, de légèreté et de bien-être.
En conclusion aurais-tu une devise ou un mantra ?
« Vivre avec passion », « not all classrooms have walls » et « Être, plutôt que faire », tout cela avec une notion de partage.
C’est très important pour moi, on peut passer des moments extraordinaires, mais si on les vit seules, cela n’a pas la même valeur…