[Cosmétique] hommes
Interview de Karine Coccellato, présidente et co-fondatrice d’Archiman, une ligne de soins cosmétiques dédiée aux hommes.
By Pascale Caron
Après des études en Économie et Finance à Sophia Antipolis, Karine a été pendant 7 ans directrice Europe et Moyen-Orient des cosmétiques Urban Decay. À la suite du rachat de la marque américaine par L’Oréal elle décide de quitter l’entreprise et de partir dans une société d’ingénierie à Sophia Antipolis. En juin 2017, elle passe le pas et crée avec sa sœur, Stéphanie, Archiman, une marque made in France, qui bouscule les codes de la beauté. Elles proposent une gamme de soins pour homme à base d’ingrédients naturels. Les packagings, d’un design Arty très original et écoresponsable, nous invitent à voir le mâle partout. Elles ont pour priorité la santé et l’environnement et ont établi une #Archiblacklist de composants controversés qui sont bannis de leurs produits.
Peux-tu nous parler de ton expérience chez Urban Decay ?
Dans les sociétés américaines, tout est possible. Pendant toutes ces années, j’ai eu la chance de m’exercer à l’entrepreneuriat. Je suis née à Nice, mais je suis partie à Paris à la fin de mes études pour travailler. À la suite d’un événement familial, j’exprime à mon boss mon désir de travailler quelques jours par semaine à Nice. Il me conseille de déménager le siège social, je n’en demandais pas tant ! Ma sœur Stéphanie me rejoint sur la partie opérations, RH et logistique. J’ai énormément appris de cette expérience et beaucoup voyagé. J’ai joui d’une grande liberté comme si c’était ma propre compagnie. Après le rachat de la société par L’Oréal, l’organisation et le modèle de management ont considérablement changé et je n’y trouvais plus ma place.
Qu’est-ce qui t’a amenée à te lancer dans l’entrepreneuriat ?
J’étais encore au sein d’Urban Decay et on me propose alors un poste de directrice générale dans l’ingénierie à Sophia Antipolis, je décide de partir. Au cours de cette expérience qui a duré 3 ans, je n’ai pas retrouvé mon ADN, je n’étais pas dans le bon écosystème : j’ai perdu le sens. Stéphanie était restée chez Urban Decay et quand elle me conseille de fonder notre marque, j’ai accepté immédiatement !
Mon but était de me faire plaisir, de trouver du sens et créer de la valeur autour d’un produit. Je voulais me lever le matin et de me dire « j’ai accompli quelque chose ». Je me martèle souvent « Aujourd’hui est le premier jour du reste de ma vie ». Cela me permet de ne pas regarder derrière et de repartir quotidiennement d’une nouvelle page blanche en essayant tout le temps d’être une meilleure version de moi-même. J’aime la pensée positive et je me dois d’être un modèle pour mon fils de 8 ans. Le Job le plus difficile après tout, c’est celui de maman !
Pourquoi avoir ciblé le marché des soins pour hommes ?
On est dans un vrai marché de niche. Il n’existait pas de marque chic et élégante qui prenne à la fois soin de l’homme et de son environnement. Certains hommes identifient les marques comme Biotherm aux cosmétiques de leurs pères. Il fallait une relève qui réponde aux besoins d’une clientèle de plus en plus jeune, responsable et en quête de sens. Depuis son lancement, Archiman a eu la consécration des experts de la beauté. Nous avons déjà reçu 3 awards de référence et nous sommes en finale pour un 4e et un 5e. Nous sommes distribués à l’étranger et comptons bien continuer notre déploiement international. Je suis convaincue qu’une marque doit être honnête et généreuse pour réussir. Nous avons défini l’Archiblacklits des ingrédients controversés : c’est notre cahier des charges pour nos fournisseurs.
Est-ce facile de travailler en famille ?
Oui. Stéphanie et moi avons des caractères diamétralement opposés et nous sommes très complémentaires. Dans les familles italiennes, on a l’habitude de vivre ensemble, on partage tout et c’est toujours « un pour, tous pour un ».
Quel est ton rôle préféré dans l’entreprise ?
Je m’occupe de la partie création, et de tout ce qui touche au produit. J’adore rajouter ma touche d’insolence. Sur tous les packagings, j’ai introduit un crapaud, c’est ma signature qui dit « I have kissed so many frogs to find my charming Prince ».
Je me fais plaisir quand je conçois les produits. Sur le nettoyant aux acides de fruits, par exemple, on peut voir des champignons hallucinogènes (« Let’s get acid »). Le côté structuré du packaging secondaire en carton rappelle la matière des polos masculins. J’ai le souci du détail.
Pour notre logo : Je voue une passion à Chanel et j’avais envie moi aussi d’avoir mon propre monogramme. Je me suis inspirée de l’œuvre du photographe espagnol Chema Madoz et nous avons rajouté le symbole de la féminité au cœur du M d’Archiman. Les hommes ont toujours une femme dans leur vie. (C’est un petit clin d’œil à leurs mères).
Quel a été l’impact de la crise du COVID pour Archiman ?
Nos ventes à l’étranger se sont arrêtées net. Nous avions signé un contrat avec les Galeries Lafayettes et avec Selfridges à Londres, 3 semaines avant le 1er confinement. Cette crise nous a forcées à nous digitaliser et à nous concentrer sur le marché français. Nous avons recentré notre énergie sur notre cœur de marque, amélioré les packagings et avons proposé à Pierre Frolla, l’apnéiste, d’être notre égérie. C’est une belle personne, engagée, avec de jolies valeurs et il a accepté par pure générosité. Cette aventure nous a permis de faire de riches rencontres.
Comment avez-vous financé votre entreprise ?
Nous avons d’abord démarré par de la « love money ». D’anciens fournisseurs d’Urban Decay ont cru en nous et nous ont suivies. On a par la suite finalisé une deuxième levée de fonds, juste avant la crise. Nous avons réussi à créer par nos ouvertures de capital un réel écosystème au service de la marque : chacun de nos investisseurs a une vraie valeur ajoutée au sein du développement d’Archiman. On y retrouve des experts en IT, presse, distribution, finance, juridique, logistique. Et cela n’a pas de prix.
Quels sont vos prochains challenges ?
Continuer l’ascension d’Archiman en France et à l’étranger ! J’ai énormément d’idées qui foisonnent de partout ; je me fatigue toute seule. Je me lève la nuit et je m’envoie des mails. Je souhaiterais aller beaucoup plus loin dans la gamme et même attaquer le côté nutritionnel, « Sky Is the Limit! »
De nouvelles perspectives s’ouvrent également à nous : nous venons d’intégrer un réseau de Social Selling. C’est une startup soutenue par la French Tech qui a 1200 stylistes beauté en France et en Belgique. C’est une très bonne façon de vendre nos produits.
Quelles sont les personnes qui t’inspirent ?
Je n’ai pas forcément des personnes en particulier. J’ai eu la chance de beaucoup voyager pour mon métier. J’adore Londres c’est ma ville de cœur, elle est cosmopolite, vibrante. Mon plaisir est de déambuler dans les rues et prendre des idées : tout est source d’inventivité. Le marketing et les marques américaines me passionnent. Elles m’inspirent énormément. Dans le monde de la mode, je citerai bien sûr, Coco Chanel et Yves Saint Laurent. J’aime le streetart, Banksi, Brainwash et l’esprit du tatouage. On retrouve tout cela dans Archiman.
Aurais-tu un livre à nous conseiller ?
J’en ai un qui me parle beaucoup et que j’ai lu plusieurs fois : c’est « Les 4 accords toltèques » de Miguel Ruiz. On l’évoque souvent avec ma sœur, c’est notre « religion » pour ne pas perdre le fil. Ils sont affichés aux murs de notre société.
En conclusion aurais-tu une devise ou un mantra ?
« Aujourd’hui est le premier jour du reste de ma vie » bien sûr, et « Make it simple », c’est ce que me martelait mon patron aux usas. Je l’applique quotidiennement dans le business.